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On éleve une queftion à ce fujet, qui confifte à fçavoir si un acquéreur de bonne foi, attaqué par le fifc, ou par les héritiers du condamné, après dix ou vingt ans de poffeffion, pourroit leur oppofer la prefcription, dans le cas où la condamnation auroit été exécutée avant l'expiration des dix ou vingt ans.

La raifon de douter eft, qu'il ne fuffit pas, pour prescrire par dix & vingt ans, d'avoir un titre, & d'avoir été dans la bonne foi au commencement de la poffeffion. Il faut que la bonne foi ait continué pendant tout le tems requis pour la prescription. C'eft la difpofition du droit canon, que l'on fuit en France à cet égard. Or, dit-on, il n'eft pas douteux que la condamnation & l'exécution conftituent les acquéreurs en mauvaise foi. Elle leur annonce qu'ils ont traité avec un homme qui étoit coupable d'un crime capital, & qui, par conféquent, ne s'est défait de fon bien, que pour éviter les fuites d'une condamnation qu'il ne pouvoit fuir. D'où l'on conclut qu'il faut, en ce cas, une prefcription de trente ans.

Cette queftion fut agitée en 1619. dans une caufe où M. le Bret portoit la parole comme avocat général. Il nous a tranfmis lui-même un extrait de fon plaidoïer, dans fes décifions, liv. des matiéres criminelles, décifion 4. Il pofe comme un principe certain que la prefcription trentenaire eft abfolument requife en ce cas; & nous ne voïons point de raifons qui puiffent détruire ce principe, lequel eft fondé, d'ailleurs, fur la difpofition du droit canon, qui fait notre régle à ce fujet. Et l'arrêt, rendu fur les conclufious de M. le Bret, condamna les acquéreurs à fe défifter.

De tout ce que nous venons de dire, il réfulte que les circonftances feules décident en cette matiére. En général, un homme qui n'eft fimplement que dans les liens de l'accufation conferve la vie civile, avec tous les droits qui y font attachés : mais comme fa fituation peut lui faire chercher, plus qu'à un autre, les moïens de frauder, pour se mettre à l'abri de la peine dont il est menacé; cette circonftance fait qu'on examine de plus près les actes qui font émanés de lui: mais on ne les annulle point, pour raifon d'incapacité de fa part; mais pour raifon de la fraude, qu'on préfume toujours, lorfqu'il n'y a point de preuves au contraire.

DISTINCTION V.

Si l'accusé peut réfigner fon bénéfice in favorem.

Le droit canon fournit peu de queftions auffi débattuës par les auteurs, que celle-ci, laquelle fembleroit cependant n'en devoir pas faire une. Dumoulin eft celui qui l'a traitée avec le plus d'étenduë, dans fon commentaire fur la régle de infirmis refignantibus n. 368. & fuiv. & fur la régle de publicandis refignatio

nibus..

Quoiqu'il ait établi fon opinion avec cette folidité qui lui eft ordinaire, il a eu grand nombre de contradicteurs, parmi lefquels il s'en trouve d'un grand poids. Nous allons expofer le sentiment de ce pere du droit François, & les raifons fur lefquelles il l'a appuïé. Enfuite, nous tâcherons de le défendre contre fes adverfaires, par raifons & par autorités.

Cet auteur foutient que toute réfignation in favorem faite par un accufé, entre les mains du pape, ou du légat, & la collation, qui a suivi, font nulles, comme étant fubreptices, & n'aïant pour objet que d'éviter les fuites du jugement qui doit intervenir; lefquelles font de rendre le bénéfice vacant, & par conféquent de mettre le collateur ordinaire dans le pouvoir de conférer librement.

En effet, fi le réfignant, dans fa procuration ad refignandum, avoit déclaré fon état, le pape n'auroit pas admis la résignation, ou n'auroit pas dû l'admettre; ou du moins, il ne l'auroit certainement pas admife auffi facilement. La grace que le pape accorderoit, dans un pareil cas, feroit donc fubreptice; ce qui fuffit pour la rendre nulle.

Il y a plus. Si le pape, ou le légat étant inftruits de l'accufation qui fe pourfuit contre le réfignant, fous prétexte de lever tous les doutes à cet égard, en faifoient mention dans les lettres qu'ils accorderoient, ou faifoient même mention du crime fur lequel l'accufation feroit fondée, la nullité feroit encore plus notoire; & on pourroit interjetter appel comme d'abus de l'exécution des bulles.

