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Si je l'aime !

EUPHROSINE.

ESOPE.

Ecoutez, l'Hymen dure long-tems: Quand il fait un heureux, il fait vingt mécon

tens.

Vous eftes dans un âge où le cœur foible & tendre, Par un objet qui plaift eft facile à furprendre ;

Mais quand c'eft pour toujours qu'on se doit engager,

L'exemple que voicy doit y faire fonger.

L'ALLOUETTE ET LE PAPILLON,

Autrefois une Allouette,

Qu'aimoit un riche Coucou,
Epoufa par amourette

Un fort beau Papillon, qui n'avoit pas un fou.
Outre beaucoup d'indigence

Il avoit tant d'inconftance

Qu'il muguetoit les Fleurs, & les pouffoit à

bout.

Rien ne pouvoit fixer ny fes vœux, ny fa flâ

me:

Cependant fa pauvre femme
Avoit difette de tout.

Elle connut bien-tôt, quoy que trop tard pour
elle,

Que lorsqu'on veut s'unir pour jufques au tome
beau,

Un Epoux inconstant & beau
N'en vaut pas un laid & fidelle,

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Dans l'âge où me voila, je ne fuis pas fi fou

Que

Que je ne fçache bien que je fuis le Coucou
Je fuis laid; mais enfin, je fais une figure
Qui me vange du tort que m'a fait la Nature ;
Et quoy que mon Rival vous promette aujour➡
dhuy,

Vous ferez plus heureufe avec moy qu'avec luy

Pefez ce que je dis, fans aigreur ny rancune.

EUPHROSINE.

Il eft vray qu'avec vous j'aurois plus de fortu➡ –

ne:

Mais lors qu'à l'amour feul un cœur eft destiné,
Quand il a ce qu'il aime eft-il infortuné ?

Ne defuniffez point deux cœurs faits l'un pour l'autre :

Il eft d'autres objets bien plus dignes du vôtre :
La Grandeur que je fuis fera plus de leur goût;
Et mon cher Agenor me tiendra lieu de tout.
Je mourrois de douleur s'il m'étoit infidelle;
Mais pour le devenir il a lame trop belle:
Le plus grand des chagrins que nous puissions

avoir

C'eft d'eftre l'un & l'autre un moment fans nous voin.

Vous donnez des Leçons que tout le Monde ad mire:

Pratiquez le premier ce qu'on vous entend dire:
De deux jeunes Amans ne troublez point la paix;
Et ne vous fignalez qu'à force de bienfaits.
Quel plaifir aurez-vous de me voir malheureuse z
ESO PE.

Qu'une Fille a d'efprit quand elle eft amoureuse
On ne peut s'exprimer en des termes plus doux.
Vous n'avez pas eu peur de me rendre jaloux..
En parlant d'Agenor vous aviez des extafes';:
Et l'amour vous aidoit à bien tourner vos phrafes.
Monfieur le Gouverneur, que je vais bien- tôc
voir,

F

Ne balancera point à faire fon devoir.
Je vous ay prés de luy déja rendu fervice:
Je vous promets encor un auffi bon office.
Vous verrez quel Amant vous fera reservé.
EUPHROSINE.

Et moy, qui vous connois pour un Fourbe achevé: Moy, qui de vôire fraude ay fujet de me plaindre:

Moy, qui ne fçais qu'aimer, & qui ne fçais point feindre:

Je vous declare icy qu'Agenor a ma foy;

Que je suis toute à luy, comme il est tout à moy;
Que toute la grandeur où le Roy vous appelle
N'aura pas le pouvoir de me rendre infidelle;
Et que fi de mon Pere on aigrit le courroux,
J'épouteray la mort plus volontiers què vous.
Vous m'épouvantez plus qu'elle ne m'épouvante,
Adieu.

ESOPE feul.

Qui le croiroit? Une Fille conftante!

Quel prodige!

SCENE I V.

MONSIEUR DOUCET, ESO PE

M. DOUCET.

Mo fieur, fur un avis certain,

Que vous devez icy vous marier demain,
Je viens vous fupplier de m'accorder la grace
D'empêcher de mourir vôtre future Race;
Et de reffulciter vos Ayeux qui font morts.

ESOPE.

Quoy, vous faites rentrer les Ames dans les Corps
Il faut qu'apparemment vous fçachiez la Magie.
M. DOUCE T.

Non, Monfieur, mais j'excelle en Genealogie,
Jennoblis, en payant, d'opulens Roturiérs,
Comme de bons Marchands, & de gros Financiers
Je leur fais des Ayeux de quinze ou feize Races,
Dont le Diable auroit peine à demeflèr les traces.
L'Or, le Gueule, l'Argent, le Sinople & l'Azur
Me font mettre en éclat l'homme le plus obfcur.
L'un fur fon Ecuffon porte un Cafque fans grille
Dont le Pere autrefois a porté la Mandille:
L'autre prend un Lambel, en Cadet important,
Dont on a veu l'A yeul Gentilhomme exploitant,
Enfin ma renommée expofée aux Satires,
Par tant de Roturiers dont j'ay fait des Meffires
Pour tenir deformais des chemins differens
Je confacre mon Art aux veritables Grands:
A la vertu Guerriere : à la haute Naiffance;
Et c'eft avec plaifir par Vous que je commence.
Le Sang dont vous fortez trouve fi peu d'égal...
ESOPE.

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Monfieur le Blafonneur vous me connoiffez mal.
Je ne fçay d'où je fors ny quel étoit mon Pere.
M. DOUCET.

A qui manque d'A yeux j'ay le fecret d'en faire :
Et pour deux mille écus, pour le prix de mon foin
Je vous feray venir des Ayeux de fi loin,
Aux grandes Actions toûjours l'ame occupée
Que la Verité même y feroit attrapée.

Jugez de mon fçavoir: par les foins que j'ay pris
Le fils d'un Marelchal eft devenu Marquis.

ESOPE.

Vous avez, je l'avoue un talent admirable;
Mais rien n'eft beau pour moy qui ne foit veri

1

table:

Quand on me croiroit Noble à faire du fracas,
Pourrois-je me cacher que je ne le fuis

Dites.

M. DOUCE T.

Si l'on avoit cette délicateffe

pas

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Adieu plus des trois quarts de ce qu'on croit Nobleffe:

Il n'en eft prefque point, à vous parler fans fard,
Qui n'ait pour faire preuve eu befoin de mon Art.
Je fçay de gros Seigneurs qui feroient dans la crasse,
Sans la Revifion que je fis de leur Race;

Oû je fubftituay, tant mon Art eft divin,
Trois Marefchaux de Camp pour trois Marchands

Si

de Vin.

pour vôtre Nobleffe il vous manque des Titres, Il faudra recourir à quelques vieilles Vitres; Où nous ferons entrer, d'une adroite façon, Une Devife antique avec vôtre Ecuffon.

Vingt douteufes Maifons qui font dans la Province,
Pour fe mettre à l'abry des reche ches du Prince,
Avec cette induftrie ont trouvé le moyen

De prouver leur Nobleffe admirablement bien.
Vous ferez Noble affez, fi vous paroiffez l'eftre.
ESOPE.

Et comment, s'il vous plaift, le pourray-je paroistre?
Ay-je un exterieur qui puiffe faire voir...

M. DOUCET.

Je vous trouve l'air Noble autant qu'on peut l'avoir.

A moy?

ESO PE.

M. DOUCE T.

Sur vôtre front certain éclat qui brille Montre que vous venez d'une illuftre Famille.

ESOPE.

11 eft vray, j'ay l'air Grand! l'Afpect noble !

M.

DOUCET.

Beaucoup,

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