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Mais la queftion demeure entiére pour les autres crimes. D'ailleurs l'arrêt dont nous venons de parler n'eft qu'en collatérale, & ne doit pas faire loi pour la directe. Il n'a même pas mis les auteurs d'accord pour la collatérale.

Tronçon & Labbé, fur l'article 183 de la coutume de Paris, prétendent que ces fortes de biens confervent leur qualité de propres.

Ricard, fans diftinguer la ligne directe d'avec la ligne collatérale, dit qu'anciennement les biens du condamné, remis aux héritiers, étoient propres ; mais qu'actuellement on les tient acquêts : & il rapporte, pour autorifer fon avis, l'arrêt qui vient d'être rapporté.

Mais fi l'on veut fuivre les traces de l'ancienne jurifprudence à ce fujet, on trouvera que tous les arrêts qui ont déclaré les biens propres dans ce cas, ont été rendus en faveur d'enfans auxquels on reftituoit les biens de leur pere condamné ; & on n'en trouve aucun en collatérale. Ainfi il paroît que, fuivant l'ancienne jurisprudence, on diftinguoit le cas où les biens avoient été reftitués aux enfans, d'avec celui où cette reftitution n'avoit lieu qu'en faveur de collatéraux.

Renuffon, en fon traité des propres, chap. 1, fom. 9, admet cette diftinction, & dit qu'ils font propres en directe, & acquêts en collatérale ; & il paroît que c'eft l'avis le plus fuivi.

Cependant il femble qu'il ne devroit point y avoir de diftinc tion à faire; parceque, fi les biens font propres en directe, ce ne peut être que parceque, quand le Roi remet la confifcation aux héritiers, on préfume qu'il ne veut point ufer de fon droit; mais qu'il laiffe les chofes dans leur état naturel: & cette raifon n'a pas moins lieu pour la collatérale, que pour la directe.

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Cette distinction tire peut-être fa fource de la faveur de la directe mais il faudroit, pour cela, fuppofer qu'il eft plus avantageux que les biens foient regardés comme propres, que comme acquêts ce qui ne fe peut pas dire; parceque s'ils étoient acquêts, les enfans en auroient une difpofition beaucoup plus libre, que s'ils étoient propres : ainfi il femble que tout devroit être égal, tant en collatérale qu'en directe. Les principes font les mêmes de part & d'autre.

A les confidérer du premier coup d'œil, ils femblent être. contraires aux héritiers des propres ; parcequ'il eft certain que la

confifcation fait paffer la propriété des biens fur la tête du confifcataire; & lorfqu'il les rend aux héritiers, c'est un don qu'il leur fait c'eft, par conféquent une acquifition, de leur part. Mais, d'un autre côté, il eft également certain que la confiff cation n'ôte point la qualité d'héritiers à ceux qui la tiennent de la nature & de la loi; elle rend feulement cette qualité fans objet, en faisant paffer à un étranger les biens fur-lefquels elle auroit pû être exercée. Le confifcataire fait donc la fonction que devroit faire l'héritier, s'il n'y avoit point eu de condamnation. Mais les biens ne font pas plus acquis au confifcataire, que chaque partie d'une fucceffion n'eft acquife à chaque héritier, qui en eft faifi par la coutume. Dès l'inftant de l'ouverture d'une fucceffion, quand il y a plufieurs héritiers, chacun devient propriétaire de la part qu'il eft en droit de prétendre. Cependant, fi l'un des héritiers renonce à fa part, & qu'elle accroiffe aux autres, elle ne fera pas un acquêt en leur perfonne, mais un propre, de même que les autres parts dont ils étoient déja

faifis.

De ce que les biens ainfi reftitués aux héritiers font propres, il fuit qu'il n'est dû aucuns droits feigneuriaux, pour raifon de cette mutation. Tronçon, fur l'article 33, rapporte un arrêt qui l'a ainfi jugé, le 23 janvier 1599.

