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Il eft forcé de refter toute fa vie fur les galéres du Roi, & de ramer toutes les fois & auffi long-tems qu'on l'exige de lui. Ainfi la fociété ne le connoît plus; elle ne peut plus avoir aucune relation avec lui.

Il n'en eft pas de même, lorfque la condamnation n'est que pour un tems: celui contre qui elle eft prononcée n'est point mort civilement. La mort civile eft une fiction, par laquelle on regarde celui qui l'a encourue comme mort naturellement relativement au droit civil, auquel il ne participe en aucune façon. Or c'est une maxime certaine, en matiére de fiction, qu'elle doit tellement imiter la vérité, & en prendre tellement les apparences, que la fiction difparoiffe. C'eft pourquoi, comme on ne peut pas être mort naturellement pour un tems, de même quand on eft une fois mort civilement, on l'eft pour toujours., Ce qui n'arriveroit pas, fi la condamnation aux galéres à tems emportoit mort civile. Elle auroit lieu pendant que le condamné feroit détenu fur les galéres & cefferoit auffitôt qu'il recou vreroit sa liberté, ce qui feroit abfurde & contraire à la nature. Ou il faudroit dire que la mort civile continueroit, quoique le condamné ceffât d'être galérien : mais cela ne feroit pas jufte; ce feroit étendre l'effet plus loin que la caufe. D'ailleurs le coupable, après fon élargiffement, recouvre le droit de vivre avec les citoïens. Il faut donc qu'il puiffe contracter avec eux; ce qu'il ne peut faire qu'autant qu'il a la vie civile.

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Le banniffement eft la défense faite à un criminel d'habiter dans le reffort de la juftice du juge qui l'a condamné, ou dans la province entiére, ou même dans tout le roïaume.

Les auteurs font dériver ce mot de Ban, qui fignifie procla mation; parcequ'on publioit autrefois les banniffemens prononcés en jugement. Votez Coquille, fur l'art. 1. du chap. 2. de la coutume de Nivernois. Cette peine a fuccédé à la déportation des Romains.

On bannit ou à perpétuité, ou pour un tems. Le banniffement pour un tems, ne peut pas opérer la mort civile, non plus que le banniffement d'une jurifdiction ou d'une province, quand il feroit à perpétuité; parcequ'il eft contraire à l'ordre naturel, qu'un homme puiffeêtre réputé mort pour un tems feulement,

ou pour un lieu du roïaume; tandis qu'il feroit regardé comme vivant par-tout ailleurs.

A l'égard du banniffement à perpétuité hors du roïaume, il opére la mort civile. La raison eft que celui qui y eft condamné, ne pouvant plus vivre avec les citoïens, dont on le force d'abandonner la compagnie, il ne peut pas contracter avec eux, il ne peut pas jouïr des priviléges réfervés à ceux - là feulement qui vivent en France, & que la patrie regarde comme fes enfans. Il n'est pas mis non plus au rang des étrangers, puifque, s'il confervoit cette qualité, il jouïroit encore de la vie civile. Son crime ne méritoit pas qu'il perdît la vie naturelle; on la lui a confervée : mais il meritoit que la fociété le bannît de fon fein. C'est ce qu'elle a fait, en le condamnant à abandonner les terres qui lui font foumises, Ainfi elle ne le connoît plus. Il est mort pour elle. Par conféquent elle a renoncé à faire jamais aucun contrat avec lui.

SECTION III.

De la mutilation des membres, par condamnation.

L'empereur Juftinien, par la Novelle 134. chap. 13. a défendu de faire couper aux coupables ni une main, ni un pied, ni même de leur faire fouffrir aucun fupplice qui pût endommager les jointures des membres; parceque, dit-il, il y a plus de cruauté à laiffer des membres qu'on a difloqués, qu'à les retrancher tout-à-fait. C'eft pourquoi, il veut que, quand un coupable a mérité la mort, on la lui faffe fubir. Quand il ne l'a pas méritéé, qu'on le châtie, fans l'eftropier, ou qu'on l'exile. Interdicimus alterutras manus, aut pedes abfcindi, aut hujufmodi quadam inferri fupplicia, per qua articuli diffolvuntur ; quia membroTum diffolutio gravior eft utriufque manûs abfciffione. Propter quod jubemus, fi quidem tale aliquid delinquatur, undè leges mortem delinquentibus inferunt, fecundùm legum virtutem fuftinere eum pœnas. Si verò tale fuerit crimen quod morte dignum non fit, ipfe aut caftigetur, aut in exilium tranfmittatur.

