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Mais d'un autre côté, comme il arrive le plus fouvent que ceux qui font accufés fe trouvent coupables; la plupart des actes d'adminiftration, fur-tout ceux qui tendent à la diminution du bien, dépendent, quant à la validité, de l'évenement du procès, comme on va le voir dans les diftinctions fuivantes. On éleve fur cette matiere une queftion, qui confifte à fçavoir, fi celui qui eft en fuite, & dont les biens font annotés, a également le privilége d'adminiftrer fon bien, & de recevoir ce qui lui eft dû jusqu'à fa condamnation ?

On peut dire en fa faveur, qu'il arrive fouvent qu'un innocent prend la fuite, pour éviter d'être victime de la malice de fes ennemis, ou de la rencontre malheureufe de certaines circonftances qui pourroient tromper les yeux de la juftice; & il femble effectivement que cette confidération devroit empêcher de pofer comme un principe certain & général, que l'accufé en fuite eft privé de droit de l'administration de fon bien.

Cependant le Preftre, cent. 1. chap. 84. ne fait point difficulté de fe décider pour l'interdiction. Son avis eft fondé fur la loi 5. ff. de Requirend. vel abfent. damnand. Cette loi ordonne que les biens des accufés fugitifs feront mis fous le fçeau, obfignari. Elle ajoûte que les biens meubles feront vendus, de peur qu'ils ne périffent, & le prix mis en féqueftre. Elle met les fruits au nombre des meubles. Enfin elle ordonne qu'on aura grand foin d'empêcher que les débiteurs des accufés fugitifs ne les païent; ne per hoc fuga inftruatur.

Comme l'annotation des biens, qui a lieu parmi nous, repréfente l'appofition du fçeau ordonnée par la loi, il y a lieu de croire qu'elle doit auffi priver l'accufé fugitif de l'administration de ses biens meubles, & des fruits de fes immeubles.

A l'égard du païement des dettes qu'il peut recevoir, il y a lieu de croire qu'il est valable, si le débiteur a ignoré l'état de fon créancier mais qu'il eft nul, s'il y a eu connivence ent'reux. Il femble même qu'on peut dire que la loi ne s'oppose point à un tel paiement. Elle fe fert feulement du mot curandum eft, qui marque qu'il faut tâcher d'empêcher le païement. D'où l'on peut conclure que ce païement une fois fait peut valable.

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DISTINCTION IV.

Si le coupable peut avant la condamnation aliéner fon bien; foit à titre gratuit, foit à titre onéreux.

Cette question eft fort controverfée entre les auteurs. Chaque parti invoque en fa faveur des loix & des autorités. Nous allons difcuter ces différens fentimens, & tâcher de nous fixer à celui qui paroît le plus naturel.

Il y en a qui prétendent qu'un homme prévenu d'un crime qui mérite la mort, foit naturelle, foit civile, ne peut plus faire aucune aliénation; & la plûpart de ceux qui embraffent ce parti font remonter cette efpéce d'interdiction jufqu'au jour du crime commis. Ils fondent leur opinion fur deux loix Romaines.

La premiere eft la loi 1. ff. de pænis. Elle porte que, fi un criminel, pendant l'inftruction du procès, change de condition, fi, par exemple, d'efclave il devient libre, ou s'il perd la liberté pour tomber dans l'esclavage, il doit être puni fuivant la condition dans laquelle il étoit lors du crime commis; & non pas fuivant celle dans laquelle il fe trouve lors du jugement. Quotiens de delicto quæritur, placuit non eam pœnam fubire quem debere quam conditio ejus admittit eo tempore quo fententia de eo fertur: fed eam quam fuftineret, fi eo tempore effet fententiam paffus, cùm deliquisset. Proindè fi fervus crimen commiferit, deindè libertatem confecutus dicetur, eam pœnam fuftinere debet, quam fuftineret, fi tunc fententiam paffus fuiffet, cum deliquiffet. Per contrarium quoque, fi in deteriorem conditionem fuerit redactus, eam pœnam fubire eum oportebit, quam fuftineret, fi in conditione priore duraffet.

On conclud de cette loi que, puifqu'un homme coupable ne change point de qualité ni d'état aux yeux de la juftice, depuis le crime commis, jufqu'au moment de fa condamnation, il doit être regardé dès-lors comme condamné ; qualité qui emporte, fans contredit, l'incapacité d'aliéner.

