An. gr. mife du Prince Sancoun la permiffion de 1180. revenir à la Cour du Grand Can. Il n'y Heg. 76. An. gr. Heg. fut pas plûtôt arrivé qu'il s'attacha à gagner l'amitié de tous ceux que les exploits de Temugin avoient rendu jaloux, & qui avoient déja par de fourdes pratiques effayé de diminuer fon credit. Mais il s'ap pliqua fur tout à plaire au Prince Sancoun, qui étoit encore jeune. Il entra facilement dans fa confidence, & il lui fit un portrait fi noir de Temugin, qu'il le lui rendit. odieux. Il n'en demeura pas-là : Il groffit La cabale, redoubla fes intrigues, fit répandre plufieurs calomnies contre le Prince Mogol, fes anis les appuyerent, & l'on ne manqua pas de gens qui eurent l'adreffe d'infpirer au jeune Sancoun les fentimens qu'on lui vouloit donner. Ils lui firent accroire que Temugin étoit un ambitieux, qui n'avoit point d'autre but de lui ôter la Couronne des Keraïtes. Que pour y réüffir, il avoit menagé une fecrete intelligence avec Tayancan Roy des, Naïmans, dont il avoit épousé la fille autrefois, & qui étoit actuellement ennemi du Roy fon pere, & qu'il comptoit fur ce Cam, dont le fecours lui étoit affuré. que Ces difcours firent fur le jeune Prinee des Keraïtes toute l'impreffion que Gemouca fouhaitoit qu'ils fiffent. Te mugin ne passa plus dans fon efprit que An. gr. pour un traître. Il avertit par plufieurs 118 6. Lettres le Grand Can fon pere de la Heg. prétendue intelligence dont on lui avoit 582 parlé, & n'oublia rien pour lui rendre le Prince Mogol fufpect. Le Roy méprifa d'abord les avis de Sancoun. İl les regarda comme des difcours infpirés par Gemouca, & fans y faire aucune attention, il continua d'aimer Temugin, & il l'employa même depuis dans plufieurs occafions où il eut befoin de fa valeur & de fa capacité. Mais enfin Sancoun & Gemouca, l'un agiffant par crainte & l'autre par averfion, redoublerent leurs efforts & fe donnerent tant de peine, qu'ils ébranlerent l'efprit du Roy. Comme les troupes que commandoit le Prince Keraïte, & celles qui reconnoiffoient les ordres de Temugin étoient dans une même Province, les moindres mouvemens des troupes Mogoles paffoient dans l'efprit de Sancoun pour des attentats. Ce jeune Prince vivoit dans une inquiétude & une défiance continuelle. Il envoyoit à tous momensdes Courriers à fon pere chargez de lettres, par lefquelles il ne ceffoit de lui rendre fufpect le Prince Mogol. Ounghcan ne put tenir contre toutes les inftan An. gr. 1 192. Heg. 588. ces de fon fils, qui le conjuroit de s'affu rer de la perfonne de Temugin. Veritablement ce ne fut pas fans violence qu'il prit cette réfolution; car outre qu'il aiAbulcair. moit la Princeffe fa fille, a le fouvenir des fervices qu'il avoit reçus de ce Prin ce, faifoient dans fon ame une puiffante diverfion. Cependant fon amour pour fon fils l'emporta ; & de peur qu'un jour Temugin ne lui ravît la Couronne comme on le lui faifoit appréhender, il fe détermina à faire arrêter fon gendre. a La Princeffe difoit à fon pere en pleurant : mon mari eft innocent, ne croiez pas fes envieux. An. gr. 1193. CHAPITRE III Retraite de Temugin de la Cour d'Oungh can. Son premier combat contre les troupes de fon beau pere. Les Mogols refu fent de payer tribut à Ounghcan. Temugin eft déclaré General de l'armée Mogole. ORS que les ennemis de Temugin L furent allures que le Roy des Keraïtes vouloit fe faifir de la perfonne de ce Mirconde Prince, ils en eurent beaucoup de joye. Heg. $89. a Mais comme il arrive dans le cours des An. gr.. chofes du monde, que les évenemens ne 1193. répondent pas toujours à nos deffeins, & Heg. qu'ils confondent fouvent nôtre politi- $89. que, l'affaire du Prince Mogol tourna d'une autre maniere qu'Ounghcan & Gemouca ne l'efperoient. Bata & Kischelix deux Efclaves du Roy; b quelques Auteurs ont écrit qu'ils Marra appartenoient à une vieille Dame du Pa- kefchy lais, entendirent d'un endroit où ils étoient cachez, une partie du complot, & fur tout la réfolution qu'on avoit prife d'arrêter Temugin. Ils fe rendirent en diligence dans la Horde où ce Prince campoit alors avec fes troupes, & où on l'avoit envoyé, fous prétexte que fa préfence y étoit neceffaire; mais en effet pour l'éloigner de la garde du Roy, dont tous les Soldats adoroient le Prince Mogol, tant à caufe de fes belles actions, que des prefens qu'il leur faifoit souvent. c Ces Abulfar deux Efclaves l'avertirent donc de pren- rage. dre garde à lui, on dit même qu'ils lui a Geoghizcan refta plus de dix-huit ans au fervice d'Ounghcan. b Ounghcan fe fâchant contre deux jeunes hommes; ils fe réfugierent vers Genghizcan qui les reçut bien & les écouta. Ils lui dirent même le tems où l'on devoit venir l'accabler. An. gr. 1193. Heg. $89. marquerent le jour auquel on devoit l'at taquer. Quoique Temugin eut de la peine à croire les Efclaves, il ne laiffa pas de les remercier & de leur promettre que dans toutes les occafions qui fe préfenteroient de les obliger, il reconnoîtroit l'affection qu'ils lui témoignoient. Il confulta même Carafchar & fes plus fideles amis, & il fut réfolu entre-eux qu'ils ne hazarderoient rien; mais qu'ils fe mettroient en embuscade, & que fi l'on venoit les attaquer, ils se défendroient vaillamment. Comme c'étoit fous fa tente, fuivant le rapport des Efclaves, que le Prince Mogol devoit être arrêté,il ordonna qu'on en retirât tout ce qu'il y avoit de meilleur, qu'on laifsât fes pavillons tendus, qu'on en fit fortir la famille avec tous les Officiers de fa maison, & que l'on fît du feu toute la nuit. Enfuite il marcha,fuivi de ce qu'il avoit de gens de guer re, pour aller occuper un défilé. Ses Officiers n'eurent pas plûtôt exécuté fes ordres, que les troupes d'Ounghcan qui avoient marché toute la nuit, arriverent. Elles étoient plus nombreuses que celles de Temugin, & Sancoun & Gemouca étoient à leur tête. Les Prin ces coururent à bride abattuë contre les pavillons |