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font regardées comme des lieux destinés à la punition des coupables.

Cela pofé, il eft conftant, & nous en avons fous les yeux des exemples fréquens, que les juges, pour des confidérations particuliéres, condamnent quelquefois à une prifon perpétuelle : mais cette condamnation ne s'exécute jamais dans les prifons ordinaires des jurisdictions. Le coupable est toujours renfermé dans une maifon de force.

Cette peine, fuivant le fentiment des auteurs que nous avons cités plus haut, & de plufieurs autres, fait perdre la vie civile. Celui qui y eft condamné est banni pour jamais de la société. Il est destiné à être perpétuellement dans les fers. Il ne peut donc plus avoir de commerce avec les citoïens. Il est donc mort civilement. En un mot, il a perdu fa liberté, fans laquelle on ne peut jouïr de la vie civile.

SECTION V.

De l'exil par lettre de cachet.

C'est une maxime certaine parmi nous, & reconnuë de tous les auteurs, qu'un citoïen ne peut perdre la vie civile, que par une condamnation juridique, & conforme aux loix de la justice contentieuse.

Nous aurons occafion, dans la fuite, d'établir cette importante vérité,

Or l'exil par lettre de cachet n'a aucun de ces caractéres. C'est un ordre émané du prince, il eft vrai : mais cet ordre eft donné fans aucune des formalités requifes pour le rendre public. S'il n'est pas public, la fociété l'ignore; elle eft donc toujours en droit de regarder comme fon membre celui fur lequel cet ordre a frappé. Nous voïons en effet que, quand le Roi veut qu'un coupable foit retranché de la fociété, il le livre au cours ordinaire de la juftice, foit en le laiffant entre les mains des juges ordinaires; foit en lui nommant des commiffaires qui inftruisent le procès fuivant les formes prefcrites par les loix du roïaume. Enfin le Roi a fi peu intention de faire mourir civilement ceux qu'il exile ainfi, que, par une déclaration du 25 Juillet 1705. eft dit que l'édit & la déclaration des mois d'Août 1669. & 14 Juillet 1682. feront exécutées ; & défenfes font faites à ceux qui font relégués par ordre du Roi, de fortir du lieu où ils font relégués, à peine de confiscation de corps & de biens. S'ils font dans

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le cas d'encourir la confifcation de corps, par leur desobéissance, la lettre de cachet ne les avoit donc pas fait mourir civilement.

Une autre raifon, qui n'eft pas moins décisive, c'est qu'une lettre de cachet n'eft pas de nature à pouvoir imprimer la mort civile. Cette lettre n'eft autre chofe qu'un figne de la volonté actuelle du fouverain, qui, pour des raifons qu'il n'explique pas ordinairement, veut que la perfonne à qui cette lettre eft adreffée, ceffe d'habiter le lieu ordinaire de fa réfidence, pour fe retirer par-tout ailleurs, ou pour refter dans le lieu qui lui eft indiqué: mais cette volonté peut changer, fuivant que les circonftances, & les caufes qui l'ont fait naître varient. Et ces événemens fe paffent tous les jours fous nos yeux. Or l'exil finiffant, la mort civile finiroit auffi; ce qui eft incompatible avec fa nature, puifqu'elle doit imiter la mort naturelle, dont elle eft une fiction. En un mot, nous voïons que ceux qui font ainfi exilés ne ceffent point de jouïr de leurs biens, & de les administrer.

SECTION

Des condamnations par contumace

de guerre.

V I.

prononcées par le confeil

Quoique les condamnations par contumace ne fuffent point en ufage chez les Romains, comme nous le ferons voir, liv. 2. chap. I. nous ne laifferons pas d'examiner ici quels effets produifoient chez eux les condamnations militaires, relativement à la vie civile, quand elles laiffoient au condamné la vie naturelle.

Un foldat pouvoit commettre deux fortes de crimes. Les uns qu'ils appelloient delictum commune, qui pouvoit être commis par toutes fortes de perfonnes; comme le vol, la calomnie, &c. Les autres qu'ils appelloient deli&tum militare, dont les feuls gens de guerre pouvoient être coupables, & qui fe commettoient contre la difcipline militaire.

