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ni jugement. Enfin, c'est une régle générale, adoptée par nos meilleurs auteurs, que la mort civile n'a lieu qu'au moment de la condamnation. Voiez M le Preftre, cent. 1. chap. 84. le Brun, en fon traité des Succeffions. De la Combe, traité des Matiéres Criminelles, part. 1. chap. 1. n. 24.

Cette régle eft auffi autorifée par la jurisprudence des arrêts. Le Brun, en fon traité des Succeffions, liv. 1. chap. 2. fect. 3. en rapporte un, d'après Servin, du 24 Mars 1603. par lequel il a été jugé qu'un homme accufé d'incefte avoit recueilli la fucceffion de fon frere, laquelle étoit échuë dans le tems intermédiaire au crime commis & à la condamnation à mort naturelle qui fut prononcée dans la fuite. Cet auteur ajoute, qu'il ne feroit pas néceffaire, pour que cela eût lieu, que l'accufé fe fût mis en poffeffion avant fa condamnation ; & que, quand il ne fe feroit point immifcé avant le jugement, il n'en auroit pas moins été faifi.

On pourroit peut-être prétendre que ce principe eft détruit par la difpofition de l'article 11. du titre 1o. de l'ordonnance de 1670. qui porte que le decret d'ajournement perfonnel ou de prife de corps emporte de droit interdiction: mais on doit bien prendre garde que le mot interdiction, dans cet endroit, ne doit pas s'appliquer à l'adminiftration des biens de celui contre lequel le decret a été prononcé. Il s'agit uniquement des fonctions de judicature dont l'exercice eft interdit à ceux qui font revêtus des offices de juftice, quand ils font décrétés, foit d'ajournement perfonnel, foit de prife de corps.

Cette interprétation se tire naturellement de l'article précédent du même titre, qui eft conçu en ces termes : L'ordonnance d'assigné pour être oui, contre un juge ou officier de juftice, n'emportera point d'interdiction. Il est bien clair que cette interdiction ne peut être relative qu'aux fonctions du juge, ou de l'officier de juftice. L'article fuivant, dont il s'agit ici, continue en ces termes: Le decret d'ajournement perfonnel, ou de prife de corps, emportera de droit interdiction. Il eft certain que l'interdiction dont il eft parlé dans ce dernier article, eft la même que celle dont il a été fait mention dans le précédent.

Cette explication est si naturelle, qu'il femble qu'elle ne demande aucune preuve. On obfervera cependant encore qu'elle eft fondée fur le procès-verbal des conférences tenuës, par ordre du Roi, pour l'examen des articles de l'ordonnance de 1670. On voit que l'article 10. du titre 10. fuivant l'ordre dans lequel cette

ordonnance

ordonnance avoit été rédigée avant les conférences, portoit que l'ordonnance d'affigné pour être oui, ou le decret d'ajournement perfonnel contre un juge, ou officier de juftice n'emporteroit point d'interdiction, fi elle n'y étoit nommément exprimée. Surquoi M. Talon, avocat général, remarqua que, quoique l'on ait douté fi un ajournement perfonnel décerné contre un officier emportoit interdiction des fonctions de fa charge, & qu'il y ait eu fur cela diverfité d'opinions, il fembloit néanmoins que le meilleur parti qu'on pût prendre, étoit celui de la sévérité, & qu'il y avoit quelqu'indécence qu'un officier prévenu de crime continuât de rendre la juftice aux fujets du Roi avant que d'avoir justifié fon innocence. Cette réflexion, jointe à quelques autres, que ce magiftrat ajouta, occafionnerent le changement de cet article, tel qu'il eft aujourd'hui dans l'ordonnance. Ce qui démontre fans replique, qu'il n'eft queftion que de l'interdiction des fonctions de la judicature. L'officier n'eft pas même obligé de fe défaire de fon office.

Cet article de l'ordonnance n'a donc aucun rapport aux capacités qui compofent la vie civile. Enfin, on voit tous les jours que, quand l'officier a obéi au decret & répondu aux charges & informations, il reprend l'exercice de fes fonctions.