La feconde loi fur laquelle on appuïe ce fentiment eft la loi 15. ff. Qui & à quib. manumiff. Dans cette loi on demande fi un homme coupable de leze - majesté peut, dans le tems intermédiaire au crime commis & à la condamnation, affranchir fes efclaves. La raifon de douter eft, qu'il est toujours leur maître jufqu'à l'inftant du jugement. Or la faculté d'affranchir paroît inféparable de la qualité de maître. Cependant le Jurifconfulte

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répond d'après un refcrit de l'empereur Antonin, qu'un homme coupable d'un tel crime n'eft plus capable de donner la liberté à personne ; & que cette capacité lui eft ôtée dès l'inftant du crime commis, fans qu'il foit befoin de condamnation. Quæfitum eft an is qui majeftatis crimine reus factus fit manumittere poffit, quoniam antè damnationem dominus eft: & Imperator Antoninus Calpurnio Critoni refcripfit, ex eo tempore quo quis, propter facinorum fuorum cogitationem, jam de pœnâ fuâ certus effe poterat, multò priùs confcientiâ delictorum, quàm damnatione, jus data libertatis eum amififfe. Ceux qui foutiennent ce fentiment ajoutent, que le coupable, dès le moment qu'il a commis le crime, eft devenu fujet à la peine; en forte que le jugement n'apporte aucun changement dans fa fituation: il n'eft que déclaratoire; parceque, dès que le juge prononce que le crime a été commis par celui à qui on l'impute, la peine eft de droit, & la fentence a un effet rétroactif jufqu'au moment du délit commis. A tempore delicti orta eft obligatio ad pœnam ; undè fententia, quæ pofteà fequitur, potiùs declarat, quàm aliquid novi inducit; quia ex eo ipfo quòd judex pronunciat maleficium commissum, ftatim ipfo jure fuccedit pœna juris ; & ideò sententia retrò trabitur ad tempus delicti.

On pourroit encore citer, en faveur de cette opinion, la loi 20. ff. de Accufat. Cette loi établit que le crime de leze-majesté & celui de concuffion fe pourfuivent, même après la mort du coupable, & que fes biens font confifqués; en forte que, fuivant un refcrit des empereurs Sévére & Antonin, dès l'inftant qu'on eft coupable de l'un de ces crimes, on ne peut plus ni aliéner fon bien, ni affranchir fes efclaves. Ex judiciorum publicorum admiffis, non aliàs tranfeunt adverfùs heredes pæna bonorum ademptionis, quàm fi lis conteftata & condemnatio fuerit fecuta: excepto repetundarum & majeftatis judicio, quæ, etiam mortuis reis, cum quibus nibil actum eft, adbuc exerceri placuit, ut bona eorum fifco vindicentur. Adeò ut divus Severus & Antoninus refcripferint, ex quo quis aliquod ex his caufis crimen contraxit, nihil ex bonis fuis alienare manumittere eum posse.

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D'autres auteurs prétendent que la faculté d'aliéner n'eft interdite à un coupable, que du jour de la condamnation; & ils citent auffi des loix en leur faveur.

La premiere eft la loi 46. §. 6. ff. de jure fifci, que nous avons rapportée dans la diftinction précédente, & qui dit que, in reatu conftitutus bona fua adminiftrare poteft, eique debitor rectè bonâ fide folvit. Si l'accufé peut, difent-ils, adminiftrer, il peut ven

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dre. S'il peut recevoir ce qui lui eft dû, il peut aliéner; car recevoir le païement d'une dette, c'est aliéner l'action qui naisfoit de cette créance.

La feconde loi, fur laquelle ils fe fondent, eft la loi Ex judiciorum, qui vient d'être rapportée. Suivant cette loi, il faut, pour que les héritiers d'un coupable foient privés de fa fucceffion que le jugement ait été prononcé contre lui, de fon vivant; excepté dans les cas de crime de leze-majefté, ou de concuffion à l'égard defquels la loi veut que la pourfuite puiffe être commencée, même après la mort du coupable, & qu'il ne puiffe aliéner fon bien qui appartient au fifc. Il n'eft donc pas vrai, difent ces auteurs, que ex folo delicto obligatio nata fit ad pœnam, puifque, pour acquérir la confifcation dans le cas de tout autre crime que ceux de leze - majesté & de concuffion, il faut que vivo reo, accufatio mota fit.

