grandes variations dans les effets de l'attraction. Ainfi les quantités qu'on peut négliger dans l'attraction éloignée, modifient considérablement les loix de l'attraction prochaine : d'ailleurs, la grande action de notre globe influe continuellement fur ces loix, & les dérange dans tous les cas. La même force peut donc, fuivant les circonftances, produire des effets très différens. Comme nous manquons de moyens pour reconnoître dans chaque cas particulier, la figure & la pofition des molécules, il ne nous reste plus qu'à déterminer par des expériences exactes & nombreuses, les rapports que les différens corps ont entre eux à l'égard de l'attraction..

L'attraction prochaine s'étendant à peine audelà du contact, il eft clair qu'en général, fon intensité dans un même corps, croît dans la même proportion que le contact augmente. C'est par cette raifon qu'il fe préfentera dans la fuite de ces Observations, plufieurs exemples qui prou vent qu'un corps attire plus fortement dans l'état liquide, que dans l'état folide, & beaucoup plus fortement encore, lorfqu'il eft réduit en vapeurs. Voyez en particulier ce qui eft dit de l'acide marin, relativement au phlogistique (§. XLVII), & de la matière de la chaleur (§. XLVIII).

Dans cet Ouvrage, je tâcherai de déterminer l'ordre des attractions, fuivant leurs. forces refpectives; mais une mefure plus exacte, de chacune en particulier, qui puiffe s'exprimer par des nombres, eft encore à defirer : elle jetteroit cependant un grand jour fur toute cette doctrine ( 1 ).

On peut diftinguer plufieurs espèces d'attractions prochaines; je ne ferai mention que des principales. Lorfque des fubftances homogènes tendent à fe réunir, il n'en réfulte qu'une augmentation de maffe, fans que la nature de la fubftance ait éprouvé le moindre changement: cet effet s'appelle attraction d'aggrégation. Mais fi dés fubftances hétérogènes, mêlées ensemble, & abandonnées à elles-mêmes, forment entre elles de nouvelles combinaifons, le changement

( 1 ) M. de Morveau eft, je crois, le premier qui ait déterminé & exprimé par des nombres l'adhéfion du mercure avec quelques métaux. M. Achard donna enfuite une grande table, dans laquelle les forces d'adhésion de plufieurs corps font tirés du calcul & de l'expérience. Enfin M. Kirwan a commencé depuis peu à mefurer les attractions d'une manière ingénieufe, par la diminution de volume qui a lieu après la combinaifon ; car il penfe que la raifon & la quantité de cette contraction dépendent de l'intensité de l'ate traction.

qui leur arrive, a plus de rapport à leur qualite qu'à leur quantité, c'eft ce que nous nommons attraction de compofition. Si fon action se borne à réunir fimplement deux ou plufieurs fubítances, c'est l'attraction de diffolution, ou de fufion; felon qu'elle eft faite par la voie humide, ou par la voie sèche. Enfin l'attraction de compofition fe divife en attraction élective fimple, & en attraction double. La première a lieu, lorfque de trois fubftances fimples, qui s'attirent mutuellement, deux fe combinent à l'exclufion de la troifième ; & la dernière, lorfque deux compofés, formés feulement de deux principes prochains, viennent à changer réciproquement leurs prin cipes, à l'inftant qu'ils font mêlés ensemble. C'est principalement ces deux dernières espèces que nous examinerons dans la fuite de cet Ouvrage.

S. II.

Attractions électives fimples.

Soit A une fubftance que d'autres substances hétérogènes a, b, c, &c. attirent: fuppofons d'ailleurs, que A combiné avec c jufqu'au point de faturation, ce que nous défignerons toujours la réunion de A & de c=Ac, tende à s'unir à b qu'on lui ajoute, en fe féparant de c; on dir

par

b

alors que A attire plus fortement b que c, ou que a une attraction élective plus forte que c. Suppofons enfin que Ab foit décomposé par l'addition de a, que b foit rejetté, & que a prenne fa place, il s'enfuivra que la force attractive de a l'emporte fur celle de b, & que la férie a, b, c, &c. fera exactement dans l'ordre de l'efficacité des forces attractives de ces trois fubftances. Plufieurs donnent le nom d'affinité à ce que nous avons nommé attraction. J'employerai indifféremment ces deux termes par la fuite, quoique le premier,"comme plus métaphorique, paroiffe moins propre dans un Ouvrage de Phyfique.

En 1718, Geoffroy imagina de faire voir au premier coup d'œil, la férie des attractions électives, en difpofant les fignes chymiques dans un tableau, fuivant un certain ordre. Mais cette admirable invention eft louée par quelques-uns, & blâmée par d'autres : les premiers prétendent que les affinités fuivent des loix conftantes, les derniers affurent qu'elles font vagues, & ne dépendent que des feules circonftances.

Or puifque toutes les opérations de la Chymie confiftent dans l'analyse ou la fynthèfe, & que l'une & l'autre dépendent de l'attraction, il s'en

fuit qu'il eft de la dernière importance de terminer cette difpute. Ne rejettons donc pas toute cette doctrine, pour une ou deux irrégularités, peut-être mal entendues; examinons au contraire la question avec tout le foin & l'attention poffibles: & quand même nous trouverions enfin que les attractions dépendent uniquement des circonftances, ne concluons pas pour cela, qu'il eft inutile de connoître les différentes conditions qui les favorifent, les empêchent ou les troublent. Cette connoiffance feroit encore d'une utilité très-étendue : l'on ne voit en effet aucun phénomène dans la nature, qui ne foit tellement lié avec certaines conditions, que lorfqu'elles. viennent à manquer, le phénomène n'a pas lieu, ou varie fuivant les circonftances. Il eft important pour la Science, que les changemens & les combinaisons des caufes, foient connus dans chaque opération, auffi exactement qu'il eft poffible & j'espère que dans le courant de cet Ouvrage, l'utilité d'une recherche exacte fur les attractions, fera clairement démontrée par plufieurs exemples..

Suppofons au contraire, que les attractions fuivent des loix conftantes, quand une fois nous aurons déterminé ces loix par l'expérience, ne feront-elles pas la clef qui nous ouvrira le fanc