C'est donc un principe conftant, qu'un accufé jouït de la vie civile tant qu'il n'a point été condamné. Cependant cette régle ne doit pas être prife dans toute fon étendue. Si elle étoit fans reftriction, les conféquences qui en résultent naturellement pourroient être dans certains cas fort dangereufes. Ainfi, pour bien connoître les capacités d'un coupable, il eft néceffaire de le fuivre dans les différentes circonftances dans lefquelles il peut fe trouver depuis le crime commis jufqu'à l'exécution du jugement. Pour bien connoître fon état dans toutes ces différentes circonstances, il paroît néceffaire d'examiner d'abord s'il y a des crimes qui faffent perdre la vie civile ipfo facto, & fi les condamnations emportant mort civile ont un effet rétroactif au jour du crime commis, ou au jour de l'accufation. Ces deux questions étant difcutées, il fera facile de connoître fi le coupable peut, avant fa condamnation, adminiftrer fon bien & recevoir les revenus, s'il eft capable d'aliéner, s'il peut enfin réfigner fon bénéfice ou fon office.

G

DISTINCTION I.

S'il y a des crimes qui fassent perdre la vie civile ipfo facto.

Il eft certain, en France, qu'il y a des délits, dont on dit que la peine eft encourue par le feul fait.

Dans les délits ordinaires, la mort civile du coupablen'a lieu, comme on vient de le faire voir, que du jour de fa condamnation mais il y a des crimes dont l'énormité a fait introduire une exception à cette régle. De ce nombre font, par exemple, le crime de leze-majefté divine ou humaine, le duel, le parri cide, &c. Mais cependant il ne faut pas fe perfuader que le coupable foit mort civilement, parcequ'il a commis le crime : il ne l'eft que quand il a été déclaré convaincu, &, comme tel, condamné à une peine qui emporte mort civile.

La différence qui fe trouve entre ces délits & les délits ordinaires, c'eft que quand la condamnation eft prononcée pour raifon des crimes dont il eft ici queftion, fon effet remonte au jour du délit ; & de ce jour le coupable eft réputé mort civilement. De même la mort du coupable, avant fa condamnation, ou pendant l'appel d'une fentence qui l'avoit condamné, n'éteint point fon délit. Ici le crime furvit au criminel, & l'on peut faire des pourfuites contre le cadavre, ou la mémoire d'un homme prévenu d'un de ces crimes. Si le crime fe trouve prouvé, l'effet de la condamnation qu'on prononce, remonte au jour où il a été commis mais toujours faut-il une condamnation; & c'eft par cette raifon que l'ordonnance de 1670. contient un titre exprès fur la maniére de faire le procès au cadavre, ou à la mémoire d'un défunt. C'est le titre 22.

:

En un mot, on ne connoît point parmi nous les peines encourues fans condamnation. Il faut avoir recours aux voïes juridiques, pour conftater le crime, le rendre vraiement notoire, & le punir, fur-tout quand il eft queftion d'une peine auffi grave que celles qui emportent mort civile. S'il en étoit autrement, la notoriété publique fuffiroit donc pour enlever à un homme son état: mais on fçait trop combien cette notoriété eft un témoignage fufpect & équivoque. D'ailleurs, comment conftater cette notoriété ? Il faudroit donc, dans les cas où il s'éleveroit des conteftations fur les fuites d'une mort civile ainfi encouruë, faire passer le public en témoignage, afin de s'affurer s'il eft vraiement notoire que l'accufé foit coupable. Il n'y auroit certainement pas

d'autre moïen. Il faudroit donc faire un procès en forme : & cela ne reviendroit-il pas au même ?

En un mot, ce n'eft point au public que l'inftruction des crimes eft confiée. Nos loix veulent que pour la faire, on ait le caractére de juge, & qu'on procéde avec toute l'exactitude poffible; qu'il y ait un accufateur; que l'on informe par audition de témoins à charge & décharge; que celui qui eft prévenu d'un délit, ou le curateur à fa mémoire, fi c'est à un mort qu'on fait le procès, foient interrogés & entendus dans leurs défenfes comme dans leurs aveux; que les témoins foient récolés dans leurs dépofitions & confrontés à l'accufé, ou à celui qui en tient la place; enfin que l'on fuive toutes les régles qui s'obfervent dans l'exercice de la juftice, pour prononcer des jugemens qui puissent fixer celui du public, & qui ne le laiffent pas douter de l'existence d'un crime dont il verroit la punition.