La raison eft, qu'en admettant une telle réfignation en connoiffance de caufe, le pape & le légat troubleroient la jurifdiction de l'evêque, & en arrêteroient les effets: ce qui eft contraire à la difpofition du décret de caufis, tit. 10. du concordat, qui ordonne que tout procès foit décidé par le juge ordinaire,

qui a droit d'en connoître. Or, dans ce cas-ci, de deux choses l'une ou le pape & le légat n'ont point intention de déroger au droit commun, ni d'interrompre le cours de la jurisdiction ordinaire; pour lors, l'acte en question eft nul', puisqu'il eft fubreptice, en ce qu'il eft contraire à leurs intentions. Ou ils ont intention de déroger au droit commun, & de troubler la jurifdiction de l'ordinaire; auquel cas l'acte eft encore nul & abufif, étant contre la difpofition du décret de caufis. Ce qui auroit lieu, dans le cas même où la réfignation feroit pure & fimple ; & à plus forte raison, quand elle eft in favorem, comme c'est l'usage le plus ordinaire; ou avec rétention d'ufufruit. Et adhuc major fraus & nullitas, & tetrior abufus.

On peut encore aller plus loin. Si le pape, avant que d'admettre la réfignation, prenoit la précaution d'ordonner une enquête pour s'inftruire du véritable état de l'accufé, & le déclaroit, en cas de conviction, privé de fon bénéfice, avec ordre de le conférer à l'impétrant, il y auroit abus; de tels refcrits ne pouvant avoir lieu parmi nous. Car, fi le pape commet des délégués pour procéder à cette enquête & à ce jugement, il y a doublement abus. 1°. Contre le decret de caufis, puifque en commettant des délégués, il enleveroit la jurisdiction de l'ordinaire. 2°. Contre le decret de refervationibus fublatis, au concordat, tit. 4. qui abroge toutes graces expectatives, foit générales, foit fpéciales, au fujet des bénéfices dont la vacance n'eft pas ouverte. Or dans ce cas-ci, de quelque façon que le pape s'énonce, foit qu'il réferve le bénéfice en général, foit qu'il le réferve en particulier, foit qu'il ordonne de le conférer, quand il vaquera, à une perfonne défignée ou non défignée, c'eft toujours une grace expectative, c'eft une réferve qui eft prohibée & abolie par les conciles & par les concordats.

Si le pape ne commet pas de délégués, & qu'il adresse son refcrit à l'ordinaire, il y a un abus de moins; pourvû cependant que l'ordinaire procéde de fa propre autorité & de fon propre mouvement, & non comme délégué du pape ou du légat: mais l'autre abus fubfifte toujours; & quoiqu'il ne vicie pas le procès inftruit de l'autorité de l'ordinaire, il ne laiffe pas de vicier les bulles, & de les rendre abufives relativement à la claufe de réferve, ou de grace expectative.

Quelques auteurs, cités par Dumoulin, prétendent à la vérité, moïennant certaines diftinctions, qu'il n'y a point d'abus dans les cas dont il vient d'être fait mention : mais ces auteurs n'ont à

cer

cet égard aucune connoiffance de nos vraies maximes; & Louet, qui, dans toute cette matiére eft du fentiment opposé à celui de Dumoulin, avoue dans fes notes fur la régle de infirm. refignant. n. 381. que l'opinion de Dumoulin eft vraie à cet égard; mais qu'aujourd'hui on n'accorde plus à Rome de tels refcrits; & qu'ils ne feroient point reçûs parmi nous; en ce qu'ils feroient contraires au droit du concordat.

Ainfi de quelque façon que le pape ou le légat admettent une réfignation faite entre leurs mains par un accufé, elle est toujours nulle.

En effet, ou la privation du bénéfice est toute la peine que mérite le délit qui fait la matiére du procès; ou cette privation n'eft qu'une partie de la peine; mais elle entre toujours pour quelque chofe dans la punition que mérite le coupable.

