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gardé cet abfent comme un homme qui avoit perdu les droits de cité: & comme, fur ce fondement, on a jugé la fubftitution ouverte, nous croïons être en droit de conclure que cet arrêt confirme notre opinion.

On pourroit oppofer ici l'arrêt rendu à l'occafion du célébre comte de Bonneval en la cinquième chambre des enquêtes le 29 Août 1748, dont nous avons parlé ailleurs. On agita, lors de la plaidoirie, deux questions: la premiere étoit de fçavoir fi le comte de Bonneval étoit mort civilement; & la feconde fi, en cas qu'il le fût, cette mort civile avoit donné lieu à l'ouverture de la fubftitution. Ainfi on ne peut fçavoir laquelle de ces deux questions a été décidée par l'arrêt. Il eft vrai que M. Titon, rapporteur, affura M. Dorigny avocat, qui foutenoit la négative fur les deux questions, que la cour les avoit jugées toutes les deux en fa faveur mais, comme elle avoit jugé d'abord que le comte de Bonneval n'étoit point mort civilement, & que cette décifion fuffifoit pour régler les droits des parties, il fe peut faire qu'elle n'ait pas examiné l'autre question avec autant d'attention qu'elle l'auroit fait, fi c'eût été le feul point fur lequel la décision devoit porter.

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Après les motifs que nous venons d'expofer, c'est avec bien de la raifon l'ordonnance de 1747 que décide, titre 1, art. 24,

que la mort civile donne ouverture aux fubftitutions. Voici les termes de cet article: » Dans tous les cas où la condamnation » pour crime emporte mort civile, elle donnera lieu à l'ouver» ture du fideicommis, comme la mort naturelle; ce qui fera » pareillement obfervé à l'égard de ceux qui auront fait profef» fion folemnelle de la vie religieuse. »

CHAPITRE III.

De l'ouverture des droits féodaux par la mort civile.

LA

A queftion de fçavoir fi la mort civile donne lieu à l'ouverture des droits féodaux, peut fe préfenter dans deux cas ; fçavoir, dans celui de la mort civile du véritable vassal, & dans celui de la mort civile de l'homme vivant & mourant, que les gens de main-morte font obligés de fournir.

A l'égard de la mort civile du véritable vaffal, il ne paroît

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pas qu'il doive y avoir de difficulté; puifqu'il perd la propriété de fes biens, qui paffe en d'autres mains. Ainfi il y a une véritable mutation. Le feigneur eft donc en droit d'exiger les droits tant utiles qu'honorifiques, fuivant les circonftances & les coutumes, de la même maniére que fi le vassal étoit mort naturellement.

Cependant Pocquet de Livonniére, en fon traité des fiefs livre 4, chapitre i, prétend que la mort civile ne donne point ouverture au rachat, foit que la condamnation foit contradictoire, foit qu'elle foit par contumace; parceque, dans le premier cas, le condamné peut obtenir fa grace du prince; & dans le fecond, il peut purger la contumace dans les cinq ans.

Ces raifons ne nous femblent pas fuffifantes pour appuïer l'avis de cet auteur; & pour le combattre par rapport aux condamnations contradictoires, il nous fuffit du motif qu'il apporte pour établir que la profeffion en religion opére l'ouverture du fief.

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Ce motif eft que cette caufe de la mort civile eft irrévocable or la condamnation prononcée contradictoirement eft pareillement irrévocable de fa nature. La grace du prince, qui peut furvenir, ne doit point être mise au rang des cas ordinaires qu'on doit prévoir. On doit, au contraire, toujours préfumer que cette grace ne fera point accordée au coupable.

Enfin il n'y auroit jamais rien de certain, fi une condamnation contradictoire, fur-tout étant prononcée par arrêt, n'étoit pas regardée comme irrévocable, fous prétexte qu'elle peut être détruite par l'autorité fouveraine du prince, qui, dans ce cas, doit être mise au nombre des forces majeures, qui ne tirent jamais à conféquence.

