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une telle condamnation font regardés, par la fociété, comme étant morts naturellement.

A l'égard des autres, la loi leur aïant confervé la vie, il est jufte & conforme à l'humanité de leur permettre de recevoir les chofes néceffaires pour vivre. C'eft pourquoi le droit Romain leur avoit laiffé la faculté de recevoir des alimens, même par teftament. Cum Ulpianus Damafcenus rogaffet imperatorem ut fibi permitteret matri relinquere ad victum necessaria, & mater per libertum ut quadam fibi liceret filio deportato relinquere, imperator Antoninus eis refcripfit in hunc modum: Neque hæreditas, neque legatum, neque fideicommiffum contra mores & jus publicum hujufmodi perfonis relinqui poteft, nec conditio harum perfonarum mutari debet. Quod verò piè rogaftis, liceat vobis, ultimâ voluntate eis ad victum, & alios ufus neceffarios fufficientia relinquere, eifque ex hac caufâ relicta capere. 1. 16. ff. de interdict. & relegat.

Cette loi eft fuivie parmi nous, & nous regardons comme une maxime constante que ceux qui font condamnés à une peine emportant mort civile font capables de recevoir, par teftament, une penfion viagère; pourvû néanmoins qu'elle n'excéde pas la fomme néceffaire pour fournir les alimens, autrement, elle feroit réduite. C'eft l'avis de tous les auteurs qui ont eu occafion de parler de cette matiére. On trouve même des arrêts qui l'ont ainfi jugé. V I.

SECTION

De l'incapacité de donner entre-vifs.

Pour décider cette question avec exactitude, il eft nécessaire de diftinguer deux fortes de biens; fçavoir ceux que le condamné poffédoit lors de fa condamnation, & ceux qu'il a acquis depuis.

A l'égard de la premiére efpéce de biens, comme il en perd la propriété, dès l'inftant qu'il eft frappé de la mort civile, il eft hors de doute qu'il n'en peut disposer ni par donation entre

vifs, ni autrement.

Quant aux feconds, il y a beaucoup plus de difficulté. Tous les auteurs, entr'autres les commentateurs de la coutume de Paris, décident indiftinctement qu'un homme mort civilement ne peut faire aucune difpofition entre-vifs. Il eft cependant certain qu'il peut commercer, comme nous l'avons vu plus haut, chap. 1. Or, il femble que, puifqu'il peut aliéner, à titre oné

reux, les biens qu'il a acquis, il devroit auffi avoir la faculté d'en difpofer à titre gratuit. D'ailleurs, fi cette prohibition existe, n'eft-il pas à craindre qu'il ne la rende illufoire, en couvrant les donations qu'il voudroit faire du prétexte des contrats dont il est capable ?

A l'égard du droit Romain, il paroît qu'il interdit absolument à ceux qui font dans les liens de la mort civile, le pouvoir de faire des donations entre-vifs. Nous avons vû plus haut qu'il leur accorde la faculté de faire certains actes dérivant du droit des gens: mais dans l'énumération qui en eft faite, il n'eft nullement parlé des donations entre-vifs ; d'où l'on peut conclure qu'elles feur étoient interdites. Dans une matiére de rigueur, comme celle-ci, une énonciation générale ne fuffit pas; il en faut une qui foit expreffe ; fur-tout, quand on trouve une loi qui, outre l'énonciation générale, entre dans un détail.

Ainfi, en confultant le droit Romain & nos auteurs François, un homme mort civilement eft incapable de faire aucune donation entre-vifs. Et cette décision paroît fondée en raison. Nous avons obfervé, dans le chapitre premier de ce livre, que fi le droit & la jurifprudence fe font relâchés à accorder aux morts civilement le pouvoir d'acquérir & de vendre, ce n'a été que dans la vûë de leur laiffer les moïens de fe conferver une vie qu'on n'a pas voulu leur ôter. C'est la feule confidération qui a introduit cette exception à la régle générale. Ainfi, comme cette faculté n'eft que précaire, qu'elle eft même totalement contraire aux principes de la matiére, elle doit être restreinte dans les bornes du motif qui l'a introduite. Or, comme la faculté de donner entre-vifs ne contribué en rien au foutien de la vie animale, elle ne doit point être accordée à des gens qui, dans la régle, devroient être incapables de toutes fortes d'actes. C'eft une fatisfaction de pouvoir exercer des libéralités ; & on n'en doit laiffer que le moins qu'il eft poffible à des gens qui ont troublé, par leurs crimes, la fociété dans laquelle ils vi

voient.