C'eft encore une queftion de fçavoir files biens du condamné qui a obtenu fa grace du Prince, & qui a été reftitué dans tout ce qui lui appartenoit, font propres, ou deviennent acquêts ; en un mot, s'ils confervent la qualité qu'ils avoient avant la condam

nation?

lui

Si l'accufé fe juftifie, après s'être repréfenté, il n'y a pas de doute que les chofes ne reftent en leur premier état. Sa repréfentation feule anéantit tout ce qui avoit été fait. Il rentre même, ipfo facto, dans la propriété de tous fes biens, qui ne peut être enlevée que par une condamnation contradictoire. S'il fe juftifie, & qu'il foit renvoïé abfous de l'accufation contre lui intentée, il eft réputé n'avoir jamais été condamné ; par conféquent avoir toujours été propriétaire de fes biens, qui, par cette raifon, n'ont pas pû changer de nature.

Mais fi fon abfolution n'a d'autre fource que la clémence du prince, la difficulté eft beaucoup plus grande. Au moïen de la condamnation juftement prononcée, puifqu'il étoit coupable, le confiscataire eft devenu propriétaire de fes biens; & s'ils lui font rendus en vertu de l'abfolution qu'il a obtenue du prince, cette

nouvelle poffeffion eft fondée sur un nouveau titre : il femble que c'eft un acquêt, puifque ce qui étoit perdu ne se rétablit que du jour & en vertu de la grace du prince.

Nous croïons cependant que ces biens confervent, dans ce cas, leur premiére nature : la grace du prince eft une difpenfe entiére, qui non-feulement guerit le mal; mais qui rétablit les chofes dans leur premier état. Elle a l'effet de conserver la vie, & même l'honneur du condamné; elle doit produire la même chose à l'égard de fes biens. L'incapacité dans laquelle le condamné étoit tombé, est éteinte. Elle n'a été que momentanée, & a duré fi peu, qu'elle ne peut avoir changé la nature du bien de celui qui eft pleinement rétabli.

La confifcation n'eft qu'une fuite & une peine du crime. Le Roi, par fes lettres de grace, veut que ce crime foit effacé, qu'il foit regardé comme non avenu, comme n'aïant jamais été commis. Il faut donc, pour qu'on puiffe perdre la mémoire du crime, que toutes les traces qu'il pourroit laiffer après lui ne fubfiftent plus. Si la confifcation opére un changement de nature dans les biens, il reftera toujours un veftige de la peine que le crime avoit méritée : ce qui feroit contradictoire. La cause étant anéantie, l'effet doit l'être auffi. La reftitution du prince a un effet rétroactif. Elle efface l'offenfe qu'elle pardonne. Quoiqu'il y ait condamnation par contumace, ou contradictoire, & que la confifcation foit exécutée, l'abolition furvenante, par l'autorité du prince, eft une reftitution parfaite; enforte qu'il n'y a plus de confifcation ni au profit du Roi, ni au profit des feigneurs; parceque le crime étant éteint dans fa racine, pardonné dans fa fource, la confifcation ceffe auffi, & il ne s'eft fait aucune mutation ni dans la terre, ni dans la perfonne qui la pofféde.

D'Argentré, fur la coutume de Bretagne, article 48, glof. 2, n. 18, foutient qu'il faut diftinguer. Si le cas, pour lequel on eft condamné étoit rémiffible, les biens ne changent point de nature mais s'il n'étoit point rémiffible, les lettres d'abolition obtenues par le condamné n'empêchent point, felon cet auteur, que les biens ne changent de nature, & que de propres ils ne deviennent acquêts, n'étant recouvrés que par la pure grace du prince.

Choppin en fon traité du domaine, liv. 1, tit. 8, n. 2, ne fait aucune diftinction, & foutient que les biens ne changent

point de nature. C'eft auffi l'opinion la plus commune, & celle qui paroît le mieux fondée.

Il fuit delà, qu'après la mort du condamné ainfi restitué, ses biens fe partagent entre fes héritiers, comme s'il n'étoit point furvenu de condamnation contre lui. Ce qui étoit propre appartient aux héritiers des propres ; & ce qui étoit acquêt appartient aux héritiers des meubles & acquêts. Il ne fe fait nul changement dans la communauté. Les propres confervant leur qualité, & ne devenant point acquêts, n'y entrent point. En un mot, tout refte dans fon état primodial & naturel.

DISTINCTION V I.

De quelles charges font tenus les confifcataires?

