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effets dans les païs étrangers. L'édit lui-même annonce affez qu'un grand nombre de François avoient déja quitté le roïaume, pour paffer dans d'autres états qu'ils avoient enrichis de leurs biens & de leurs talens. Or, quel pouvoit être le motif d'une défertion fi générale, fi ce n'étoit la religion? Quand on avoit des talens pouvoit-on craindre que Louis XIV. le protecteur & le pere des fciences & des beaux-arts, forçât ceux qui les poffédoient de les aller mettre en ufage chez les étrangers? On fçait trop avec quelle libéralité, avec quelle grandeur il récompenfoit les perfonnes útiles ; & combien il a même attiré d'étrangers dans fes états, par le bon accueil qu'il faifoit aux perfonnes diftinguées dans quelqu'art que ce fût, & par les bienfaits dont il les combloit.

2o. On eft tellement accoutumé à regarder cet édit comme une loi qui n'a été faite que pour ceux qui cherchoient ailleurs la faculté de profeffer librement la religion proteftante, qu'on le trouve dans tous les recueils des édits & réglemens concernant la religion prétendue réformée. Et l'on peut dire que le légiflateur lui-même a donné lieu à cette interprétation, qui fe tire naturellement des loix émanées de lui dans la fuite fur le même fujet. La déclaration du 18 Mai 1682. fi l'on n'en regarde que le difpofitif, eft encore générale pour les fujets du Roi, fans diftinction de religion. Elle fait défenfes à tous gens de mer & de métier domiciliés dans le roïaume d'en fortir avec leurs familles pour aller s'établir dans les païs étrangers, à peine des galéres à perpétuité contre les chefs defdites familles & d'amende arbitraire, qui ne pourra toutes-fois être moindre de trois mille livres contre ceux qui feront convaincus d'avoir contribué à leur fortie par perfuafion ou autrement, & de punition corporelle en cas de récidive.

On ne fçauroit difconvenir que, fi l'on ne veut confidérer que ce difpofitifen lui-même, il paroît général pour tous les fujets du Roi: mais fi l'on jette les yeux fur le préambule, dans lequel on doit toujours chercher l'efprit d'une loi, on reconnoîtra aisément que cet édit n'a d'autre objet que les proteftans, dont on voïoit tous les jours des effeins fortir du roïaume. Le Roi, dans ce préambule, fe félicite fur la bénédiction que Dieu à donnée à fon zèle pour la Religion Catholique, Apoftolique & Romaine, fur le nombre des converfions qui fe font tous les jours, & fur les foins qu'il a pris pour ramener fes fujets de l'erreur. Cependant, continue le légiflateur, il a été informé qu'il y en a qui s'opiniâtrent dans leur aveuglement, & qui, en communiquant aux autres plus dociles qu'eux leur malignité contagieufe, empê

chent qu'ils n'ouvrent les yeux & ne fe rendent aux vérités qui leur font annoncées ; & même que, par un efprit de cabale, ils leur infpirent de fe retirer, avec leurs familles, du roïaume, par des réfolutions contraires à leur falut, à leurs propres intérêts, & à la fidélité qu'ils doivent au Roi. Tels font les motifs de cette loi. Elle n'eft donc faite, quoiqu'elle paroiffe générale dans fon difpofitif, que pour les proteftans. Il faut donc dire la même chose de l'édit de 1669. rendu dans les mêmes circonftances.

Dans une autre déclaration du 14 Juillet de la même année, où le Roi réitére les défenfes portées par l'édit de 1669. il dit qu'il a été inftruit que plufieurs chefs de famille de la religion prétenduë réformée vendent leurs biens pour fe retirer dans les païs étrangers; & pour empêcher, dit-il, les réfolutions que nos fujets de la religion prétendue réformée pourroient prendre de fe retirer dans les païs étrangers, nous avons déclaré nuls tous les contrats & autres difpofitions qu'ils pourroient faire de leurs immeubles un an avant leur retraite hors de notre roïaume. Voulons qu'en cas de retraite des vendeurs, lefdits biens immeubles foient fujets à la confifcation portée par l'édit de 1669.