A l'égard de la fraude qu'ils pourroient commettre, par des ventes fimulées, elle ne doit être ici d'aucune confidération. Il y a bien d'autres cas où les loix ne peuvent empêcher la fraude; & même où elles fervent de prétexte pour la commettre. Nous en pourrions citer cent exemples: mais ce n'eft pas la faute de ces loix; c'eft le fruit de la dépravation du cœur & de l'efprit humain. Ainfi ces loix exiftent, les magiftrats en maintiennent l'exécution,

l'exécution, & apportent toute leur attention pour empêcher les fraudes dont nous parlons.

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De l'incapacité de recevoir par donation entre-vifs.

Il ne peut pas être douteux que la faculté de recevoir entre-vifs doit être interdite aux morts civilement. Les loix l'ont ôtée à des perfonnes qui font bien moins défavorables aux yeux de la juftice, que ne l'eft un homme qui, par fes crimes, a mérité d'être profcrit de la fociété. Un bâtard, par exemple, ne peut pas être donataire de ceux de qui il a reçu le jour. Il en eft de même d'une concubine, rélativement à celui avec qui elle a vécu en mauvais commerce. Tous nos auteurs font unanimement de cet avis.

Cependant la faveur des alimens doit faire une exception à cette régle générale ; & nous fommes perfuadés que, de même qu'un homme condamné aux galères, ou au banniffement perpétuel hors du roïaume, peut recevoir une penfion viagére modique, par teftament, il a auffi la faculté d'en recevoir autant par donation entre-vifs.

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CHAPITRE III.

De l'incapacité de contracter mariage.

ERSONNE n'ignore que chez les Romains les feuls citoïens étoient capables de contracter mariage. Justas autem nuptias inter fe cives Romani contrabunt, qui fecundùm præcepta legum coëunt. Inftitut. de nupt. in princip. Par conféquent, ceux qui étoient en état de mort civile ne pouvoient pas contracter ce qu'ils appelloient juftum matrimonium, ou juftas nuptias.

Pour décider cette question fuivant nos mœurs, il faut diftinguer deux chofes dans le mariage; fçavoir le facrement, & le contrat. A l'égard du facrement, il eft inconteftable que la mort civile n'empêche point de le recevoir; parceque fuivant tous les interprétes du droit canon, & fuivant tous les Théologiens, en ce qui concerne les effets de la grace & des facremens, non eft

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perfonarum acceptio apud Deum. Les libres & les efclaves font éga lement capables de ce facrement: ainfi quand il eft reçu par une ou deux perfonnes qui font dans les liens de la mort civile ils ne font pas moins liés que ceux qui jouiffent de toute la plénitude de leur état, & aucun d'eux n'en peut contracter un autre, tant que fon conjoint n'eft pas mort naturellement.

Mais ce facrement eft toujours accompagné d'un contrat civil, lequel eft néceffaire pour régler les droits, tant des deux époux, que des enfans qui naîtront de ce mariage. Ce contrat est même regardé comme une chofe fi effentielle, qu'il eft une fuite néceffaire du mariage, & qu'il exifte toujours, foit expreflément, foit tacitement; c'est-à-dire, foit que les parties en aïent fait un, foit qu'elles n'en aïent point fait. Lorfqu'elles en ont fait un, il fert de loi, & ils font tenus de s'y conformer, dans tous fes points. S'il n'y en a pas, c'eft la coutume ou la loi du païs qui en fert. C'eft elle qui régle leurs droits, ceux de leurs enfans, ou de leurs autres héritiers.