Il pourroit même arriver, fi l'on adoptoit le fentiment de cet auteur, que le feigneur en recevroit un dommage confidérable, à caufe du défaut d'aliénations pendant la vie naturelle du condamné. En effet, fi ce condamné n'avoit pas perdu la vie civile, il auroit pû vendre fon bien ; & ceux qui l'auroient acquis de lui, auroient pû le vendre encore ; ce qui auroit produit différens droits feigneuriaux: au lieu que fi l'on juge qu'il n'en peut être dû qu'à la mort naturelle du condamné, quelque mutation qui arrive dans la propriété de ces biens, on pourra toujours oppofer au feigneur la poffibilité dans laquelle eft le condamné de rentrer dans fes droits par la grace du prince, & en conféquence fe difpenfer de lui paier aucun droit ; ce qui peut durer l'efpace de foixante ans, & plus.

Pocquet de Livonniére rapporte en cet endroit le fentiment de Dupineau fur l'article 84 de la coutume d'Anjou, lequel au mot trépassement, emploïé dans cette coutume pour fixer le tems auquel le fief eft ouvert, dit que cette difpofition doit être étendue au cas de la mort civile. Pocquet prétend que le fentiment de Dupineau doit être reftreint au cas de la profeffion en religion : mais, comme Dupineau n'avoit point fait cette restriction, nous pouvons en conclure qu'il a entendu parler de la mort civile en général, & nous prévaloir de fon autorité contre Pocquet. A l'égard des condamnations par contumace, il y auroit peutêtre plus de difficulté à décider qu'elles opérent l'ouverture du fief avant l'échéance des cinq ans. Cependant, puifqu'il est certain, comme nous l'avons prouvé ailleurs, & comme Pocquet luimême femble l'admettre dans cet endroit, que le condamné est pendant le cours de ces cinq ans dans un état de mort civile, & que cette mort civile produit tous les effets qui font attachés à cet état, pourquoi ne produiroit-elle pas auffi l'ouverture du fief; fauf à prendre, dans ce cas, les précautions qui affurent la reftitution dans les autres, lorfque le contumax s'eft purgé &

a été abfous.

Pour ce qui eft de l'homme vivant & mourant, il nous paroît que, pour prendre un parti certain, il fuffit de fçavoir ce qu'on entend par ces termes. Les communautés, qui font ce qu'on appelle gens de main-morte, au moïen de la fubrogation perpétuelle de perfonnes en perfonnes, ne s'éteignent jamais; & par les loix du roïaume, les biens qu'elles poffédent une fois ne fortent point de leurs mains. Ainfi, quand une communauté acquiert un fief, le feigneur dont il releve perd toute espérance de recueillir jamais les quints & requints, & autres droits feigneuriaux dûs pour raifon des ventes & autres mutations volontaires. Il perd l'efpérancé du retrait féodal, de la commife, &c. C'eft pour le dédommager de ces pertes que les gens de mainmorte lui doivent le droit d'indemnité. Mais, comme il perd en outre les droits, tant utiles qu'honorifiques, qui lui reviennent à chaque mutation arrivant par la mort du vaffal, les gens de main-morte font tenus de lui préfenter un homme qui lui tient lieu de vaffal, & qui fert de règle & de mefure à la vie naturelle de l'homme que le feigneur doit toujours avoir.

Cet homme eft le feul vaffal que le feigneur connoiffe ; & quand il meurt, la communauté eft obligée d'en présenter un autre, par lequel les droits de relief, de foi & hommage, &c.

font dûs. Voilà ce qu'on appelle l'homme vivant & mourant. Par ce moïen, non-feulement le feigneur fe trouve païé de fes droits; mais il empêche que les gens de main-morte ne puiffent fouftraire leur héritage de la dépendance de fa feigneurie, en foutenant, après une longue poffeffion, qu'ils le tiennent en francalleu.

Cela pofé, on demande fi la mort civile de l'homme vivant & mourant donne ouverture au fief, & met le feigneur en droit d'exiger les mêmes droits qui lui appartiendroient fi cet homme vivant & mourant étoit décédé ? La raifon de douter eft que le seigneur, à proprement parler, ne connoît d'autre vaffal que cet homme vivant & mourant. Quoiqu'il ne foit pas le véritable propriétaire du fief, il n'y en a cependant point d'autre relati vement au feigneur, du moins en ce qui concerne le fervice.

