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En 1597, un foldat, normand d'origine, mais domicilié en Bretagne, avoit été condamné à mort par le prevôt de Dinan. Ses meubles feulement furent confifqués; parceque, fuivant l'article 658 de la nouvelle coutume de Bretagne la confifcation d'héritages n'a point lieu. Ce foldat poffédoit des immeubles en Normandie. Ses enfans s'en mirent en poffeffion, & en jouïrent pendant vingt & un ans, depuis la condamnation. Au bout de ce tems le feigneur féodal demanda à être renvoïé en poffeffion de ces biens, fous prétexte qu'ils avoient été confifqués à fon profit, par le jugement de condamnation. Sa demande lui fut accordée, par fentence des requêtes du palais: mais elle fut infirmée par arrêt, & les enfans maintenus & gardés en la poffeffion des héritages de leur pere. Tel eft l'arrêt fur lequel Bafnage appuïe fon opinion: mais on peut dire que cet arrêt ne juge point la queftion. En effet, il eft certain, & c'eft une maxime que perfonne n'ignore, que tout crime eft éteint par vingt ans. Si le crime eft éteint, la peine l'eft auffi. Ceffante caufà, ceffat & effectus. La confifcation eft une peine; elle ne peut donc pas être demandée, après les vingt ans expirés, depuis le crime commis, comme dans l'efpéce préfente, où le feigneur avoit laiffé écouler vingt & un ans.

Notre auteur ajoûte, qu'on pouvoit dire en faveur des enfans, que la fentence n'avoit point jugé la confifcation des immeubles & qu'ainfi elle ne pouvoit s'étendre par interprétation. Cette maxime, continue-t-il, qui confifque le corps, confifque les biens, n'a lieu que quand les biens font fitués dans une coutume qui contient une pareille difpofition. Mais quand un magiftrat a fa puiffance limitée, & que, felon les loix de fon territoire, il ne peut confifquer les immeubles, il peut bien moins confifquer ce qui eft dans une autre province, quoique la confifcation y ait lieu.

Il eft étonnant qu'un auteur auffi judicieux & auffi éclairé que l'étoit Bafnage ait laiffé échaper un raifonnement auffi peu folide. Quelques lignes au-deffus de l'endroit que nous venons de rapporter, il eft convenu que la confifcation, étant ordonnée par la coutume, eft de plein droit, quoiqu'elle ait été omife dans l'arrêt ou dans la fentence de condamnation. Elle a donc toujours lieu fur les biens, en vertu de la coutume, quand elle eft prononcée contre la perfonne du propriétaire de ces biens. Qui confifque le corps, confifque les biens. Il fuffit que le corps ait été légitimement confifqué, pour que les biens le foient au même inftant. Dans le

cas que nous examinons ici, la confifcation du corps a été prononcée par un juge compétent. Elle eft donc légitime. Ainfi elle doit produire tous fes effets. Dans la coutume de Normandie dans celle de Paris, & dans toutes celles qui ont une pareille difpofition, un des effets les plus néceffaires de la confiscation du corps eft de produire celle des biens. Elle va donc de droit. La puiffance du magiftrat eft limitée à la vérité : mais elle ne l'est que pour fon territoire: c'eft-à-dire, qu'il ne peut pas ordonner une confifcation qui eft défendue par fa coutume: mais ce défaut de pouvoir ne s'étend que fur les biens régis par la loi qui porte cette prohibition. Il y a plus. Ce n'eft point le magiftrat qui confifque les biens dans les païs où la confifcation de biens eft ordonnée. C'est la loi, qui veut que le corps étant confifqué, les biens le foient auffi.

Bafnage ajoûte que les ftatuts, pour les confifcations, font réels. Il eft vrai qu'ils font réels, & cette maxime même détruit fon opinion; puifqu'en conféquence de cette réalité, les biens doivent fuivre la difpofition de la coutume qui les régit.

Sur la feconde queftion, qui confifte à fçavoir fi la confifcation, jugée dans un païs où elle eft en ufage, peut s'étendre en un autre lieu où elle n'eft point admife, Bafnage décide, contre le fentiment de plufieurs auteurs, qu'elle n'a point lieu, dans ce cas, pour les païs où elle n'eft point admife, parcequ'il ne se fait point d'extenfion de coutume à coutume. Il est étonnant que ce principe, qu'il invoque ici, ne lui ait pas fait ouvrir les yeux fur la queftion précédente. En effet, fi le fentiment qu'il a voulu foutenir fur la premiere queftion étoit vrai, le principe que nous venons de pofer, d'après lui, feroit faux, puifqu'une coutume où la confifcation n'a point lieu s'étendroit fur les biens d'une autre où elle auroit lieu, pour les en fouftraire. Ainfi, en partant des principes même de cet auteur, nous croïons qu'on doit rejetter la premiere de fes décifions, & admettre la feconde.

