d'une absolue liberté, si la science n'est pas coupable en persuadant qu'il faut les laisser libres parce qu'ils savent bien ce qui convient à leurs intérêts, et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'ils connaissent trop bien leurs intérêts et trop peu ceux de l'Etat et de l'industrie. C'est ce que nous examinerons dans l'analyse des quatre caractères, Banqueroute, Agiotage, Accaparement, Parasitisme.

J'ai dû préalablement démontrer que l'édifice pèche par la base, que nos systèmes sont erronés sur les principes et les ressorts de la circulation, et sur les devoirs des agents à qui elle est confiée. Je vais appuyer ce premier [aperçu] de détails d'où nous conclurons qu'il nous fallait, pour sortir de ce labyrinthe, abattre le pivot X Propriété intermédiaire et licence de fraude, ou mettre en jeu les deux transitions V Monopole unitaire, simple et composé.

A Concurrence réductive.

CHAPITRE III.

HIERARCHIE DE LA BANQUEROUTE DIFFÉRENCIÉE PAR SÉRIE
DE GENRES ET ESPÈCES.

Quand un crime devient très fréquent, on s'habitue...

(Theorie 3

des quatre mouvements, p. 341 à 343, nouvelle édition, et p. 324 à 323,
ancienne édition)..
Banqueroutes honnêtes, celles où la spécu-

lation n'enlève que moitié.

Passons au tableau détaillé de cette prouesse fort 'peu connue dans l'antiquité (1). Elle a pris depuis un essor brillant. Elle présente aux analystes une série de développements qui vont déposer en faveur de nos progrès vers la perfectibilité.

(1) Voir le même tableau, tome III, p. 124 de la Theorie de l'Unile universelle, nouvelle édition, et t. II, p. 419, ancienne édition.

Dans le manuscrit, Fourier a accolé un nom propre à côté de chaque espèce de banqueroute. Voyez ce qu'il dit à ce sujet page 38. Nous n'avons pas cru nécessaire de livrer à l'impression cette partie du tableau.

(Note des Éditeurs.)

HIERARCHIE DE LA BANQUEROUTE.

CARACTÈRE 31- CRIMES DU COMMERCE.

Série LIBRE en 3 ordres, 9 genres, 36 espèces.

CHAPITRE IV.

aile ascendante des banqueroutIERS. 12 espèces.

Les Innocents, les Honorables, les Séduisants.

Dans un siècle très-dépravé, très-cupide, on s'exposerait au ridicule si, d'un ton de pédagogue, on déclamait contre les vices en crédit, la banqueroute. Il est plus sage de suivre le ton dominant et d'envisager les crimes sociaux sous le côté plaisant. Je vais donc prouver que la banqueroute est une friponnerie encore plus risible que ne l'ont cru ses protecteurs et fauteurs, qui ne voient que des gentillesses dans ses rapines mercantiles.

Tout est relatif dans le vice comme dans la vertu; les brigands même ont leurs statuts sur la justice et l'honneur. Il ne faut donc pas s'étonner que les banqueroutiers admettent entre eux des principes et des gradations de gueuserie. C'est ce que j'ai cherché à faire ressortir dans cette distribution. J'ai dû, selon la règle usitée en série libre, diviser celle-ci en 3 corps:

Le 1er contenant les teintes légères, gracieuses;

Le 2o ou centre les caractères imposants, sublimes;
Le 3o, les nuances peu saillantes, les espèces triviales.
L'aile droite ou ascendante va ouvrir la marche.

4. La Banqueroute Enfantine est celle d'un jouvenceau qui débute dans la carrière et fait étourdiment cette équipée sans tactique préparatoire. Le notaire a beau jeu d'accommoder l'affaire. Il la présente comme une folie de jeune homme, et dit : « La jeunesse réclame votre indulgence. » L'esclandre devient une amusette publique, ces banqueroutes de jouvenceau étant toujours entremêlées d'incidents plaisants: usuriers dupés, harpagons mystifiés, etc.

Le failli de cette espèce peut hasarder force gueuseries, enlèvement de marchandises, emprunts scandaleux, vols de parents, amis, voisins; tout est lavé par cet argument d'un compère, qui dit aux créanciers courroucés: Que voulez-vous, c'est un enfant qui n'entend pas les affaires; il faut pas» ser quelque chose aux jeunes gens; il se formera avec le temps. » (1)

(1) Le lecteur se rappellera peut-être que dans un procès qui eut lieu à Paris, unc de ces dernières années, on employa la même excuse, en plein tribunal, pour justifier quelques tripotages de houillères commis par un industriel qui s'était acquis une réputation prématurée. C'est un jeune homme, disait son témoin; il ne connait pas encore les affaires. (Note des Éditeurs.)

Ces banqueroutiers enfantins ont pour eux un grand appui, qui est la raillerie. On est très-railleur dans le commerce; on y est plus enclin à turlupiner les dupes qu'à critiquer les fripons, et quand un failli peut mettre les rieurs de son côté, il est assuré de faire bien vite capituler la majorité des créanciers, et d'obtenir son traité d'emblée (Théorie de l'Unité universelle, vol. III, p. 425, N. E., et vol. II, p. 418, A. E.).

