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On peut encore infifter, en difant que, quand le jugement par contumace ne prononce que le banniffement ou les galères à perpétuité, il n'y a, dans ce cas, ni d'exécution réelle, ni d'exécution feinte; & que cependant la mort civile ne laiffe pas de s'enfuivre.

On répond que, fi ces fortes de jugemens par contumace ne s'exécutent pas publiquement, c'eft par une fuite de la fiction dont nous avons parlé. Comme les fictions n'ont été introduites que pour la facilité de la fociété civile, & qu'elles opérent les mêmes effets que la vérité, elles doivent l'imiter, & ne rien présenter à l'efprit qui foit contraire à la vraisemblance. Or les condamnations aux galères ou au banniffement à perpétuité, quoique contradictoires, ne s'exécutent point publiquement. Pour foutenir la fiction telle qu'elle doit être, il ne doit pas non plus y avoir de publicité dans l'exécution, lorfque le jugement eft par contumace. On fe contente, lorfqu'il eft contradictoire, de l'annoncer au condamné, & de lui enjoindre de fortir du roïaume, pour n'y jamais rentrer. Voilà la feule éxécution qui fe faffe: on n'en peut pas faire d'autre, puifqu'elle dépend totalement d'un acte qui ne peut être exécuté que par celui qui y eft condamné. De même, quand c'eft par contumace, la feule exécution qui fe puiffe faire, c'eft d'annoncer le jugement au condamné: mais, comme il eft abfent, & qu'on ne peut, par conféquent, le lui annoncer à lui-même; on l'affiche dans un lieu public, afin quil en puisse avoir connoiffance, par le canal de la renommée. S'il y avoit d'autre exécution, la fiction cefferoit, puisqu'elle n'auroit plus de conformité avec la réalité.

Dans le cas où le jugement contradictoire prononce les galères, on fe contente pareillement de l'annoncer au condamné, fans autre formalité. Il eft vrai qu'alors on fe faifit de fa perfonne, pour le conduire fur les galères. Dans le cas de la contumace, on n'observe pas plus de formalités, quant à la publicité de l'exécution: mais on ne fe faifit pas de la perfonne du condamné, par la raison qu'il eft abfent & en fuite. On lui notifie feulement fon jugement, par une affiche publique.

Nous croïons donc qu'il eft plus conforme aux régles & aux véritables principes, de dire que l'exécution du jugement est néceffaire en France, pour opérer la mort civile. Ainfi un homme qui viendroit à décéder après la prononciation, & avant l'exécution du jugement, mourroit integri ftatus. Et ce fentiment ne nous paroît pas être purement d'opinion: il eft fondé fur la ju

avoir

rifprudence. Rapportons l'arrêt de 1566. qui fe trouve dans Maynard, liv. 4. chap. 52. dont nous avons parlé plus haut. Il mérite la plus grande attention. Jean Pomiez par fentence contradictoire du 26. Mai 1566. eft condamné à mort, pour tué fa femme. Cette fentence eft confirmée peu de jours après, par arrêt du parlement de Toulouse. On furfoit à l'exécution du coupable, par des confidérations particuliéres. Pendant cette furféance, Jean Pomiez décéde dans les prifons. Le feigneur demande la confifcation prononcée par la fentence & par l'arrêt. Les enfans de Jean Pomiez, au contraire, foutiennent que l'arrêt de condamnation n'a point été exécuté; mais que, par autre arrêt, l'exécution avoit été fufpenduë, jufqu'à ce que la cour eût été plus amplement avertie que Jean Pomiez feroit revenu à fon bon fens. Cependant le condamné étant décédé, le premier arrêt eft demeuré comme non avenu, & n'aïant point été exécuté au principal, il ne pouvoit l'être quant aux acceffoires, au nombre defquels eft la confifcation, qui ne peut avoir lieu, que le corps ne foit confifqué par exécution réelle de la condamnation. Sur quoi la chambre de la tournelle aïant délibéré, il y eut partage, qui fut jugé à la grand'chambre, dont l'arrêt adjugea la fucceffion aux enfans du condamné.