Cette loi eft fondée fur l'humanité. En effet, en otant à un criminel les membres dont il ne peut fe paffer, pour les ufages nécessaires à la vie, c'est le réduire à un état plus cruel, que ne feroit la mort même. C'est pourquoi elle a été adoptée dans nos mœurs, & Mc. du Rouffeaud de la Combe, en fon Traité des matiéres criminelles, part. 1. chap. 1. n. 5. dit qu'on ne doit

plus condamner un criminel à avoir les deux mains, ou les deux pieds, ou les deux oreilles, ou le nez coupés & fendus, ni les deux yeux crevés.

Il y a cependant des crimes, dont la nature femble demander que le membre, avec lequel ils ont été commis, foit coupé, comme le facrilége, le parricide, le blafphême, pour lef quels on ordonne que le coupable aura une des deux mains ou la langue coupée, fuivant le cas. C'eft pourquoi la Novelle qui vient d'être citée, ajoute : Si verò criminis qualitas membri abfciffionem exigat fieri, unam folam manum abfcindi.

Cette derniére partie de la loi eft encore en ufage parmi nous. Elle fe pratique fort fouvent.

Defpeiffes, en fon Traité des fucceffions, part. 1. fect. 1. n. 34. dit que, par la coutume générale de France, celui qui eft condamné à la mutilation des membres ne peut pas tefter, vû que telle peine emporte mort civile. Il cite, pour appuïer fon opinion, Benedicti & Duranti.

Il eft certain que le fentiment de ces auteurs ne peut pas être admis; & que, quand la mutilation n'eft point accompagnée d'une autre peine qui emporte la mort civile, elle ne produit par elle-même, que l'infamie. En effet, fi on fouffre que celui, à qui on a retranché un de ses membres, continuë, après cette punition, de refter dans le roïaume, on veut, en même tems fui laiffer la faculté d'y vivre avec le refte des citoïens: autrement il y auroit contradiction. Si l'on veut qu'il vive avec le refte des citoïens, il faut néceffairement qu'il ait auffi la faculté de contracter avec eux. Il eft impoffible de pouvoir vivre dans la fociété, fans cette faculté: mais, comme elle eft une fuite néceffaire de la vie civile, clle la suppose, par conféquent. En un mot, la fociété ne peut pas regarder comme mort civilement un homme qui est autorisé à refter dans fon fein.

SECTION IV.

De la prifon perpétuelle.

C'étoit une maxime, chez les Romains, que les prifons ne font établies que pour garder les criminels, & non pour les punir. Solent præfides in carcere continendos damnare, aut ut in vinculis contineantur, Sed id eos facere non oportet. Nam hujufmodi pœnæ interdicta funt, Carcer enim ad continendos homines, non ad puniendos baberi folet, l. 8. §, 9. ff. de pœnis. Incredibile eft quod allegas, liberum

hominem, ut perpetuis vinculis contineretur, effe damnatum. Hoc enim vix in folâ fervili conditione procedere poteft. 1. 6. Cod. eod.

Il ne paroît pas néanmoins que les Romains aïent toujours pensé de même. Vincula verò, & ea fempiterna, certè ad fingularem pœnam nefarii fceleris inventa funt, difoit Ciceron, dans fon quatriéme difcours contre Catilina, n. 7. Mais Cujas dit que, fi cette peine étoit quelquefois ordonnée, c'étoit extrà ordinem, non jure ordinario & legitimo. Pour expliquer les mots de Ciceron, qui viennent d'être cités, il dit: verbum illud fingularem, idem fignificare quod extraordinariam; cùm ordinaria pana communis dicatur, & extraordinaria, fingularis.

Quoi qu'il en foit, nous allons examiner fi nous avons adopté, dans notre Jurifprudence, la difpofition du code & du digeste, à cet égard.

