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On peut de-là donner facilement la folution de la difficulté que quelques auteurs tirent de la loi 43, ff. de donat. inter vir. & uxor. quoique Cujas n'en parle pas. Inter virum & uxorem, exilii causă, donatio fieri poteft. Suivant cette loi, la donation entre mari & femme a lieu, même en cas d'exil. Le véritable exil, fuivant la définition des loix, eft la déportation. Mais cela ne prouve pas la jufteffe de cette opinion; parceque cette loi décide, qu'en Je faifant une donation, on peut prévoir le cas d'exil ou de mort civile: mais elle ne dit pas que la condition qui dépend de la mort naturelle foit cenfèe être arrivée lorsque la mort civile la précede.

D'autres concluent que la mort civile doit opérer la même chofe dans l'efpéce propofée, que la mort naturelle; ce qu'ils fondent fur la décifion de la loi 15, ff. quando dies legat. cedat. Elle eft conçue en ces termes : Si ita effet liberis fideicommiffum relictum, si morte patris fui juris effent effecti, nec mortalitate patris, fed emancipatione patres familiarum conftituti fint, deberi eis fideicommiffum nemo dubitaverit, diemque ejus emancipatione ceffiffe, qui morte patris cederet.

Quoique dans cette loi la condition propofée ne dépende que de la mort naturelle, cependant on regarde la condition comme arrivée fi le fils eft émancipé. Par conféquent la condition arriveroit auffi par la mort civile du pere. D'où il réfulte que quand on prévoit la mort naturelle dans un acte, la mort civile y eft auffi sous-entendue.

Cujas réfute ce raisonnement, en difant que la conféquence n'eft pas jufte; parceque, fi la condition dans l'efpéce propofée eft cenfée arriver par la mort civile du pere, ce n'eft pas que le cas prévû de la mort naturelle renferme celui de la mort civile qui a été prévû : mais c'est parceque la condition tombe plutôt fur le changement d'état du fils, qui, de fils de famille, devient pere de famille, de quelque manière que cela arrive; de forte que, quoiqu'on n'ait prévû précisément que la mort du pere, cependant la loi décide que la condition eft arrivée fi le fils eft émancipé. Sed cum dixit, fi morte patris fui juris fiat, pro eo babetur, ac fi dixiffet, fi fui juris fiat. Nec enim tam videtur follicitus effe de modo, quàm de fine. Il est vrai qu'il y a plufieurs loix qui comparent la déportation à la mort naturelle. L. 1, §. ult. de bon. poff. contrà tab. L. 4, §. penult. de bon. lib. Sed ex eo non efficitur cafum mortis expreffum in lege, vel contractu, vel teftamento, fortè deduci ad cafum deportationis; parceque la loi civile a défini le cas où les

déportés feroient cenfés morts; & cette difpofition doit être appliquée dans ces cas-là: mais quand on n'a prévû que la mort naturelle, la mort civile n'y eft point comprise; car la mort civile n'ôte point la vie naturelle, & le mort civilement refte encore capable, même pendant qu'il eft mort civilement, des actes & contrats du droit des gens. Cujas, ad legem 121 §. in infulâ, ff, de verbor. obligat.

Tous nos auteurs penfent auffi que le mot mort, dans un contrat, s'entend toujours de la mort naturelle feulement, & jamais de la mort civile. On peut voir Dumoulin fur la régle de infirmis refignantibus, n. 30 & 351. Le Grand, fur l'art. 193 de la coutume de Troye, glof. uniq. n. 30. Louet & Brodeau lettre C, fomm. 26. Bouguier, lettre M, 4, où il rapporte un arrêt du 8 Juillet 1603, qui l'a ainfi jugé.

Cela pofé, nous allons examiner d'abord quelle étoit la jurifprudence des Romains fur la matiére qui fait l'objet de cette fection, & enfuite quelle eft notre jurisprudence; ce qui nous fournira matiére à deux Distinctions.

DISTINCTION I

De l'usage des Romains fur l'ouverture des reprises & des gains de furvie.

Lorfque l'un des deux conjoints mouroit civilement, celui qui confervoit fon état pouvoit exercer contre le fifc tous les droits qu'il avoit à prétendre ; & cette action appartenoit tant au mari qu'à la femme. Omnis omninò maritus falvas actiones contrà fifcum habet. L. 4, ff. de bon. damnat. Si marito, publico judicio damnato, pars aliqua bonorum ejus publicetur, fifcus creditoribus ejus fatisfacere neceffe habet, inter quos uxor quoque eft. L. 31, ff. folut.

matrimon.