S'il réfigne pour éviter l'infamie de cette privation & prévenir l'effet de la fentence, il fraude la loi, trompe le juge, & fait une efpéce d'aliénation frauduleufe, qui doit être annullée; & les chofes doivent être remises dans leur premier état. Ce qui est fondé fur plufieurs loix; entr'autres fur la loi 7. ff. de mortis causâ donat. qui annulle une donation à caufe de mort faite par un coupable condamné au dernier fupplice. La loi 45. ff. de jure fifci déclare nulle toute aliénation faite en fraude. In fraudem non folùm per donationem, fed quocumque modo res alienata revocantur. Idemque juris eft, etfi non quæratur. Æquè in omnibus fraus punitur. La loi 46. §. 1. Ibid. condamne celui qui a reçû en fraude à reftituer le double de ce qu'il a reçû.

C'eft fur ce fondement qu'un officier, accufé d'un crime qui emporte privation de fon office, n'eft point admis parmi nous à s'en défaire en faveur d'un autre ; & quand même la résignation feroit admife par le Roi, & les provifions délivrées, le ministére public pourroit s'oppofer à leur exécution & empêcher l'effet de la réfignation,jufqu'à ce que le procès fût inftruit ; & fi le cédant étoit condamné, l'office vaqueroit par privation, & non en vertu de la ceffion; nonobftant les provifions du Roi,qui feroient fubreptices. Ainfi deux raisons empêchent la validité d'une résignation in favorem, par un accufé. D'un côté la nullité des provisions du pape ou du légat, puifqu'elles font fubreptices, s'il a ignoré l'état du réfignant, & qu'elles font contraires au droit du roïaume, s'il a connu cet état. De l'autre côté elles font nulles, parceque l'intention du réfignant eft de frauder la loi; ce qui vicie tellement son acte, qu'il eft impoffible qu'il puiffe fubfifter.

Q

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Mais il faut bien prendre garde que cette nullité ne provient pas de l'incapacité du résignant; ni de ce qu'on le regarde comme mort civilement: au contraire, il jouit tellement de la vie civile, qu'il ne perd pas la poffeffion de fon bénéfice; il demeure même titulaire jufqu'au moment de la condamnation, qui l'en dépouille. Nous en avons un exemple fameux dans le procès fait au cardinal de Bouillon, pour raison de crime de lèze-majesté. Nous en avons parlé plus haut, Diftinction I.

Outre les raifons qui viennent d'être alléguées pour prouver qu'une telle réfignation eft fubreptice & frauduleufe, il peut encore y avoir confidence ; & il y a tout lieu de la préfumer, furtout lorfque le réfignataire ne fait aucuns mouvemens pour fe mettre en poffeffion du bénéfice, & qu'il laiffe jouir le réfignant jufqu'à l'événement du procès,afin de le lui laiffer file jugement lui eft favorable; ou de s'en mettre en poffeffion, fi la condamnation s'enfuit, en vertu des provifions de cour de Rome obtenuës long-tems avant la condamnation.

Si cependant l'accufé étoit innocent, & que par la fentence il fût renvoïé abfous, alors la réfignation faite entre les mains du pape auroit lieu; pourvû qu'elle fût régulière d'ailleurs. Elle ne feroit point dans ce cas foupçonnée de fraude. L'accufé connoiffant intérieurement fon innocence ne craignoit point que fon bénéfice lui fût enlevé par une injufte condamnation; ainsi sa réfignation étoit libre.

Il en eft de même, fi aïant été condamné injustement, il interjette appel, & que le juge fupérieur infirme la fentence. Autrement, toute fauffe accufation lieroit les mains d'un homme innocent, & dont l'innocence feroit juftifiée dans la fuite; ce qui est abfurde.

En un mot l'innocence de l'accufé fait ceffer la fubreption; parcequ'il eft certain que le pape connoiffant que le réfignant eft a la vérité accusé, mais qu'il l'est injustement, n'auroit pas moins admis la réfignation, pour ne pas donner un nouveau fujet d'affliction à un homme qui fouffre déja injuftement.

Mais fi l'accufé vient à être abfous, non parcequ'il eft innocent, mais par indulgence, mais parcequ'il obtient l'abolition de fon crime, les provifions accordées par le pape, ou par le légat, pendant l'inftruction du procès, fur une réfignation in favorem,font nulles, étant fubreptices; puifque l'accufé étoit véritablement coupable lorsqu'il a réfigné. Or la résignation, étant nulle dans fon principe, ne peut, quelque chofe qui puiffe arriver, devenir valable.

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