A l'égard des édits poftérieurs à la révocation de celui de Nantes, il y en a un très-grand nombre qui tous redoublent les précautions pour empêcher l'évafion des proteftans & le tranfport de leurs effets hors du roïaume. Les réglemens les plus févéres fur tous les ports de France, des charges de gardes établies le long des côtes, l'application des effets faifis lors des captures au profit des gardes, les recherches des effets autorifées par-tout les dénonciateurs intéreffés par la plus grande partie de la confifcation qui leur eft adjugée, les complices de l'évafion enveloppés dans la même peine que les fugitifs; tout cela fut étendu aux nouveaux convertis : mais toujours borné à eux & aux proteftans; &, comme ce font des loix pénales, les inductions, les conjectures, les argumens de fimilitude ne peuvent rien pour étendre ces loix aux cas qu'elles n'ont point expreffément dénommés.

C'eft une maxime connuë de tout le monde & que nous ne croïons pas devoir nous arrêter à prouver, que les les loix pénales ne s'étendent point d'un cas à un autre. Elles ne peuvent être appliquées qu'aux crimes qu'elles ont nommément & expreffément prévus & dénommés, fans qu'on puiffe être autorité à les appliquer à d'autres, fous prétexte de fimilitude, ni même de l'argument à fortiori. Ainfi on ne pourroit pas appliquer les peines que ces édits & déclarations prononcent contre les religionaires,

réfugiés à tout autre qui fe retire en païs étranger; quand il auroit pour objet, dans fa retraite, de fe livrer aux erreurs de Mahomet ou à l'idolatrie. Ces cas ne font point prévus par nos loix; ainfi elles ne peuvent y être appliquées fous quelque prétexte que ce foit.

Voïons néanmoins ce que contient l'édit de 1669. & fi, aux termes de ce réglement, ceux contre qui il eft prononcé, en fuppofant même qu'il enveloppe tous ceux qui paffent en païs étranger pour quelque motif que ce puiffe être, peuvent être regardés comme morts civilement, fans avoir été ni poursuivis ni condamnés.

Il se présente d'abord, fur cet édit, deux obfervations importantes.

La premiére eft qu'il ne prononce pas la peine de mort civile, & que les termes de mort civile ne s'y trouvent même pas.

La feconde, qu'il n'y a, dans cet édit, aucune disposition qui porte que les peines qu'il prononce feront encouruës par le feul fait.

L'édit défend les établissemens fans retour en païs étranger, à peine de confifcation de corps & de biens, & d'être les contrevenans, cenfes & réputés étrangers, fans qu'ils puiffent être ci-après rétablis ni réhabilités, ni leurs enfans naturalifes pour quelque caufe que ce foit.

La confifcation de corps & de biens prononcée par cet édit étoit la peine de mort naturelle & la confifcation de biens qui en est la fuite. C'est ce qu'explique bien clairement une déclaration du 31 Mai 1685. qui voulant, dit-elle, commuer la peine de mort établie par édit en une moins févére, ordonne que les François qui feront pris fur les vaisseaux étrangers, ou autres, & CONVAINCUS de s'être établis, fans permiffion, en païs étrangers, foient conftitués prifonniers dans les prifons ordinaires des lieux A LA REQUESTE DU Procureur DU ROI aux fiéges de l'amirauté, & CONDAMNÉS aux galéres perpétuelles, & ENSUITE MIS ET ATTACHÉS A LA

CHAISNE.

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Il eft eft vifible que ce n'auroit point été commuer la peine en une moins févére, fi l'édit de 1669. n'avoit prononcé que celle de mort civile, que de la commuer en celle des galéres perpétuelles, qui emportent la mort civile. C'eût été, pour adoucir la peine, commuer celle de mort civile fimplement en mort civile & galéres perpétuelles; ce qui feroit abfurde. La peine de mort que cette déclaration dit avoir été établie par l'édit de 1669. étoit donc celle de mort naturelle, & cet édit ne pronon

çoit pas la peine de mort contre les fugitifs, autrement que les ordonnances ne la prononcent contre les homicides & les voleurs de grand chemin ; c'est-à-dire, pour avoir lieu après leur condamnation.

