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mais il doit prendre fur les revenus qui lui font affignés, fimplement ce qui lui eft néceffaire pour mener la même vie, que s'il étoit dans le monaftere auquel le furplus appartient. Les canoniftes soutiennent même que les fupérieurs font obligés dans ces cas, de prendre toutes les mefures poffibles, pour que l'adminiftration de ces revenus ne foit point entre les mains du religieux particulier, qui eft chargé des fonctions auxquelles ils font attachés. S'il eft poffible, ces revenus doivent être adminiftrés comme les autres biens du monaftere, d'où l'on doit envoïer à ces religieux tout ce qui leur eft néceffaire, parcequ'il eft effentiel pour l'accompliffement du vœu de pauvreté, que toutes les néceffités corporelles de celui qui l'a prononcé, dépendent de la volonté d'autrui.

Quelque contraires que les pécules foient à la profeffion & à la vie monaftique, l'ufage femble les autorifer; fi l'on peut dire qu'un abus auffi contraire à l'Evangile & aux canons puiffe jamais être autorifé. Nous allons donc examiner quelle eft la jurifprudence fur cette matiere.

DIVISION II.

De la jurisprudence du Roïaume touchant le pécule des religieux.

C'est une régle conftante parmi nous, que les parens du reli gieux ne fuccédent point à fon pécule. Nous en avons dit la raison plus haut. Tout ce qu'il a acquis, à quelque titre que ce foit, depuis fa profeffion, retourne à l'abbé, ou au monaftere. C'est la difpofition du canon Statutum 18, quaft. 1. C'eft auffi le fentiment de Panorme fur ce canon. Il y décide que le moine ne peut acquérir qu'au profit du monaftere; parcequ'il ne tient plus à perfonne, & ne vit que pour le monaftere.

Il est néceffaire d'obferver que par pécule nous n'entendons parler que des effets laiffés par un religieux bénéficier après sa mort. A l'égard des meubles, livres, ou autres effets que fe font procurés ceux qui ont toujours vécu en communauté, foit par leur travail, foit par le canal de leurs parens ou amis, ils ne font point regardés comme pécule; mais comme faisant partie des effets appartenans à la communauté.

Par cette raifon les religieux Bénédictins de la congrégation de S. Maur, de S. Vanne & de Cluni réformé n'en poffédent aucun ; parceque tous les offices clauftraux ont été fupprimés en leur fa

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veur, & réunis aux manses conventuelles, afin de favorifer la réforme.

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Le pécule fubfifte encore dans le grand ordre de faint Benoît, & dans la congrégation de Cluni parmi les non réformés, & même dans l'ancien ordre de faint Auguftin; parceque les titulaires des offices clauftraux perçoivent les revenus de leurs offices, & en jouïffent.

Le pécule du religieux abbé appartient fans contredit à la communauté dont il eft abbé, par droit d'accroissement, à cause de la propriété, qui eft folidaire entre l'abbé & les religieux. Du Perray, dans fon traité du partage des fruits, rapporte un arrêt du 11 Février 1706, qui l'a ainsi jugé.

A l'égard du pécule des religieux qui ne font point abbés, il n'y a jamais eu de doute qu'il n'appartînt à l'abbé, quand il est régulier. Il ne jouït des revenus de l'abbaïe qu'en qualité d'administrateur; & son administration s'étend fur tous les biens, tant meubles qu'immeubles, qui appartiennent & qui échéent au couvent, à quelque titre que ce foit.

Mais il y a eu fouvent de grands procès entre les religieux & les abbés commendataires, pour fçavoir à qui doit appartenir le pécule. Suivant les anciens arrêts, tant du parlement, que du grand-confeil, les abbés commendataires ont toujours été déboutés de leur demande. On en trouve un au journal des audiences du 4 Août 1654, rendu au parlement de Paris. On en trouve deux dans la Bibliothéque canonique, tome 1, page 12, rendus au grand-confeil, les 1 Février 1582 & 3 Octobre 1583. Chopin, de Polit. facr. lib. 2, tit. 8, n. 13,& lib. 3, tit. 1, n. 15, en rapporte deux du parlement, des 23 Mars 1526 & 27 Avril 1553. Mais on jugeoit autrement quand l'abbé étoit cardinal. On lui adjugeoit alors le pécule. Chopin, Ibid. en rapporte un arrêt du grand-confeil, du 2 Décembre 1546.