Ce coupable néanmoins étoit non-feulement condamné, mais il étoit décédé dans les fers. Le fupplice étoit tout préparé; il ne pouvoit s'y fouftraire. La mort naturelle l'en délivre: par là, la condamnation ne devient point notoire; elle n'eft point annoncée au public, elle ne reçoit aucune exécution autentique ; & cela fuffit au parlement de Toulouse, fi célébre par fa févérité, pour décider que Pomiez eft décédé dans l'intégrité de fon état, & qu'il a eu la capacité de transmettre fes biens à ses en

fans.

SECTION IV.

De l'état du condamné qui a pris la fuite après la prononciation & avant l'exécution du jugement en dernier reffort.

Nous avons établi, dans la fection précédente, que l'a prononciation du jugement, faite au condamné, ne fuffit pas pour opérer contre lui la mort civile. Il faut que cette prononciation foit fuivie de l'exécution: mais nous avons fuppofé que le coupable étoit toujours entre les mains de la justice, dont le bras n'avoit été arrêté que par la mort naturelle.

Ici nous confidérons un autre cas; c'eft celui où le coupable a trouvé le moïen de fe fouftraire à l'exécution de fon jugement, en prenant la fuite après qu'il lui a été prononcé. Comme il peut choifir, pour fa retraite, quelqu'endroit du roïaume, & y vivre, à la faveur de l'obfcurité, fans être poursuivi par la juftice, qui ignore le lieu où il s'eft réfugié; il est fort intéreffant de connoître quel eft fon état, pendant le reste de fa vie naturelle ; afin de pouvoir juger de la validité ou invalidité des actes qu'il pourroit faire.

En partant des principes que nous venons d'établir, il est conftant qu'un homme dans la fituation dont il s'agit ici ne doit pas être regardé comme mort civilement, puifque le jugement n'a pas été exécuté.

Mais nous avons bien de la peine à croire que ces principes doivent avoir leur application dans l'efpèce dont il s'agit ici. Il y a fans doute des cas où l'on doit franchir les régles, qui, quoique fages en elles-même, étant prifes dans un point de vuë général, ne laifferoient pas néanmoins de produire de grands inconvéniens, fi dans tous les cas elles étoient obfervées à la lettre.

Dans l'efpèce que nous avons confidérée dans la fection précédente, il n'étoit queftion que de décider de l'état d'un homme convaincu, à la vérité, d'un crime qui le rendoit indigne de la vie civile même de la vie naturelle, & fur lequel la juftice avoit déja le bras levé, pour le frapper, lorfque la nature a paré le coup, en prévenant l'effet du jugement qui l'avoit ordonné. Cet homme étant mort, la vie civile, qui lui a été confervée, ne produit aucun effet contraire au bien de la fociété. La feule chofe qui en réfulte eft de priver le fifc de fes biens, pour les conferver à des héritiers déja fort à plaindre d'ailleurs, pour le deshonneur qui rejaillit fur eux, de la condamnation prononcée contre leur parent.

Ici au contraire, il s'agit de décider du fort d'un homme coupable d'un crime qui doit le bannir & de la fociété & de la vie même. La juftice ufe envers lui de toute l'équité & de toute la rigueur de fes jugemens. Elle en confie l'exécution à des miniftres peu adroits & peu attentifs. Ce défaut, de la part de ces miniftres, doit-il conferver dans la fociété un homme qu'elle en avoit banni? En un mot, la loi l'a jugé digne de mort, en connoiffance de caufe: elle ne peut plus le connoître pour un homme vivant. S'il en étoit autrement, ce feroit faire dépendre

de la négligence d'un bourreau, ou d'autres motifs encore plus criminels, le merum imperium, ce droit de glaive que le fouverain a remis à la juftice, pour la punition, la profcription & la mort civile des coupables.

L'opinion que nous foutenons ici eft fi vraie, que file condamné étoit repris, il feroit fait mourir fans autre forme de procès.