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Mais ce contrat, foit tacite, foit exprès, n'a jamais lieu & ne produit jamais aucuns effets, ni par rapport aux conjoints, lorfque l'un des deux s'eft marié en état de mort civile ni par rapport à leurs enfans, ni par rapport à leurs autres héritiers.

Toutes les claufes qui fe peuvent inférer dans un contrat de mariage, & celles que la loi y fupplée, dérivent uniquement du droit civil. Il est bien conforme au droit divin, au droit naturel & au droit des gens, qu'un homme & une femme s'uniffent pour procréer des enfans, & qu'ils fe promettent mutuellement la foi conjugale: mais toutes les conventions concernant les intérêts civils, qui accompagnent cette union, n'ont été introduites que par le droit civil. Pour s'en convaincre, il fuffit de faire attention que chaque peuple a des loix particuliéres fur cette matiére, qui font quelquefois diamétralement oppofées à celles qui font reçues chez le peuple voisin. En France, quoique ce roïaume foit foumis tout entier aux loix d'un feul fouverain, chaque province a fes usages & fes coutumes particuliéres fur cette matiére. Souvent même deux provinces voifines font en contrariété. A Paris, la communauté entre mari & femme eft formellement prefcrite par la coutume; & quand on ne veut pas qu'elle ait lieu, il faut néceffairement que le contrat de mariage contienne une clause expresse, qui excluë la communauté. En Normandie au contraire, province limitrophe des païs régis par la coutume

de Paris, cette communauté eft tellement interdite, que, quand il y en auroit une ftipulation expreffe dans le contrat de mariage, elle ne pourroit pas avoir lieu. D'ailleurs, que l'on faffe une férieuse attention aux claufes qui peuvent être inférées dans un contrat de mariage, le bon fens feul fuffira pour faire comprendre qu'il n'y en a aucune, ou prefqu'aucune, qui puisse tirer fon origine du droit des gens.

Puis donc que ce contrat n'a d'autre fondement que le droit civil, auquel ceux qui font morts civilement ne participent en aucune façon, il eft impoffible qu'il puiffe avoir lieu pour eux; en forte qu'ils font bien liés dans le for intérieur, & quoad foedus: mais ce mariage n'eft reconnu que par l'églife feulement, & il n'eft fufceptible que des effets qui concernent le droit divin. Il eft, par exemple, indiffoluble; parceque c'eft le fort de tout mariage contracté par gens en état de le faire; & que cette indiffolubilité n'eft autorifée par les loix civiles qu'autant qu'elle a été prefcrite par les loix divines. A l'égard de la fociété, en tant que fociété, & abftraction faite de la religion, elle ne connoît point de tels mariages; parcequ'ils ont été contractés par des perfonnes qui ne font point dans fon fein. Elle ne peut donc leur communiquer les effets qui font de fon ressort. Ainsi la femme, par exemple, après la diffolution d'un tel mariage

ne

peut demander ni fon douaire, ni les droits résultant de la communauté, ni aucune des autres conventions matrimoniales; enforte qu'ils font l'un & l'autre, relativement à leurs intérêts civils, exactement dans le même état qu'ils étoient auparavant. Les biens qu'ils poffédoient n'ont point été frappés non plus des claufes qui ont pû être inférées dans le contrat. Ce qui étoit meuble, par fa nature est resté meuble; ce qui étoit propre a confervé la nature de propre : en un mot l'ordre civil n'a reçû aucun changement.

A l'égard des enfans procréés de tels mariages, ils ne font pas à la vérité infectés de la tache de bâtardise. Elle ne tombe que fur ceux qui font iffus d'un concubinage. Or on ne peut pas regarder comme tel un mariage contracté par une perfonne morte civilement, puifqu'il eft autorifé par l'églife. Mais ces enfans font privés de tous les effets civils. Nous tenons tous nos droits de nos peres. Ils nous les ont tranfmis par droit de fucceffion: ainfi nous ne pouvons pofféder que ceux qu'ils poffédoient eux-même; à moins que nous n'en acquérions de nouveaux par notre industrie, par nos talens, par nos fervices envers l'état,

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