Auroit-on donc pû en vertu de l'édit de 1669. & avant la déclaration de 1685. envoier à l'échaffaut ou à potence un fugitif arrêté fur les frontiéres, ou pris fur quelque vaiffeau, fans lui avoir auparavant fait fon procès & fans l'avoir judiciairement convaincu de fa fuite? Et qui auroit eu ce monstrueux pouvoir? Les miniftres de la juftice? Mais ils ne peuvent prononcer aucun jugement fans avoir mûrement examiné les motifs fur lefquels il eft fondé: autrement ils auroient un pouvoir arbitraire & defpotique fur les fujets du Roi, duquel feul ils tiennent leur autorité, & qui ne leur a confié que l'exercice de la juftice qu'il doit à fes fujets ; & non une puiffance tirannique qu'il n'exerce pas lui-même. En un mot, un tel réglement feroit contraire à l'effence, à la fageffe & à la douceur du gouvernement auquel les François font foumis depuis l'établissement de la monarchie. Seroit-ce les particuliers qui auroient ce pouvoir? Tout le monde fent combien il feroit abfurde & dangereux que chaque citoïen pût décider de la vie de fes concitoïens, & quel bouleverfement cela cauferoit dans l'état. Qui a pû encore depuis la déclaration du 3 Mai 1685. attacher ou faire attacher un fugitif à la chaîne fans forme de procès ? Rien de plus contraire aux termes de cette déclaration, qui veut que le fugitif foit constitué prifonnier à la requête du procureur du Roi, qu'il foit condamné aux galéres perpétuelles, & qu'il ne foit attaché à la chaîne qu'enfuite de cette condamnation.

A l'égard de l'autre difpofition de l'édit de 1669. que les fugitifs feront réputés étrangers, &c. On concevroit plus facilement que cela pût avoir lieu fans jugement, par l'effet de l'abdication: mais nous avons fait voir que la qualité d'étranger n'a rien de commun avec l'état de mort civile; & de plus, les édits poftérieurs ont révoqué cette feconde difpofition; au moins en ce qu'elle fermoit tout retour à la qualité de citoïen.

Mais, en comparant ces deux difpofitions, il y a tout lieu de penfer qu'elles ont pour objet des perfonnes différentes. La premiére prononce la peine de mort naturelle, & la feconde, celle d'être réputé étranger. Comment appliquer à la même perfonne ces deux peines à la fois? Comment réputer étranger un homme mort? Si l'on y réfléchit, tout conduit à penfer que la feconde

de ces deux difpofitions eft comme le fupplément de la premiére; & qu'elle n'eft faite que pour avoir lieu au défaut d'exécution de celle qui la précéde. Expliquons-nous. La peine de mort ne pouvoit être fubie fans pourfuite & fans condamnation; & il étoit fort poffible qu'un grand nombre de fugitifs, que l'édit avoit en vûë, trouvât le moïen d'éviter cette condamnation en dérobant aux magistrats la connoiffance de fa fuite. L'édit a voulu que ceux qui auroient échapé à la vigilance des magistrats fuffent du moins réputés étrangers.

Voilà, ce semble, le commentaire le plus naturel & le plus raifonnable des deux difpofitions de l'édit de 1669. Mais, quelque plausible que foit cette interprétation, on ne la donne point comme certaine. Il fuffit que la peine prononcée par la premiére difpofition n'ait pu avoir lieu fans jugement, & que la qualité d'étranger, à laquelle la feconde difpofition réduit le fugitif, ne le mette point dans un état de mort civile. La propofition que nous foutenons ici réunit en fa faveur affez d'argumens invincibles pour qu'on n'ait pas befoin de l'appuier par befoin de l'appuïer par des conjectures; & c'est plutôt pour éclaircir une difficulté, que pour foutenir un point démontré en mille autres maniéres, qu'on à cru devoir faire cette obfervation.

Au refte, s'il pouvoit refter quelques nuages fur la véritable condition des fugitifs jufqu'à leur condamnation, ces nuages feroient diffipés par la déclaration du 13 Septembre 1699.

Le législateur, après avoir annoncé dans le préambule qu'aux termes de l'édit de 1669. & des fuivans, il falloit faire le procès aux fugitifs, & les condamner aux peines portées par les édits, ajoute qu'on a mal-à-propos douté fi l'on devoit faire le procès à ceux qui étoient déja fortis, & qu'il croit devoir expliquer de nouveau fa volonté pour ôter tout fujet de doute. Voici les termes du difpofitif de cette déclaration. Il n'eft pas inutile de prévenir par occafion, qu'on y va voir l'édit de 1669. confondu avec les autres réglemens particuliers aux proteftans & aux nouveaux convertis.

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>> Voulons & nous plaît que nos édits & déclarations des mois » d'Août 1669. 18 Mai & 14 Juillet 1682. Octobre 1685. 7 Mai 686. Ở 11 Février dernier foient exécutées felon leur forme & te» neur, & en conféquence, que le procès foit fait & parfait, par nos » baillifs, fénéchaux, ou leurs lieutenans-criminels aux nobles; >> & par nos juges ordinaires à nos fujets non privilégiés, encore » engagés dans la religion prétendue réformée, ou réunis à l'é

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