Loin que la peine foit encourue du jour du crime, fi le condamné appelle, l'infamie n'eft encourue que du jour que la fentence eft confirmée par le juge fupérieur. Si furti, vel aliis famofis actionibus quis condemnatus provocavit; pendente judicio, nondùm inter famofos habetur: fi autem omnia tempora provocationis lapfa funt, retrò infamis eft; quamvis, fi injufta ejus appellatio vifa fit, hodiè notari puto, non retrò notatur. l. 6. §. 1. ff. de his qui notant. infam.

A l'égard des loix rapportées plus haut, & qui paroiffent oppofées à ce dernier fentiment il ne paroît pas que la loi Quotiens ait aucun rapport à la queftion préfente. En effet cette loi veut qu'on juge le coupable, eu égard à la condition dans laquelle il fe trouvoit, lorfqu'il a commis le crime. Or il faut bien prendre garde de confondre la perfonne du coupable avec un acquéreur qui traite de bonne foi. Il est vrai que, relativement au coupable, on proportionne la peine à l'état dans lequel il fe trouvoit, lorfqu'il a commis le délit; & cette jurif prudence s'observe encore aujourd'hui. Il y a des vols qui ne méritent qu'une peine infamante, quand celui qui s'en trouve coupable n'est pas domeftique de la perfonne volée, & qui, au contraire, méritent la mort, quand celui qui les a commis eft domestique dans la maifon. Si, dans le tems intermédiaire au vol & à l'accufation, le coupable ceffe d'être domeftique, on ne laiffera pas de le juger relativement à la qualité qu'il avoit lors de fon crime commis. Mais ces confidérations ne tombent que fur le coupable feul, & ne doivent influer en rien fur un acquéreur de bonne foi, qui a traité avec un homme qu'il

croïoit maître de fon bien, & qu'il ne croïoit peut-être pas même dans le cas de pouvoir être accufé. C'eft le fentiment. d'Alciat, au commencement de fon commentaire fur la loi Post contractum 15. ff. de donat. Quamvis, dit cet auteur, delinquentis refpectu, ad tempus delicti refpiciamus, quod tamen ad id quod pecunialiter tertio attinet, tempus fententia folum refpicimus.

Il y a plus: la loi Quotiens ne doit s'entendre que du cas où le crime est capital. La loi 5. ff. fi ex noxali cauf. agat. y est formelle. Si fervum in eâdem caufâ fiftere quidam promiferit, & liber factus fiftatur: fi de ipfo controverfia eft capitalium actionum, injuriarumque nomine, non rectè fiftitur: quia aliter de fervo fupplicium, ¿ verberibus de injuriâ fatisfit, aliter de libero vindicta fumitur, vel condemnatio pecuniaria. Quod autem ad cæteras noxales caufas pertinet, etiam in meliorem caufam videtur perveniffe. Suivant cette loi, la loi Quotiens n'avoit lieu que dans le cas d'injures, ou de crimes capitaux. Or les crimes capitaux étoient en affez petit nombre chez les Romains, puifque le vol même n'y étoit pas compris.

Il n'eft donc pas vrai de dire en général, que la loi vouloit que les jugemens euffent un effet rétroactif jufqu'au jour du crime commis, même en ce qui concernoit la qualité du coupable; puifque cela n'avoit lieu que rélativement aux crimes capitaux & aux injures.

La loi Quafitum & la loi Ex judiciorum ne déclarent pas nuls tous les affranchiffemens & toutes les aliénations faites par un accufé; elles n'étendent leurs difpofitions que dans le cas où il s'agit de concuffion, où de crime de leze-majesté.

On peut objecter que les biens d'un homme mort civilement appartiennent au fifc, dans la plupart des provinces du roïaume. Or c'est une maxime, même dans le droit Romain, que le fifc a toujours fon hypothéque. Fifcus femper habet jus pignoris. 1. 46 §. 3. ff. de jure fifci. D'où il fuit que les biens du coupable étant hypothéqués au fifc, il n'eft plus en fon pouvoir de

les aliéner.

Mais Godefroi & les autres commentateurs de cette loi difent, qu'elle n'a lieu que pour raifon des tributs & des contrats faits par le fifc. Il n'eft privilégié que dans ces cas feulement, & non pour d'autres caufes. Ex caufà tributorum & fuorum contractuum non ex aliis caufis. La raifon eft que la confifcation des biens du coupable n'eft qu'une fuite de la peine prononcée contre lui. Elle ne peut donc avoir lieu qu'après la condamnation qui ordonne cette peine. C'est pourquoi tous nos auteurs décident que

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