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Brodeau fur Louet attefte que cette queftion a été diversement jugée. Ce qui fait la difficulté, fuivant cet auteur, c'eft qu'en France, les commendes font perpétuelles & vrais titres, & les commendataires, pour ce qui concerne le revenu temporel, ne différent en rien des vrais titulaires : mais, d'un autre côté, le monaftere ne fuccéde point aux abbés commendataires : ce font leurs parens. Ainfi il ne paroît pas raifonnable qu'ils fuccédent au pécule des religieux, lequel doit plutôt demeurer au monastere d'où il tire fa fource, & des revenus duquel il a été formé. Cer auteur attefte enfuite que les derniers arrêts ont adjugé le pécule

aux abbés commendataires, foit cardinaux, foit autres indiftinctement. L'auteur des loix eccléfiaftiques, partie 3, chapitre 12, article 1, maxime 35 aux remarques, attefte auffi que la derniere jurifprudence eft en faveur des abbés commendataires ; parceque l'administration de tout le temporel des abbaïes leur appartient, comme aux abbés réguliers. La portion qu'ils abandonnent aux religieux n'eft regardée que comme un revenu qui leur tient lieu de penfion alimentaire. Dans les obfervations de M. du Perrai, fur les loix eccléfiaftiques, imprimées à la tête de la derniere édition de cet ouvrage, l'obfervateur dit qu'il faut voir les partages faits entre les abbés, prieurs & leurs communautés; pour voir fi le droit de fuccéder au pécule eft dans le partage de l'abbé, ou de la communauté; ou s'il eft en commun.

M. de Héricourt répond à cette obfervation, que quand il y a des traités entre l'abbé & la communauté au fujet du pécule des religieux, il faut fuivre ces traités : mais que, quand il n'y a point de convention particuliere, on adjuge le pécule à l'abbé.

Il y a des communautés de chanoines réguliers qui ont des prébendes dans certains chapitres, qu'ils font obligés de faire def fervir par un de leurs religieux. Le pécule de ce religieux appartient au monaftere d'où il a été tiré; parceque la prébende fait partie de la dot & de la fubfiftance du monaftere, auquel tout ce qu'elle produit doit appartenir. Du Perray, traité du partage des fruits, en rapporte un arrêt du 30 Août 1714.

Il y a plus de difficulté à l'égard de la cotte-morte (ce qui eft la même chofe que le pécule) des religieux-curés. La jurifprudence eft même différente dans les différens tribunaux. La contestation roule principalement entre les fabriques des paroisses & les monafteres.

Nous avons vu dans la fection I. de ce chapitre, comment les cures réguliéres fe font formées. Il eft certain que dans les commencemens ceux qui les deffervoient rapportoient au couvent le produit de leur défferte, un certain nombre de fois par an, déduction faite de leur nourriture & vêtement. On voit dans les ftatuts de la congrégation de fainte Genevieve & des autres ordres, que les curés ne pouvoient disposer de rien, même à titre d'aumône.

On ne connoît pas précisément l'époque du changement de cette difcipline: mais il eft certain que depuis ce tems, les revenus des cures ont été diftingués de celui du couvent, & que les curés ont jouï de leur pécule à part avec affez de liberté.

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Chopin, après avoir rapporté différens arrêts, qui ont décidé la queftion, tous en faveur du couvent, dit que la feule difficulté qui pourroit fe rencontrer feroit entre le couvent où le bénéficier auroit fait profeffion, & celui duquel dépendroit le bénéfice.

Mais, fans nous arrêter à l'autorité de cet auteur, nous allons paffer à un arrêt célébre du 4 Décembre 1710 rendu fur les conclufions de M. Joly de Fleury, lors avocat général, aujourd'hui ex-procureur général, entre les habitans & marguilliers de la paroiffe faint Leger, diocèfe d'Amiens, & l'abbaïe de S. Pierre de Selincourt, ordre des Prémontrés. Augeard rapporte cet arrêt & le plaidoier de M. l'avocat général. Nous allons faire le précis de ce plaidoïer.

Dans l'efpéce, frere Firmin Caron, religieux de l'ordre de Prémontré, & pourvû de la cure de faint Leger dépendante de l'abbaïe de Selincourt, laiffa en mourant des effets montans à la fomme de cinq mille livres. Il y eut une conteftation au fujet de la cotte-morte entre la fabrique & les religieux. L'affaire fur portée en premiere inftance aux requêtes du palais. La fentence qui intervint adjugea la fucceffion aux religieux, à la charge de païer mille livres par forme d'aumône aux pauvres de la paroiffe. y eut appel refpectif de cette fentence.