Lorfque la condamnation avoit pour motif un délit militaire, le coupable pouvoit difpofer par teftament des biens caftrenfes c'est-à-dire, des biens qu'il avoit gagnés dans la profeffion des armes; & s'il mouroit fans avoir fait de teftament, la totalité de fa fucceffion, de quelque efpéce de biens qu'elle fût compofée, retournoit au fifc. Et militibus noftris, centurionibus quoque >

* On expliquéra dans la fuite, liv. 3. chap. 1. ce que c'est que contumace.

ob flagitium militare damnatis, non aliarum quàm caftrenfium rerum teftamentum facere permittitur: & inteftatis jure proprio fucceditur à fifco. l. 13. Cod. de teftam. milit. Ex militari delicto capite damnatis teftamentum facere licet, fuper bonis duntaxat caftrenfibus. l. 11. ff. eod.

Ce pouvoir de tefter des biens caftrenfes n'appartenoit pas de droit au foldat condamné; il falloit qu'on lui en accordât la permiffion. Nifi fortè miles fuit ex militari delicto damnatus. Nam buic permitti folet teftari, ut divus Hadrianus refcripfit. 1. 6. §. 6. ff. de injuft. rumpt. irrit. facto teftam. Miles, in eum ex militari delicto capitali dictâ sententiâ, permittente eo in ipsâ fententiâ, qui damnavit, ficut teftamenti faciendi, ita fideicommiffi relinquendi poteftatem confequitur. l. 22. - 1. ff. de legat. 3. Si miles uxori donaverit de caftrenfibus bonis, & fuerit damnatus; quia permiffum eft ei de bis teftari, fo modò impetravit ut teftetur, cùm damnaretur, donatio valebit. Nam is mortis causâ donare poterit, cui teftari permiffum. 1. 32. §. 8. ff. de donat. inter vir. & uxor.

Quand la condamnation étoit fondée fur un crime ordinaire, le fifc ne fuccédoit point : les biens appartenoient aux héritiers du fang. Militi qui capite puniri meruit teftamentum facere concedendum Paulus & Menander fcribunt, ejufque bona inteftati, fi punitus fit, ad cognatos ejus pertinere. Tamen ex militari delicto, non ex communi pu nitus eft. l. 1. ff. de veteran. & milit. fucceff.

On ne mettoit cependant pas tous les crimes militaires dans la même claffe. Un foldat qui defertoit, pour paffer chez les ennemis, étoit regardé lui-même comme ennemi de l'état. On le privoit, par conféquent, de tous les droits de cité; fans même lui conferver le privilege appellé jus poftliminii. Transfuga nullum poftliminium eft. Nam qui malo confilio & proditoris animo patriam reliquit, hoftium numero habendus eft. Sed hoc in libero transfugâ juris eft, five fœmina, five mafculus fit. l. 19. §. 4. ff. de captiv. & poftlim. Quant à ce qui concerne notre ufage à cet égard, nous n'avons point de loi qui décide fur cette matiére. Il faut donc avoir recours aux autorités & au raisonnement.

Coquille, question 16. traite cette matiére ex profeffo. Il obferve qu'il y a plufieurs perfonnes qui foutiennent que les jugemens militaires n'emportent point confifcation, & par conféquent n'opérent pas la mort civile. Il dit même que c'étoit l'opinion commune de fon tems; fondée fur ce que ces jugemens ne font pas donnés en forme judiciaire : mais il combat cet avis & foutient au contraire que ces condamnations produisent le

même effet, que celles qui font prononcées par les juges ordinaires. Ceux de qui elles émanent, ont droit de les prononcer, fuivant les loix militaires. D'ailleurs, quand un homme embraffe la profeffion des armes, il fe foumet à toute la rigueur des loix particuliéres à cette profeffion. Il l'a embraffée volontairement. Il n'est donc pas en droit de fe plaindre de la rigueur qu'il peut y trouver. Ce fentiment eft adopté par Bafnage, fur l'article 143. de la coutume de Normandie.