De tout ce qui vient d'être dit, il fuit que tout juge aïant jurisdiction en France, & compétence pour connoître des crimes qui emportent mort civile, peut confifquer. Il nous reste maintenant à examiner le pouvoir des juges eccléfiaftiques, à cet égard.

Si l'on en croïoit les docteurs ultramontains, le juge d'église pourroit non-feulement condamner au fouet, mais confifquer les biens, de quelque nature qu'ils fuffent, & les adjuger à la chambre apoftolique, ou à l'évêque du lieu. Ils établiffent pour maxime que l'église a un fifc; d'où ils tirent cette conféquence,

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que les biens des eccléfiaftiques fuivant la condition de la perfonne, & la perfonne devant être jugée par l'églife, ces biens doivent être appliqués au fifc de l'églife. Bona clericorum, confequantur conditionem perfona, ut perfona ipfa judicantur ab ecclefiâ, ita bona eorum fifco ecclefia confifcantur. Ils ajoûtent que ecclefia gauder omnibus privilegiis, quibus imperium; d'où ils concluent que la confifcation doit avoir lieu in utroque foro.

Mais ces maximes ont été réprouvées, comme contraires à nos libertés. Nous tenons en France, comme un principe certain , que l'églife n'a point de territoire, & qu'elle n'a point par conféquent, droit de confifquer. Les biens des ecclésiastiques font fous la fouveraineté du Roi, qui feul eft le maître de tout le temporel de fon roïaume, fans que perfonne foit en droit de prétendre même la plus petite apparence de concurrence à ce fujet. Lors donc qu'il y a lieu de confifquer le patrimoine d'un eccléfiaftique, cette confifcation ne se peut faire que de l'autorité du magiftrat féculier, qui agit en conféquence du pouvoir que le Roi lui a confié. Ces biens font profanes, & ne fuivent point la qualité de la perfonne. Cela ne pourroit, toutau-plus, avoir lieu que quoad utilitatem perfona, & non pas quoad xtilitatem alterius. Or il importe peu à un clerc, dont les biens font confifqués, que cette confifcation tourne au profit du Roi, eu au profit du pape ou de l'évêque. Ils n'en font pas moins perdus pour lui & pour fa famille. Ce prétendu privilége de fes biens ne lui feroit donc d'aucune utilité. Il ne ferviroit qu'à priver le Roi & les haut-jufticiers d'un droit qui leur appartient effentiellement.

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Enfin il ne faut point comparer l'églife, quant au droit de jurifdiction, avec l'empire; parceque le territoire du roïaume eft au Roi, & l'églife n'en a point. Les juges établis par le Roi prononcent fur les différends que l'on porte à leur tribunal, & font mettre leurs jugemens à exécution, par toutes les voïes dûes & raifonnables; au lieu que le juge d'églife ne le peut faire fans implorer l'affistance du bras féculier. D'où il fuit que le pouvoir de confifquer les biens d'un coupable excéde les facultés du juge eccléfiaftique; parceque, quoiqu'il foit juge ordinaire, quane au délit eccléfiaftique, qu'on appelle délit commun, il n'eft pas juge ordinaire quant au territoire; l'églife n'en ayant point. Le juge laïc peut donc feul, comme feul juge du territoire, ordonner la confiscation des biens fitués dans l'étendue de fa jurisdiction. Oldrade, quoiqu'ultramontain, a regardé nos maximes fur

cette matiére comme fi fages, qu'elles devroient, felon lui, être fuivies par-tout. Ubi bona clericorum immobilia publicantur, dit-il, confil. 17, en parlant de la France, & applicantur dominis temporalibus, de more curia Gallicana, & fic fe habet confuetudo generalis Francia.

