Tu vais à Châteauvieux mener joyeuse vie,

Avec le Comte de ce nom,
Paladin d'un tres-grand renom,

Dont la table est toujours fervie
De mets exquis & délicats:
Ta voix y fera du fracas,

Tu diras des Chansons à boire,

Et des Chanfons à dés-aimer;

Dans de pareils banquets Bacchus doit animer,
Et fur l'Amour remporter la victoire :

En bravant fon carquois, en méprifant ses feux,
Je crois t'entendre dire avec grande allegreffe,
Je ne fuis plus amoureux,

Ma bouteille eft ma Maîtreffe:

Enfin tu feras fi joyeux,

Que ne pourras quitter ces lieux.

Je crains que notre bonne Ville, Qui jadis te parut abondante en plaisirs,

N'ait plus rien désormais qui flate tes défirs,

Et qu'à moins qu'une Fée habile

Ne nous aide de fon pouvoir,

Onc nous n'aurons l'heur de te voir :

Mais ce penfer nous rend l'ame dolente,

Point ne le faut entretenir,

Ains tres-promtement le bannir.

Parlons de notre Préfidente,

Dont le corfage eft auffi droit qu'un jonc ;

Elle a reçû fon Portrait de Dijon,
Et m'en paroît affez contente;

Quant à moi, je ne trouve pas
Qu'on ait rendu justice à ses apas :
Ce Portrait ne fait point paroître
Le feu qui brille dans ses yeux,
Et l'Amour, cet excellent Maître,

Dans les cœurs le peint cent fois mieux. Nous avons difcouru de fa longue campagnes

Elle a dans fes propos une naïveté,

Qui d'ordinaire eft la compagne

De l'aimable fincerité.

Cela me convient davantage

Que les airs de rafinement,

Point je n'ai le fecret d'en pratiquer l'usage,

Et je vais toujours rondement :

Je te dis donc, fans compliment,

Que tant s'en faut que ton absence

Cause dans notre cœur du réfroidiffement,

Nous y fentons pour toi, de moment en moment, Redoubler notre bienveillance.

233

IDILLE,

POUR LE MARIAGE
DE MADAME

LA DUCHESSE

DE LORRAINE.

SCENE PREMIER E.

La NYMPHE de S. Cloud, TROUPE de NAYADES, de DRIADES, de FAUNES, de DIEUX des Eaux.

Une DRIADE.

'AIMABLE Saifon des Zéphirs

A ramené les Jeux & les Plaifirs;

Tout doit aimer dans nos bocages,

Sur ces renaiffans feüillages

Les Oiseaux fe font la cour:

Si le Printems revenoit fans l'Amour

Ils n'auroient

pas

de fi tendres ramages.

La NYMPHE de S. Cloud.

Hélas! de quoi me fert le retour du Printems ?

⚫ Ses plaifirs ne font faits

que pour

les cœurs contens

L'Himen va nous ravir notre JEUNE PRINCESSE,

Nous ne verrons plus fes beaux yeux,

Ils vont briller en d'autres lieux;

Je me fens pénétrer d'une fombre tristesse.
Hélas ! de quoi me fett le retour du Printems ?

Ses plaifirs ne font faits que pour les cœurs contens.
Un DIEU des Eaux.

Finiffez une plainte vaine ;

Eft-ce par

de triftes regrets

Que l'on doit célébrer un Himen plein d'attraits?
Rien ne peut égaler la douceur de fa chaîne,
Il conduit LA PRINCESSE. en d'aimables climats
Et lui donne un HÉROS charmé de ses

Un FAUNE.

apas.

Que fe Ciel à fes vœux foit toujours favorable,
Puiffe-t-elle être heureuse autant qu'elle eft aimable,

La NYMPHE de S. Cloud.

Le Ciel a comblé de faveurs