Il en doit être de même, à plus forte raifon, d'un condamné qui a été exécuté, & qui, par hazard ou autrement, a survêcu après l'exécution. Il eft réputé mort, & le jugement est cenfé confommé ; & même s'il eft repris, la réglé eft qu'il foit exécuté de nouveau, nonobftant là maxime qui dit : non bis in idem. On ne peut pas dire qu'on lui impofe une nouvelle peine, pour le même crime; puifqu'on ne lui fait alors fubir que celle à laquelle il avoit été condamné, & qui n'avoit pas été fuivie de fon entiére exécution. Et pour ne plus laiffer aucun doute fur cette matiére, il a été enjoint aux juges d'inférer, dans les jugemens de condamnation à mort, la claufe, tant que mort s'enfuive.

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Quand commence la mort civile, lorsque le jugement a été prononcé par contumace.

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Ous avons vû plus haut, part. 2. liv. 2. chap. 1. que les Romains ne connoiffoient point les condamnations par contumace; qu'elles étoient également inconnues en France du temps de Charlemagne, mais qu'elles y ont enfin été admises, par un usage fort ancien, & fondé fur un grand nombre d'ordonnances, tant anciennes que nouvelles ainfi il ne nous reste ici aucunes recherches à faire à cet égard.

:

Nous nous bornerons donc à examiner fi ces fortes de condamnations produisent la mort civile, comme celles qui font prononcées contradictoirement, & quand commence cette mort civile.

A l'égard de la premiére question, après ce que nous avons dit jufqu'ici, & fur-tout dans le chapitre précédent, fection 3. elle ne peut pas faire de difficulté, & il doit demeurer pour conftant que les condamnations par contumace opérent la mort civile.

Il ne nous refte donc plus qu'à fçavoir fi la prononciation de ces jugemens fuffit pour produire cet effet, & s'il faut qu'ils foient exécutés; comment cette exécution peut fe prouver; quand commence la mort civile, lorsque l'exécution eft conftante, & quel eft l'effet que produit, relativement à la mort civile, la représentation du condamné par contumace? C'est ce qui fera la matiére de cinq fections différentes,

SECTION I.

Si le jugement par contumace doit être fuivi de l'exécution pour opérer la mort civile?

Nous avons vu que tout jugement tendant à la mort naturelle emporte mort civile, lorfqu'il eft accompagné de toutes les formalités dont nous avons donné le détail. Il en eft de même de ceux qui prononcent la peine des galères, ou le banniffement hors du roïaume à perpétuité.

Il eft fort aifé de comprendre comment ces jugemens peuvent être mis à exécution lorfqu'ils font contradictoires. La juftice eft pour lors faifie du condamné : ainfi il lui eft fort aifé de lui faire fubir les peines dont elle l'a jugé digne.

Il n'en eft pas de même lorfque le procès s'eft inftruit par contumace. Le coupable eft en fuite. On ignore ordinairement le lieu de fa retraite. Et quand on le connoîtroit, il eft prefque toujours dans un païs étranger, foumis à une autre domination; où, par conféquent, on ne peut pas fe faifir de fa perfonne. Il est donc impoffible que le jugement foit réellement exécuté; & l'exécution qui s'en fait ne peut être que fictive. Ainfi il nous faut expliquer ici quelle eft cette exécution. Nos loix ont des difpofitions précises à ce fujet.

Après l'année 1379. qui paroît être l'époque de l'ufage des condamnations à mort par contumace, on exécutoit ces condamnations de différentes maniéres. Dans une province c'étoit par effigie; dans une autre, c'étoit par un tableau appofé fur la maifon du condamné; dans d'autres enfin, c'étoit feulement par cri public. Il étoit en outre d'un ufage général de donner copie du jugement au dernier domicile du condamné.

Pour faire ceffer cette diverfité, & pour prescrire en même zems la néceffité de l'exécution par effigie dans les provinces. où elle n'avoit pas encore lieu, François I. rendit une ordon

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