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L'églife voïant qu'elle ne pourroit pas s'arroger le droit de confifquer, a voulu le réduire aux meubles, parcequ'ils fuivent la qualité de la perfonne, & aux biens, tant mobiliers qu'immobiliers, de ceux qui feroient condamnés pour héréfie mais cette prétention n'a pas mieux réussi. Il est faux que bles fuivent la qualité de la perfonne, comme nous l'avons dit ailleurs. Ils fuivent feulement le domicile. A l'égard des biens meubles & immeubles des hérétiques les papes ne les ont jamais prétendus férieufement. Ils ne s'en font attribué la confifcation que dans létendue de leur domination temporelle. Cap. urgentis de baret. in 6°. Alors ce n'est point comme eccléfiaftiques qu'elle leur appartient; c'est comme princes temporels.

La confifcation excéde donc le pouvoir de l'églife, & elle ne pourroit l'entreprendre fans abus. Le pape Clement V, par fa bulle contre les templiers, ordonnoit que leurs biens fuffent confifqués au profit de l'églife: mais Philippe le Bel ne voulut jamais fouffrir qu'elle eût fon exécution, à cet égard. Voïez Dumoulin, fur la question 75 de Joannes Galli, & le traité de l'abus de Févret, liv. 8, chap. 4, n. 1 2,

DISTINCTION IV,

Quels biens tombent dans la confifcation?

Autrefois les acquêts feuls étoient fujets à la confiscation: mais aujourd'hui, tous les biens généralement, propres, acquêts conquêts, meubles, rentes conftituées, dettes actives, en un mot tout ce qui appartient aux condamnés y eft enveloppé.

Il y a cependant des coutumes qui n'admettent la confifcation, que pour une efpéce de biens feulement; les unes pour les meubles, les autres pour les acquêts, &c. Il faut à cet égard, fuivre la difpofition de chaque coutume, dans fon terri

toire.

Au furplus, il n'y a précisément que ce qui appartient au condamné qui foit confifquable. C'eft un principe, dans cette

matiére, lequel donne lieu à plufieurs queftions fort importantes, que nous allons examiner.

La premiére consiste à fçavoir quelle part des biens dans la communauté d'entre le mari & femme font confifqués. Pour pouvoir la décider, il faut diftinguer deux cas. Ou c'est le mari qui eft condamné, ou c'est la femme.

Suivant l'ancienne jurifprudence, le crime du mari emportoit la confiscation de tous les biens dont la communauté étoit compofée; même de la part que la femme y pouvoit prétendre, Cet ufage étoit fondé fur ce que le mari eft tellement le maître de la communauté, qu'il peut difpofer, à fon gré, de tous les biens qui la compofent: il peut les jouer, il les peut perdre; en un mot la femme n'y peut rien prétendre › que ce qui reste après le décès de fon mari. Or, difoit-on, fi le mari les pouvoit perdre per contractum, il pouvoit auffi les perdre per delictum; d'autant plus que nous mettons les délits au nombre des quaficontrats. La liberté du mari n'est gênée, que lorsqu'il donne ou aliéne en fraude de fa femme. Or on ne peut pas dire qu'il commette un crime exprès pour priver fa femme de fa part des biens de la communauté. Il eft contre le bon fens d'imaginer qu'un homme cherche à fe faire pendre, dans cette intention. On trouve, dans le ftile du parlement de Paris, par Dumoulin, part. 3, tit. 20, de libell. oblat. §. 3&4, une ordonnance de Philippe le Bel, de l'an 1303, qui porte que, quand quelqu'un confifque fes biens, pour. crime par lui commis fa femme doit être fatisfaite de fa dot, après les dettes païées. Si bona alicujus veniant in commiffum, debita fua, & dos uxoris, fi quam habeat, reddantur creditoribus & uxori fine libello, & alio ftrepitu judiciario, cum conftiterit de prædictis, per teftes, vel alia legitima documenta...... Si contingat bona alicujus venire in commiffum, ratione alicujus maleficii, ftatim fatisfiat uxori, de dote &aliis creditoquos habet , quæ fibi debentur, prout fuerint priores temfenefchalo videbitur fcitiùs, & celeriùs, fine offenfione

ribus pore s

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juftitia.

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Mais on reconnut, dans la fuite, la dureté & l'injustice d'un tel usage. On comprit qu'il n'y a point de communauté de crime. Criminum nulla focietas, neque inita videtur inter maritum & uxorem, ideòque alieni criminis infortunio adftringi uxor non debet. Le crime du mari ne préjudicie plus à la femme innocente, parceque les crimes font perfonnels, & que ob maritorum culpam azores inquietari leges vetant. L. 2, cod. ne uxor pro marito.

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