M. l'avocat général fe propofa de prouver que le pécule du religieux-curé devoit appartenir à fon églife, & non à fon couvent. Il remonta d'abord aux fiécles les plus reculés, où, dit-il, on trouve des preuves que les églifes fuccédoient aux biens des eccléfiaftiques provenans du revenu de ces bénéfices; & qu'ils ne pouvoient difpofer de ces biens par teftament. On trouve làdeffus des conftitutions canoniques dans le concile de Rome tenu en 324, dans celui d'Agde tenu en 506, & une infinité d'autres décifions précises, qui tendent à réunir à l'église ou au diocèfe les dépouilles des eccléfiaftiques. Il dit que les loix civiles & les loix eccléfiaftiques concoururent à établir une distinction dans les fucceffions des eccléfiaftiques, fur le principe que chaque bien doit retourner à la fource d'où il eft provenu.

Cette diftinction eft établie par un concile de Paris tenu dans le neuviéme fiécle, qui adjugea les biens patrimoniaux aux héritiers, & ordonna que ceux dont l'églife devoit hériter feroient partagés entre l'évêque, le clergé, les pauvres & la fabrique. Cette même diftinction avoit été faite par la novelle de Juftinien, dont on a tiré l'autentique Licentiam, cod. de Epifc. & Cleric. Enfin elle fe trouve dans les capitulaires de Charlemagne.

Ces difpofitions devinrent inutiles par la fuite. Le zéle indifcret des eccléfiaftiques les porta à dépouiller leurs familles de leurs biens, pour les donner aux églifes, qui, par-là, devinrent prodigieufement riches. Pour arrêter cet abus, on ordonna que les parens fuccéderoient à tous les eccléfiaftiques: mais ces changemens n'eurent lieu que pour les féculiers. A l'égard des réguliers, l'incapacité de pofféder & de difpofer, dans laquelle ils fe trouvent, fit accorder leur pécule au monaftere, suivant le principe: Quidquid monachus acquirit, acquirit monafterio.

Voilà quelle fut la régle pour les bénéfices en général : mais il y avoit plufieurs exceptions; & entr'autres celle d'un pécule provenu du produit d'une cure réguliere. La diftinction du patrimoine & du pécule provenu de la cure n'avoit aucune application à ce cas. On ne pouvoit pas préfumer que le religieuxcuré eût pû fe procurer d'autre revenu, ni d'autres fonds, que ceux de fa cure. Ainfi les parens ne pouvoient rien prétendre. D'un autre côté, étant forti de fa maifon de profeffion, il ne pouvoit plus acquérir pour elle. Ainfi, à moins qu'on ne juftifiât qu'il avoit acquis un pécule avant que d'entrer dans fa cure, il est certain que la maison de profeffion n'y pouvoit rien prétendre, & qu'il étoit toujours adjugé à la paroiffe.

Pour faire voir que de tout tems on a penfé que les fabriques avoient droit au pécule du religieux-curé, M. l'avocat général remonta encore aux plus anciens ufages. Dans le tems, dit-il, que les curés des paroiffes affectées aux monafteres rendoient compte à leurs fupérieurs du temporel de leur églife, il en étoit de la dépouille de ceux qui deffervoient ces cures, comme de la fucceffion des autres curés; c'eft-à-dire qu'elle fe partageoit. Le monaftere profitoit de la moitié attribuée au clergé & à l'évêque, & l'autre moitié étoit réfervée aux pauvres & à la fabrique. Depuis ce tems, les curés ont été difpenfés de rendre compte aux évêques : cependant les monafteres ont continué de prendre la moitié de la dépouille du curé régulier; mais il falloit toujours, fuivant l'ancien usage, fondé fur les canons, en donner un quart aux pauvres, & un autre quart à la fabrique. Cela étoit encore, dit-il, obfervé dans le fiécle dernier : mais les monasteres aïant été obligés de mettre des curés en titre, qui ne font plus foumis à rendre compte, & la manfe de la cure étant devenue différente de celle du monaftere, toutes ces diftinctions font devenues inutiles. La réunion du pécule du religieux-curé ne fe fait plus au monaftere, mais à l'églife paroiffiale feule.

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