C'est une maxime certaine & fondée sur les principes les plus connus, que les confifcataires font obligés d'acquitter les dettes paffives, tant mobiliaires qu'immobiliaires, du condamné dont les biens ont été confifqués ; & ce pro modo emolumenti, & felon qu'ils amendent des biens confifqués. Et fic qui plus capit, plus folvit : qui plus habet, plus folvere debet.

En Normandie, où les meubles du condamné appartiennent au Roi, en quelque lieu qu'ils fe trouvent, il ne peut les prendre que les dettes mobiliaires ne foient préalablement païées. L'article 145 de la coutume de cette province y eft formel: måis fur la premiere année du revenu de tous les immeubles, qui lui appartient auffi dans cette province, en quelque lieu que ces immeubles foient fitués, il n'eft chargé que des rentes feigneuriales & foncières dûes pour la même année. Quant aux rentes conftituées, il n'en eft point chargé. La dot même de la femme fe compte au nombre des rentes conftituées, & ne tombe point à la charge du Roi. Ainfi jugé par un arrêt du 30 Janvier 1635. rapporté par Bafnage, fur l'article 145, de fa coutume.

Le même auteur agite la question de fçavoir fi la partie civile, qui a fait les frais du procès, peut être remboursée sur les fruits de la premiere année au préjudice du Roi, quand il n'y a point de meubles. Il rapporte un arrêt du 8 Juin 1646, qui a jugé au profit de la partie civile.

Lorfqu'il y a plufieurs feigneurs confifcataires en même tems, ils contribuent tous aux dettes, chacun à proportion de ce qu'ils amendent; même dans les coutumes où les dettes paffives fui

vent les meubles, & font païables, en totalité, par celui qui prend l'universalité de la fucceffion mobiliaire. La raison est que le feigneur prenant les biens, par droit de confifcation, ne les prend pas à titre fucceffif; mais en vertu de l'extinction du droit de l'ancien propriétaire, & par réunion à fon domaine.

Mais on demande comment les créanciers chirographaires se pourvoiront, quand il y a plufieurs feigneurs qui participent à la confifcation? Ils en ignorent fort fouvent le nombre, & combien chacun d'eux prend dans cette confiscation.

S'il falloit fe conduire en cette occafion comme dans le cas où une fucceffion échoit à plufieurs héritiers qui fuccédent différemment, il feroit affez aifé de fe déterminer. Lorsqu'il fe trouve, par exemple, tout à la fois un héritier des meubles & acquêts, un autre des propres paternels, & un autre des propres maternels, ils peuvent être attaqués par les créanciers chirographaires, chacun pour un tiers. Ou bien les mêmes créanciers peuvent s'adreffer à l'héritier des meubles & acquêts seul, pour la totalité de leurs dettes, fauf fon recours contre les autres. Et cette voie eft beaucoup plus courte & plus raisonnable. Car fi, quand il y a de trois fortes d'héritiers, il falloit divifer une dette en trois; il faudroit encore la fubdivifer, fi chaque forte étoit compofée de plufieurs têtes; ce qui cauferoit des embarras fans nombre.

Ces embarras feroient encore beaucoup plus grands dans le cas de la confifcation, lorfqu'elle fe partage entre plufieurs feigneurs. En effet la part qu'on demanderoit à chaque héritier feroit toujours certaine & liquide; au lieu que celle que l'on demanderoit aux feigneurs feroit toujours incertaine & trèsdifficile à liquider. Du moins faudroit-il au préalable faire une ventilation, ce qui eft ordinairement fort difficile & emporte de grands frais, fur-tout quand il y a dans la fucceffion des actions incertaines, & qui ne peuvent être éclaircies qu'après avoir foutenu des procès fort longs & fort difpendieux.

D'ailleurs il y a bien de la différence entre les héritiers & le fifc. Les actions qui s'intentent contre les héritiers leur font purement perfonnelles ; enforte que leurs propres biens font affectés à ces actions, quoiqu'elles proviennent de la fucceffion qu'ils ont acceptée ; & leur portion héréditaire est toujours certaine. Mais le fifc n'étant ni héritier, ni même fucceffeur univerfel, ne peut être tenu d'aucune action purement perfonnelle: par conféquent fes autres biens ne font point fujets aux actions

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