La France, qui s'éleve avec tant de force & de juftice contre les cenfures & les excommunications ipfo facto de la cour de Rome, n'a garde de lui donner elle-même l'exemple de peines infligées & fubies fans jugement ni inftruction, De-là cette maxime établie par Loyfeau, traité des offices, liv. 1. chap. 13. nomb. 5. En France, nul n'eft infâme ipfo jure mais c'est une règle générale que tout ce qui avoit lieu ipfo facto, vel ipfo jure, au droit Romain, réquiert à nous fentence déclaratoire.

:

Il n'y a perfonne qui n'ait entendu parler dans fa vie de quelques duels. Néanmoins jamais perfonne n'a foutenu que le duelfifte fût mort civilement du jour de fon duel, quelque notoire que fût le crime, lorfqu'il n'avoit été ni condamné, ni poursuivi.

De toutes ces réflexions, il réfulte que nul délit ne produit la mort civile, s'il n'a été fuivi d'une condamnation à quelque peine qui prive de la vie civile; & que, quand on dit qu'il y a des crimes dont la peine eft encourue par le feul fait, cela ne fignifie autre chofe, finon que la condamnation qui fuit ces crimes a un effet rétroactif jufqu'au jour qu'ils ont été commis; enforte que celui contre qui elle eft prononcée eft censé être mort civi lement dès l'inftant même qu'il s'eft rendu coupable.

Cependant on a fort agité la question de fçavoir fi la retraite en païs étranger n'opére pas la mort civile ipfo facto, fans même qu'il foit befoin de condamnation? Comme cette matiére nous paroît fort importante, nous croïons devoir la traiter ici avec une certaine étenduë.

Pour procéder avec ordre dans l'examen de cette question

nous examinerons trois cas. Le premier, fi c'eft un crime de quitter fa patrie pour s'aller établir dans un païs foumis à une domination étrangère, quel eft l'effet de cette tranfmigration, & fi, en fuppofant qu'elle pût être regardée comme un crime, elle pourroit opérer la mort civile, fans autre formalité.

Le fecond, fi la fuite en païs étranger fait mourir civilement ipfo facto ceux qui prennent ce parti pour être en état de profeffer librement la religion prétendue réformée. Cette question nous conduira naturellement à examiner quelles font les facultés dont les étrangers jouiffent en France, & s'ils y font morts civilement ?

Le troifiéme, fi, quand on s'eft retiré chez les infidéles, l'abdication de la religion chrétienne est une cause de mort civile encouruë ipfo facto?

Ces questions fourniront la matiére de cinq paragraphes.

§. I.

De la retraite en païs étranger, pour y prendre un établissement. . Pour nous décider avec certitude fur cet objet, nous examinerons ce que nous dictent à cet égard la raifon & le droit naturel. Nous pafferons à l'examen des loix Romaines ; & enfin nous difcuterons les ufages & les loix de la France.

Grotius, dans fon traité du droit de la guerre & de la paix Puffendorf, du droit de la nature & des gens, Barbeyrac, fur ces deux auteurs, font fans contredit les meilleurs guides qu'on puiffe prendre dans cette matiére. C'eft chez eux que nous puiferons tout ce que nous dirons à cet égard touchant la raison & le droit naturel.

En examinant la queftion dans la thèse générale, ces auteurs nous difent que tout homme libre, en entrant dans une fociété civile, s'eft tacitement réservé la permiffion d'en fortir quand il lui plairoit; & qu'il n'a point prétendu s'affujettir à demeurer toute fa vie dans un certain païs : mais plutôt fe regarder comme un citoïen du monde.

En effet, ajoutent-ils, on ne renonce pas entiérement à foimême & au foin de fes propres affaires, pour cela feul qu'on entre dans un état. Au contraire, on cherche par-là une protection puiffante, à l'abri de laquelle on puiffe vivre & travailler en fureté à fe procurer les néceffités & les commodités de la

vie.

S'il arrive donc que quelque particulier ne s'accommode pas

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