ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

Mon ardeur outragée eft ce que je confulte.

DORIS.

Et que peut-on luy faire au delà de l'infulte ?
Fût-il plus qu'il ne l'eft, vôtre ennemy mortel,
Je vous crois trop bon fens pour luy faire un appel.
Efope fur le Pré feroit un beau fpectacle!
Eloignons fon Hymen; formons-y quelque obstacle ;
C'eft à quoy maintenant il s'agit de penter;
Et non, par vos éclats, à le faire avancer.
Monfieur le Gouverneur eft dans fa Gallerie.
Voyez-le parlez-luy; fa Fille vous en prie.
Il eft feul. Son grand vice eft d'eftre un peu teftu
Mais vous ne ferez pas éconduit & battu.
Tâchez à remuer fes entrailles de Pere:

S'il ne rompt cet Hymen, faites qu'il le differe.
J'aurois, fi j'étois homme, ou du moins je le croy,
Plus de virilité que je ne vous en voy.

Courez. Quand le temps preffe il eft bon qu'on ga¬ lope.

Allez le voir.

AGENOR.

J'y vais; & delà voir Efope.

Pour peu qu'il foit contraire à mes intentions,
Je fens à le brufquer des difpofitions.

Je fçais tout ce qu'il eft, & tout ce qu'il peut-eftre,
Mais de mon defefpoir je ne fuis pas le maistre.

DORIS.

AGENOR.

Gardez-vous....

Je feray tout ce que je te dy.

DORIS.

Eh, mon Dieu, croyez-moy; point de coup d'E

tourdy.

Dequoy fert la raifon, à moins qu'on ne raisonne ? Je voy venir quelqu'un. Songez à vous,

SCENE I I.

ALBIONE, DORI S.

ALBION E.

MA Bonne

Je viens prés d'Euphrofine implorer vôtre appuy:
Bien-tôt Femme d'Efope, elle peut tout fur luy.
DORIS.

L'infaillible moyen de tout obtenir d'elle.
C'eft de luy bien vanter fa conquefte nouvelle.
ALBIONE.

Efope m'a mandé de l'attendre en ce lieu.
En fortant d'avec luy, j'iray la voir.
DORIS.

Adicu.

Je vay la difpofer à remplir vôtre attente.
Elope vient.

[ocr errors][merged small][merged small]

Mo

Onfieur, je fuis vôtre Servante,

Ce n'eft point compliment, c'eft pure verité

ESOPE.

Je vous en garentis autant de mon côté:

II. ne tiendra qu'à vous de me mettre à l'épreuve,

Madame.

ALBION E.

Sçavez-vous, Monfieur, que je fuis Veuve?
ESOPE.

.. Non, vraiment.

[ocr errors][ocr errors]

ALBIONE.

Je le fuis depuis prés de cinq ans.: Et défunt mon Mary m'a laiffe quatre Enfans. ESO PE

A voir cet air brillant, & ce riche équipage,
Vous allez convoler en fecond Mariage,
Apparemment ? Quelqu'un de vos yeux eft bleffé?
ALBIONE.

Pardonnez-moy, Monfieur, mon bon temps eft

paffé.

Tant-pis,

ESOPE.

ALBIONE.

La propreté de tout temps fut permise;
Et fi vous me voyez paffablement bien mife,
Il ne faut pas, Monfieur, vous en émerveiller:
L'Epoux dont je fuis Veuve étant mort Confeiller,
Je fuis dans un étage à paroiftre plus grande,

Ou qu'une Procureufe, ou bien qu'une Marchan
de.

Rien ne m'eft plus fâcheux, que de m'encanailler.
ESOPE.

Et de quelle Acabie étoit-il Conseiller?

Etoit-ce en Robe longue en Robe courte ? en
Botte?

ALBION E.

Non, Monfieur, il étoit Confeiller Gardenotte.

ESOPE.

La pefte! N'est-ce pas ce que vulgairement
On dit Tabellion, ou Notaire autrement?

ALBIONE.

Ouy, Monfieur.

ESO PE.

Vertubleu! C'eft un Grade fublime.
ALBIONE.

J'ay fait ce que j'ay pû pour le mettre en estime,
Confeillere à la Cour, Prefidente à Mortier,
Faifoient moins de fracas que moy dans mon quar
tier.

Voyant à mon Epoux une fomme affez grosse,
Je voulus avoir Chaife, & puis aprés Caroffe;
Et tous les Chevaux noirs n'ayant pas de grands

airs

J'en eus de pommelez, comme les Ducs & Pairs.
Pour mon Appartement, cinq Chambres parque

tées

A force de Miroirs fembloient eftre enchantées:
Et ce qui m'en plaisoit, on n'y pouvoit marcher,
Que l'on ne fe miraft encor dans le Plancher.
Ayant veu par hazard, dont je fus bien contente,
De gros Chenets d'argent chez une Presidente,
Je priay mon Mary de m'en donner d'égaux ;
Et quatre jours aprés j'en eus de bien plus beaux.
Je fus même à la Foire, où j'eus la hardieffe,
Voyant un Cabinet qu'aimoit une Duchesse,
Pendant qu'à marchander elle fe dépéçoit
De le prendre à fa barbe au prix qu'on le laiffoit,
Pour ne pas abufer de vôtre patience,

On parloit en tous lieux de ma magnificence:
Quand pour un Inventaire où mon Mary courut,
Il s'échauffa fi fort qu'en trois jours il mourut,

ESOPE.

Avez-vous achevé vôtre hiftoire modefte

ALBION E.

J'en ay dit tout le beau, j'en vais dire le refte.
Mon Epoux étant mort, ces Miroirs, ces Chenets,
Ces Chevaux, ce Caroffe, & ces beaux Cabinets,

[merged small][ocr errors][merged small]

Tout cela s'en alla chez qui les voulut prendre : J'y perdis les deux tiers, quand je les fis reven

dre.

Enfin, pour nous tenir toujours fur le bon bour,
Je n'ay rien ménagé, j'ay prefque vendu tout:
Si bien que ce matin ayant fçû qu'à des Filles
Qui doivent leur naiffance à d'horneftes Familles,
Créfus donne une Dot pour les bien allier,
Je vous en offre deux preftes à marier.

J'attends: qu'en leur faveur votre bouche pro

nonce.

Voila ce qui m'ameine.

ESOPE.

Et voicy ma réponse.

LA GRENOUILLE ET LE BOEUF,

LA Grenouille dans un Pré,

Voyant paiftre le Beeuf confidere la taille ;
Et la trouvant à fon gré,

S'enfle, fue, & fe travaille,

Pour faire aller la fienne en un même degré.
Sa Fille qui la voit faire
Luy remontre fagement,
Qu'un deffein fi temeraire
Va jufqu'à l'aveuglemen:
Que l'appas qui la chatouille

Luy cache le peril de ce qu'elle entreprend; Et que depuis le Boeuf jufques à la Grenouille C'eft un intervale trop grand.

?

Mais contre ces raisons fon orgueil fe foûleve:
A s'enfler encor plus elle applique fes foins:
Fait de fi grands efforts, qu'à la fin elle crêve ;
Et fa temerité ne meritoit pas moins.

« ÀÌÀü°è¼Ó »