Un grand nombre de nos auteurs, quelques-unes même de nos coutumes, reconnoiffent formellement la prifon perpétuelle comme une peine en ufage parmi nous. Le Grand, fur l'article 133. de la coutume de Troies, glofe unique, n. 47. dit que l'on condamne souvent à la prifon perpétuelle, pour raifon de crimes qui feroient perdre le droit de cité, fi l'accufé étoit condamné à d'autres peines. C'est pourquoi, dit-il, la condamnation à prison perpétuelle, prononcée pour ces fortes de crimes, ôte le pouvoir de faire teftament; ce qui doit avoir lieu, tant pour les eccléfiaftiques, que pour les laïques. Cet auteur, comme on voit, de la prifon perpétuelle, non-feulement comme une peine, mais encore comme produifant la mort civile. Coquille, question 19. eft de même avis.

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La coutume de Nivernois, chapitre 2. des confifcations, art. 8. porte que le clerc banni à pérpétuité, ou condamné à chartre perpétuelle, confifque fes meubles au prélat duquel il eft fujet & fes immeubles au feigneur haut-jufticier en la juftice duquel fes biens font affis. Quoique cet article ne parle que des clercs, Coquille, dans une note marginale, obferve que le condamné à une prifon perpétuelle eft comparé à celui qui eft condamné in metallum. Le même auteur, fur l'article 1. du même chapitre de cette coutume, dit que le condamné à perpétuelle prifon est réputé mort civilement; parcequ'il perd la liberté, & par conféquent le droit de cité. Il tient le même langage en plusieurs autres endroits.

Fevret, en fon traité de l'abus, liv. 8. chap. 4. n. 9. regarde cette peine comme ufitée en France. Il rapporte même un arrêt

de la chambre de l'édit dé Paris du 6 Septembre 1584. qui condamna une femme adultére à tenir prifon perpétuelle en tel lieu que le procureur général aviseroit; ce qui fut exécuté : & elle fut confinée en la tour de Loches.

Malgré toutes ces autorités, Me, du Rouffeaud de la Combe, en fon traité des matiéres criminelles, part. 1. chap. 1. n, 5. & 31. dit qu'il n'eft point d'ufage en France de condamner un coupable à une prifon perpétuelle. Il dit encore, Ibid. part. 2. chap. 6. fect. 5. que la prifon perpétuelle eft une peine canonique, à laquelle les eccléfiaftiques peuvent être condamnés pour des crimes graves, fuivant les décrétales d'Innocent III. in cap. 25. Ex. de fentent. excommunicat. & in cap. 27. §. 1. Ex. de verbor. fignificat. Boniface VIII. in cap. 3. de pænis. in 6. décide la même chofe; quoique ce pape reconnoiffe que, fuivant le droit civil, la prifon n'eft pas deftinée pour punir les criminels, mais pour les garder.

Chopin, de facr. polit. lib. 2. tit. 3. num. 12. dit que les juges d'églife font dans l'ufage de prononcer cette efpéce de peine contre les eccléfiaftiques: mais cet ufage a ceffé, du moins par rapport à la prifon perpétuelle. Par arrêt du 26 Juin 1629. M. le procureur général fut reçu appellant comme d'abus d'une fentence de l'official de Maillezais, qui avoit condamné à une prison perpétuelle un religieux forti de fon couvent, pour se marier. Cet arrêt eft rapporté par Bardet, to. 1. liv. 7. chap. 53.

Tels font les propres termes de M. de la Combe, qu'il répéte mot pour mot, dans fon recueil de Jurifprudence canonique, verbo peines mais cet arrêt ne prouve nullement que la prifon perpétuelle n'eft plus en ufage en France. Il décide feulement que les juges d'églife ne font pas compétens pour la prononcer. C'eft, en effet, une de nos maximes les plus précieuses, que les juges d'églife ne peuvent avoir aucun pouvoir fur le ni fur les biens des fujets du Roi. Cette maxime fouffre, à la vérité, quelques légéres exceptions: mais elles font en fi petit nombre, & de fi peu d'importance, qu'elles n'empêchent point que la régle ne doive être regardée comme très-générale.

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Pour décider la queftion que nous examinons ici, nous croïons devoir obferver que Me. de la Combe a prononcé trop légèrement. Cet auteur auroit dû diftinguer entre les prifons ordinaires, & les maifons de force. Les prifons ordinaires ne font, à la vérité, établies que pour garder les criminels, & ne font point confidérées comme un lieu de peines: mais les maisons de force

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