2. La Banqueroute en Casse-cou: celle de certains débutants joueurs à quitte ou double, gens qui vont à bride abattue, brassant (1) et spéculant sans rime ni raison, faisant une dépense énorme et tranchant du grand pour usurper d'emblée un crédit provisoire qu'on se ménage au moyen de quelques sacrifices cachés. Ces casse-cous, une fois engagés, accumulent sottise sur sottise, et finissent d'ordinaire par une fugue. L'affaire est excusée comme barbouillage, et facile à accommoder, en ce qu'elle prête à la plaisanterie comme la précédente.

Ces casse-cous sont fort communs en France, où ils sont décorés du nom de spéculateurs. Un jeu très-sûr pour eux est de précipiter le dénoûment de manière que la culbute ait lieu au moment où on les croit à peine installés, et où chacun leur confie une première affaire, en disant: «Oh! il ne manquera pas une première année. »

3. La Banqueroute en Tapinois, par dessous main, est celle où le débiteur gêné propose un petit arrangement, une remise de 25 0/0, ou bien des marchandises estimées 25 0/0 de trop. L'entremetteur observe aux créanciers que cela est très-avantageux pour eux; car, si on presse le quidam et qu'on l'oblige à faillir, il y aura au moins 50 0/0 à perdre.

On est très-aheurté dans le commerce à ces sortes de comptes relatifs. On rencontre une foule de fripons qui, en vous volant 30 0/0, vous prouvent que vous gagnez beaucoup en ce qu'ils ne vous en volent pas 50. D'autres vous soutiennent qu'ils perdent beaucoup, parce qu'ils ne gagnent avec vous que 40 0/0, et qu'ils auraient dù en gagner 60. Cette manière de calculer, qui semble risible, est pleinement admise dans le commerce; elle obtient plein succès dans la banqueroute par dessous main. On prouve que ce petit rabais de 25 0/0 est un bénéfice clair et net de 25 0/0 en comparaison des 50 que coûterait la faillite. Ébranlés par la force de ce raisonnement, les créanciers abonnent pour le petit arrangement. Celui à qui on doit 4,000 fr. en reçoit 3, et cela ne s'appelle pas faire banqueroute.

4. La Banqueroute Posthume, qui se déclare après la mort du per-. sonnage; elle devient un titre d'apologie pour le défunt, qui comptait

F (1) Brasser, terme d'argot mercantile qui signific: entreprendre immensément sans calcul ni prudence. (Note de Fourier.)

bien rétablir ses affaires, et qui certes y aurait fait honneur s'il eût vécu. Là-dessus on vante ses excellentes qualités; on s'apitoye sur les pauvres orphelins. Les créanciers voudraient-ils inquiéter une veuve éplorée ? Pour peu qu'elle fût jolie, il y aurait de l'atrocité! Entre temps, la veuve, aidée de quelques affidés, a fait de bons enlèvements avant les scellés. Ces lacunes sont imputées au défunt, qui n'a pas eu le temps de mettre ordre, et qui ne reviendra pas pour donner un démenti. S'il y a 25 0/0 de déficit, on aura su le porter à 50; il n'en coûte pas davantage quand on a la main à l'œuvre; d'ailleurs, quelle folie serait-ce de faire une faillite de 25 0/0 quand il est reconnu qu'elles sont honnêtes à 50 0/0, surtout quand c'est la faute d'un défunt très-respectable, dont il serait affreux de compromettre la mémoire.

2e CATÉGORIE. Les Honorables. 3 espèces.

Les 4 espèces déjà définies sont celles d'innocence fictive. Nous allons passer en revue celles d'innocence réelle. Il faut distinguer tous les genres dans une définition exacte. Il serait injuste de flétrir en masse les faillis, parce que les 9/40es sont des fripons. J'en vais citer trois classes vraiment excusables. Nous n'aurons que trop de coupables à signaler; cherchons d'abord quelques honnêtes gens dans cette confrérie, devenue si nombreuse depuis la régénération, que, dans certaines villes, on ne demande pas qui est-ce qui a fait banqueroute, mais qui est-ce qui ne l'a pas fait.

5. La Banqueroute en Oison est celle d'un malheureux qui ne dètourne pas une obole, livre tout aux créanciers et se met à leur discretion sans aucune fraude. Les autres banqueroutiers se moquent de lui et le déclarent un Jocrisse qui devait au moins faire son magot; et vraiment un homme si loyal est indigne de notre siècle de perfectibilité.

6. La Banqueroute en Visionnaire est le fait de celui qui se désespère, se croit déshonoré et quelquefois se suicide, va se noyer. C'est être bien peu à la hauteur des circonstances: être honnête homme au dix-neuvième siècle, et qui pis est, dans le commerce!

Toutefois, je me plais à dire qu'on en rencontre encore dans le commerce, mais bien clair semés, rari nantes in gurgite vasto. Chacun leur prédit leur sort, tant il est connu que sur dix fripons qui se mettent dans le commerce, il y en a neuf qui font fortune, et sur dix hommes loyaux, il y en aura neuf qui se ruineront.

7. La Banqueroute Sans principes est celle d'un niais qui laisse entremettre la justice et rendre des jugements qui le flétrissent, le dépouillent, au lieu d'imiter tant d'habiles gens qui savent sortir de ce