d'avis que plus une action eft ferrée, & mieux elle fait fon effet. Pourquoy les Comedies nouvelles en cinq Actes ont-elles tant de peine à réuffit aujourd'hui, fi ce n'eft parce que le fujet en est souvent trop étendu ? A moins que d'avoir le feu de Moliere, il est bien difficile de tenir pendant cinq Actes le fpectateur en hâleine: il y a toûjours beaucoup de vuide dans nos Comedies modernes, & j'aurois, peutêtre eu le malheur de ne pas réuffir dans le même fujet, fije lui avois donné une plus longue étendue. D'ailleurs, qu'on l'examine on verra que pour une petite piece elle a toutes fes parties neceffaires. A l'égard des indiférens qui fe rendent trop tôt, je ne trouve pas que ce foit une forte objection. Qui ne fçait que l'amour eft l'effet d'un moment; & qu'il ne faut qu'un mutuel regard, je dis même de deux perfonnes qui ne fe font jamais vûës, pour produire une paffion violente ? Ainfi, fans m'arrêter fur cette objetion, qui me paroît foible, je passe rai à celle qu'on m'a faite fur le ca ractere du Chevalier Gafcon. Quoiqu'il ait plû generalement à tout le monde, trois ou quatre perfonnes ont prétendu qu'il étoit trop outré, qu'il étoit trop prévenu pour lui-même, que cela n'étoit pas naturel, & qu'il n'y avoit point d'homme comme celui-là au monde. En effet, je crois qu'il n'y auroit point d'hom. me comme celui-là, s'il n'y avoir point de Gafcon au monde. l'on Au refte il feroit à fouhaiter que toutes les petites Comedies que fait fuffent dans un genre un peu relevé; il n'y en a déja que trop qui tendent à la farce. N'aviliffons point un théatre auffi noble que le nôtre: il faut jetter toutes ces ordures baf fes & triviales hors de la Ville, & les laiffer aux fpectacles groffiers des fauxbourgs de Paris. L'AMOUR VANGE'S COMEDIE. SCENE PREMIERE. NERINE, MER LIN. MERLIN. Ui, Nerine, je fuis un benêt, un faquin, La plus franche pecore,& le plus grand coquin, Le garçon le plus lourd, & le plus imbecile Que l'on puiffe trouver peutêtre dans la Ville. Oui, je meriterois mille coups de bâton. NERINE. Et moy, Merlin, je fuis la plus fotte guenon, MERLIN. Ni moy fur Clidamis: C'est un cœur indocile Et nous avons raifon de conclure aprés tout, Que nous fommes bien fots, car nous fommes à bout. Nous meriterions bien d'avoir les étrivieres. Mais, Nerine, parlons un peu de nos affaires: La mere de Lucile, & le Seigneur Orgon, Oncle de Clidamis, font arrivez, NERINE. dit-on ? Oui, Merlin, nous devions en tirer cent piftoles, Et Lucile fur-tout, en bravant les amours, Mon Maître en fait autant, il joüe, il boit, il chante; Chez Fitte, chez Payen il a l'ame contente; Mais fi vous lui parlez d'une inclination, Bagatelle, dit-il, fadaife, vifion. Tout difcours amoureux l'effarouche & le bleffe, Il regarde l'amour ainsi qu'une foiblesse, NERINE. Quoy, tu ne lui peux pas mettre l'amour es tête ? MERLIN. J'ai fait de vains efforts, & ne fuis qu'une bête: Mais mon peu de genie à la fin me forprend, Je fuis encor plus fot qu'il n'eft indifferent. Quoy? moy qui fçais l'amour & tout fon badi nage, Qui chez deux fainéans fis mon apprentissage, Infpirer tant de fois d'amoureuses pensées, Je croy pourtant, Merlin, ma Maîtreffe & ton Maître Un peu fenfibles...mais honteux de le paraître. MERLIN. Bel honneur de paroître infenfible à l'amour. Pourquoy cet artifice, à quoy bon ce détour ? Au pett Dieu qui veut qu'on foûpire & qu'on aime J'ai vingt fois en public facrifié moy-même. NERINE. Tiens, chacun se déguise, & l'on s'eft fait un point De paffer en public pour ce que l'on n'eft point. L'Ufurier veut paroître un prudent œconome. Tout Procureur voudra paffer pour honnête homme, Tout Afne pour Docteur, tonut Poltron pour Cefar, Tout vifage en couleur pour vifage fans fard: Pour homme délicat en matiere d'honneur. Tout Amant un peu fier dreffe. pour Amant fans ten De cette efpece font ton Maître & ma Maîtresse, |