Malgré ces raifons, tous nos auteurs décident unanimement que la mort civile de l'homme vivant & mourant ne donne point ouverture au fief : elle n'arrive que par fa mort naturelle. Dumoulin, dans fon commentaire fur la coutume de Paris art. 51, n. 63, le décide formellement; & la raison qu'il en apporte eft que cette mort civile ne profiteroit pas au feigneur de fief à qui feul l'homme vivant & mourant eft donné. Elle ne profiteroit qu'au feigneur haut-jufticier, auquel appartient la confifcation: mais il a été dédommagé de la perte de la confifcation, qu'il ne peut plus efpérer, par le droit d'indemnité qui lui a été païé lors de l'acquifition du fief, faite par les gens de mainmorte. C'est auffi le fentiment de Bacquet, en fon traité du droit de nouveaux acquêts, chap. 36, où il rapporte plufieurs arrêts qui l'ont ainfi jugé.

décide

Dupleffis, en fon traité des fiefs, liv. 4, chap. 4, précisément la même chofe, foit que la mort civile de l'homme vivant & mourant arrive par condamnation, foit qu'elle arrive par la profeffion en religion; & il attefte que c'eft la jurifprudence des arrêts.

En effet, c'eft fa vie naturelle qui a été donnée pour la mefure du tems pendant lequel le feigneur ne peut exiger aucuns droits de mutation. D'ailleurs on ne peut pas dire que fa mort civile opére aucun changement dans la poffeffion, puifqu'il ne pofféde point le fief dont il eft homme vivant &

mourant.

Brodeau fur Louet, lett. C, fomm. 26, rapporte un arrêt du 6 Février 1642, qui l'a jugé, & qui fixe à cet égard la juris

prudence du parlement de Paris. Cet arrêt eft auffi rapporté dans le premier volume du journal des audiences, liv. 3, par Bardet, to. 2, liv. 9. chap. 20.

I

&

Il y a cependant des coutumes, comme celles de Montargis, chap. 1, art. 88, & d'Orleans, art. 42, qui veulent que quand l'homme vivant & mourant fait profeffion en religion, il n'y ait point ouverture au fief, tant qu'il n'y a point changement de feigneur mais s'il y a mutation de feigneur avant la mort naturelle de l'homme vivant & mourant devenu religieux, le nouveau feigneur peut forcer les gens de main-morte à lui en fournir un autre dans les quarante jours; faute de quoi, il peut mettre le fief dans fa main : mais ces coutumes font restraintes dans leur territoire, & ne peuvent s'étendre à celles qui n'ont point de difpofition pareille; quand même elles garderoient le filence fur cette matiére.

D'autres, comme celles de Montfort l'Amaury, article 47; Laon, art. 209, Bar, art. 10, Peronne, art. 76, Bretagne art. 368, & Normandie, art. 140, obligent les gens de mainmorte de donner au feigneur, homme vivant mourant & confifquant; c'est-à-dire, dont la mort naturelle donne ouverture au fief, & la mort civile à la confifcation. Il y a des auteurs, & de ce nombre eft Ferriére, en fon commentaire fur la coutume de Paris, au . 5. des préliminaires fur le titre des fiefs, qui foutiennent que, nonobftant la difpofition expreffe de ces coutumes, le fief n'eft jamais fujet à la confifcation par le fait de l'homme vivant & mourant: mais nous fommes perfuadés que ces auteurs font dans l'erreur; & quoique ces coutumes foient en ce point exorbitantes du droit commun, elles doivent être obfervées dans leur district. Nous en avons pour garant Bafnage, fur la coutume de Normandie, art. 140, qui dit que toutes les raifons que l'on peut alléguer pour prouver que la mort civile de l'homme vivant & mourant ne peut donner ouverture au fief, ni en opérer la confifcarion, ne font pas bonnes dans fa province, où les gens de main-morte ne font pas tenus de bailler feulement homme vivant & mourant, mais auffi confifquant; en forte que, quand la mort civile emporte la confiscation, elle a néceffairement le même effet que la naturelle.

Au refte, il faut obferver que dans ces provinces, l'homme vivant & mourant fe donne au feigneur féodal par rapport aux droits féodaux; & l'homme confifquant fe donne au hautjufticier, auquel feul appartient la confifcation; fi ce n'eft en

Normandie

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