Après avoir établi cette régle générale, nous allons entrer dans le détail des droits que pouvoit exercer chaque conjoint au tems de la mort civile de l'autre. Pour le faire avec ordre nous allons examiner féparément le cas de la mort civile de la femme, & celui de la mort civile du mari.

§. I.

Quelles étoient les loix Romaines au fujet des reprises & des gains nuptiaux, dans le cas où la femme encouroit la mort civile.

Lorfque c'étoit la femme qui étoit condamnée, on distinguoit les biens qui lui appartenoient, comme les paraphernaux, d'avec fa dot. On ne trouve aucune loi concernant les premiers: ainfi il y a tout lieu de penfer qu'ils étoient foumis aux mêmes régles que les biens de tous les autres citoïens: mais par rapport à la dot, elle n'étoit confifquée que dans les cas précisément exprimés par la loi, qui fe réduifoient à cinq; fçavoir la loi Julia majeftatis, la loi Julia vis publica, la loi Pompeia de parricidiis, la loi Cornelia de veneficiis, & la loi Cornelia de ficariis. Quinque legibus damnata mulieris dos publicatur; majeftatis, vis publica, parricidii, veneficii, de ficariis. L. 3, ff. de bon. damnat. Dans ces cinq cas, le fifc gagnoit la dot, & n'étoit obligé que de tenir compte au mari des impenfes utiles & néceffaires qu'il pouvoit avoir faites pour conferver & augmenter les biens détaux. Et c'est ici précisément qu'il faut appliquer la loi ci-deffus citée : Omnis omninò maritus falvas actiones contrà fifcum habet.

Si le crime pour lequel la femme étoit condamnée n'étoit point dans l'un des cinq cas dont nous venons de parler, dans l'ancien droit on diftinguoit fi la peine emportoit maximam capitis diminu tionem, ou feulement mediam.

Si la peine emportoit maximam capitis diminutionem, comme la condamnation aux métaux, la femme perdoit fa liberté & devenoit efclave de la peine, & le mari gagnoit la dot. Sed fi aliâ lege capitis punita fit, qua lex dotem non publicat, quia priùs ferva pœna efficitur, verum eft dotem mariti lucro cedere, quafi mortua fit.

Si la peine n'emportoit que mediam capitis diminutionem, comme le mariage fubfiftoit toujours, il femble que le mari confervoit la dot, pour fournir à fa femme les alimens & l'entretien néceffaires. Cependant, quoique la peine ne rompît pas le mariage de plein droit, il paroît que les Romains en faifoient dépendre la diffolution, dans ce cas, des fentimens réciproques des conjoints. Matrimonium quidem deportatione, vel aquæ & ignis interdictione non folvitur, fi cafus in quem maritus incidit non mutet uxoris affectionem. L. 1, cod. de repud. De forte que fi la femme vouloit la diffo lution du mariage, on diftinguoit feulement fi elle étoit fous la

puiffance de fon pere; & alors le pere pouvoit répéter la dor contre le mari. Si au contraire elle n'étoit point fous la puiffance de fon pere, elle n'avoit point dans l'ancien droit d'action pour répéter fa dot: mais on là lui donna dans la fuitė par faveur & par humanité. Quòd fi deportata fit filiafamilias, Marcellus ait, qua fententia & vera eft, non utique deportatione diffolvi matrimonium. Nam cum libera mulier remaneat nihil prohibet & virum mariti affectionem, & mulierem uxoris animum retinere. Si igitur eo animo mulier fuerit, ut difcedere à marito velit, ait Marcellus, tunc patrem de dote acturum. Sed fi materfamilias fit, & interim, conftante matrimonio, fuerit deportata, dotem penè maritum remanere. Pofteà verò, dif. foluto matrimonio, poffe eam agere, quafi humanitatis intuitu bodiè natá actione. L. 5, §. 1, ff. de bon. damnat.