Mc de la Combe, dans fon recueil de Jurifprudence civile, au mot Confifcation, n. 15. & au mot Teftament, fect. 2. n. 7. paroît être d'avis contraire. Il fe fonde fur les loix Romaines mais elles ne peuvent avoir aucune autorité parmi nous, dans une matiére fur laquelle nos principes font fi différens de ceux qui étoient adoptés par les Romains.

Cet auteur convient néammoins que la condamnation prononcée contre les deferteurs, quoique par le confeil militaire, emporte mort civile. Ce fentiment eft fondé fur l'article 6. de l'ordonnance du 17 Janvier 1730. qui y eft précis. Néammoins la condamnation dans ce cas, ne fe fait pas avec plus de formalités, que dans tous les autres. Il faut donc de deux chofes l'une, ou que les formalités judiciaires ne foient pas requises dans les jugemens militaires, pour qu'ils puiffent produire les mêmes effets que les jugemens ordinaires; ou que le légiflateur ait voulu que le crime de defertion emportât la mort civile ipfo facto. Mais c'est une maxime parmi nous, laquelle eft fondée fur l'humanité, qu'un citoïen ne peut fouffrir aucune atteinte dans son état, fans une condamnation juridique. Par conféquent, lorfque le légiflateur a voulu que la condamnation prononcée contre un deferteur emportât mort civile, c'eft qu'il a fans doute regardé les jugemens militaires comme juridiques. S'ils font juridiques, ils produifent les mêmes effets que ceux qui émanent des juges ordinaires. Il y a donc tout lieu de penfer que les condamnations par contumace prononcées par le confeil de guerre opérent la mort civile, dans quelque cas que ce foit.

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La commutation de peine eft le changement d'une peine prononcée contre un criminel, en une autre plus légere, comme de

la mort naturelle en mort civile fimplement, foit par les galéres, foit par le banniffement, la prifon perpétuelle, &c.

Cette grace eft un acte de clémence, qui ne peut émaner que de l'autorité & de la bonté du fouverain. Elle eft contenue dans des lettres de la grande chancellerie.

Comme la grace n'eft pas entiere, & que le Roi, par des confidérations particuliéres, ne fait que diminuer ce qu'il y a d'afflictif dans la peine; ces lettres ne rendent point la vie civile à celui qui l'avoit perdue par la condamnation contre lui prononcée. En un mot, la commutation de peine ne porte que fur l'exécution du jugement, & nullement fur l'état du condamné. M. Louet, lettre E. fomm. 8. rapporte un arrêt du 14 Août 1585. qui l'a jugé in terminis. Il paroît affez intéreffant pour devoir trouver place ici. Une femme convaincuë d'avoir empoisonné fon mari eft condamnée, par fentence confirmée par arrêt, à être brûlée vive. Comme elle fe trouva groffe, on fut obligé de différer l'exécution du jugement: elle profita de ce délai pour obtenir des lettres de commutation de peine en prison perpétuelle. La Cour ne les entèrina qu'après des juffions réitérées quatre fois. Elle fut enfermée aux filles de l'Ave Maria, avec claufe expreffe, dans l'arrêt d'enregistrement, qu'elle ne pourroit obtenir d'autres lettres de commutation de peine, & que, fi elle étoit trouvée hors du lieu destiné à lui fervir de prifon, l'arrêt de mort feroit exécuté. Elle fut dans la fuite transférée, par arrêt, aux Filles Pénitentes. Elle obtint de nouvelles lettres, par lefquelles la peine de prison lui étoit remife. Le parlement refufa conftamment de les vérifier. Elle en obtint d'autres adreffées au grand-prevôt de l'hôtel, qui les entèrina par fentence. On lui accorda encore d'autres lettres qui déclaroient que cette fentence auroit force d'arrêt. Elle se remaria ensuite, & eut deux enfans. Ceux du premier lit prétendirent, après fa mort, que leur mere étant morte civilement du jour de la fentence de condamnation qui avoit été prononcée contre elle, le mariage qu'elle avoit contracté depuis ne pouvoit produire d'effets civils; attendu que les lettres de commutation de peine, qui avoient précédé ce mariage, ne lui avoient point rendu l'état que la condamnation lui avoit enlevé. Et par l'arrêt, les enfans du fecond lit furent exclus de la fucceffion de leur mere.

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