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Il faut observer que nous n'avons fait mention des diftinctions que nous venons d'établir, foit par rapport à la nature des peines, foit par rapport à la diffolution du mariage, que pour obferver les gradations de la jurisprudence des Romains, & pour ne pas nous écarter du texte des loix: mais ces diftinctions ont été abolies par les novelles de Juftinien, qui ont fupprimé l'esclavage attaché à la peine des métaux, & qui ont ôté en même tems la diffolution du mariage, laquelle étoit une suite de cet esclavage.

§. II.

Quelles étoient les loix Romaines au fujet des reprises & des gains nuptiaux, dans le cas où le mari encouroit la mort civile.

Le fecond cas, qui eft celui de la mort civile du mari, n'opé roit point la perte des droits de la femme. Elle pouvoit répéter tous fes biens, avec fa dor & les avantages que fon mari lui avoit faits. Cette régle fouffroit cependant quelques exceptions. Voici les textes des loix qui font le fiége de la matiére. Si quis pofthac ftylum, quod abfit, profcriptionis exceperit, uxor ejus res proprias, ex quocumque titulo fibi quafitas, veluti manu injectâ mox vindicet, aut certè quoquo modo occupatas ftatim recipiat. Dos etiam, non quæ aliquoties inaniter dotalium inftrumentorum tenore confcribitur, fed quam fe corporaliter tradidiffe docuerit, reprefentetur. Ea etiam qua ab innoxio adbuc marito, antè nuptias, titulo donationis acceperit, vel, durante matrimonio, largitione viri ad eam antè profcriptionem pervenerint, apud eam firmiter permaneant. L. 9, cod. de bon. profcript. Cette loi donne à la femme le pouvoir de prendre tous fes

biens, de quelque façon qu'elle les ait acquis. Elle y joint la dot, & même la donation anténuptiale.

Par rapport à cette derniere partie, il pourroit y avoir quel que difficulté ; parceque la donation anténuptiale étoit une donation à cause de mort, qui ne pouvoit avoir lieu que dans le cas où le donataire furvivoit au donateur. Ainfi il y a toute apparence que cette loi entend parler des femmes de ceux qui avoient fubi la peine de mort, ou qui, aïant pris la fuite après avoir été profcrits, étoient regardés dans l'état comme morts naturellement.

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Cette difficulté & la folution que nous en donnons ne font point des conjectures hazardées. Nous croïons qu'on les trouvera fondées, fi on lit la loi 24, cod. de donat. inter vir. & uxor. dont voici les termes: Res uxoris qua fucceffione quâlibet, vel emptione vel etiam largitione viri in eam antè reatum jure pervenerant, damnato ac mortuo ex pœnâ marito, vel in fervilem conditionem pana qualitate, deducto, illibatas effe præcipio, nec alieni criminis infortunio adftringi uxorem : cùm paternis, maternifve, ac propriis bonis frui eam integro legum ftatuto religiofum fit. Et donatio maritalis, antè tempus criminis ac reatûs collata in uxorem, quia pudicitia pramio ceffit, ob fervanda fit, tanquam fi maritum ejus natura, non pæna fubduxerit. Sin autem aquâ & igni ei interdiétum erit, vel deportatio illata, non samen mors ex pœnd fubfecuta, donationes à viro in uxorem collata adbuc in pendenti maneant: quia nec matrimonium in hujufmodi cafibus diffolvitur; ita ut, fi ufque ad vita fua tempus maritus eas non revocárit, ex morte ejus confirmentur ; fifco noftro ad eafdem res nullam in pofterum communionem babituro.

Cette loi, comme on voit, établit une différence générale entre ceux qui ont été condamnés à mort, ou à une peine emportant maximam capitis diminutionem, & ceux qui font feulement déportés. Elle décide que la mort ou la fervitude du mari ne doivent point influer fur la femme innocente; & qu'alors, le mariage étant diffous, elle peut fe faire rendre tous les biens qu'elle avoit apportés, & exiger les avantages auxquels fon mari s'étoit engagé vis-à-vis d'elle, même les donations anténuptia les; parceque dans ce cas, ou le mari eft mort effectivement, ou, s'il ne l'eft pas fuivant la nature, il l'eft par rapport à l'état, & par rapport à fa femme. Mais quand il n'eft que déporté comme il conferve fa liberté, & que le mariage fubfifte toujours, on ne peut pas dire que l'événement duquel dépendoit l'effet de la donation foit arrivé. Auffi cette loi veut, dans ce cas, que l'on

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