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deffus. L'armée des Mogols voulut être An gr. témoin de cette operation. Les Magi- I 20 2. Heg⚫ ciens lûrent leur Livre, les deux baguettes furent bien-tôt en mouvement; elles s'approchent, fe touchent, combattent, & enfin celle d'Ounghcan demeura deffous. Ce prodige anima tellement les Mogols & leur Chef, qu'ils marcherent avec confiance contre l'armée ennemie.

Mais les Keraïtes qui n'avoient pas moins d'envie qu'eux de combattre, leur épargnerent la moitié du chemin. Let Grand Can qui les commandoit en perfonne & le Prince fon fils, fembloient leur promettre une victoire affurée. Les deux armées se trouvant en présence dans la plaine, elles prirent leur avantage le mieux qu'il leur fut poffible, & furent rangées en bataille felon l'habileté de leurs Chefs. Un Auteur Perfan voulant expri- Mirconde mer le grand nombre des combattans qui compofoient les deux armées, fe fert d'une hyperbole orientale. I dit que le henniffement des chevaux, & les cris des gens de guerre obligeoient le Ciel à fe boucher les oreilles ; & que l'air par le grand nombre de fléches qu'on tira d'a bord de part & d'autre, fembloit être un champ de Cannes & de Rofeaux.

Temugin avant l'action harangua en

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core une fois les Mogols. Il leur parla du bonheur de la liberté & du malheur de l'esclavage. Il leur représenta qu'ils devoient dans cette grande journée être les artifans de leur bonne ou de leur mauvaife fortune. Que le Grand Can les faifoit paffer pour des Rebelles, mais qu'il fa loit par une victoire éclatante prouver à tout le monde l'injuftice de leur ennemi, qui ufurpoit depuis long-tems fur eux & fur leurs Princes legitimes une autorité à laquelle il étoit honteux de demeurer foumis.

Ounghcan ne manqua pas d'exhorter auffi les fiens à bien combattre, en leur remontrant que les. Ennemis n'étoient pas à beaucoup prés en fi grand nombre qu'eux, ni fi confommez dans l'Art militaire. Ces Rebelles, difoient-ils, pren dront bien-tôt la fuite devant vous. Ce ne font pas des Soldats courageux & difcipli nez comme vous. Ce Prince fembloit avoir oublié que Temugin & la plupart de ceux dont il parloit, n'ignoroient pas l'Art de Il auroit fait à fes troupes un guerre. plus long-difcours, fi les Mogols lui en euffent donné le tems. Mais le Prince Carafchar Nevian qui commandoit l'avant-garde de l'armée Mogole, attaqua brafquement la fienne, que commandoit

la

Gemouca. Le combat fur rude, la haine An. gr. perfonnelle qui regnoit entre ces deux 1 2 0.24 Officiers le rendit opiniâtre & fanglant, Heg.

& Carafchar fut culbuté.

Alors Suida Behadeur à la tête des vieilles troupes de Temugin,jointes à celles de Soumogol, chargea fi vigoureusement le corps de bataille que commandoit Ounghcan, qu'il le fit reculer, & Gemouca s'étant avancé pour le foutenir aprés la défaite de Carafchar, fut obligé de plier. En même tems les deux aîles Mogoles, l'une conduite par Hubbé Nevian, & l'autre par Yrca Nevian attaquerent cel les des Ennemis. On ne fçauroit affés loüer l'ardeur que les combattans firent paroître pendant trois heures de part & d'autre. Les Keraïtes fe battoient avec tant de courage, que la victoire fembla fouvent vouloir fe déclarer pour eux. Elle demeura pourtant du côté des Mo gols, car Temugin, lorfqu'il crut devoir faire agir fon corps de réferve où il étoit. avec les Princes fes enfans, donna avec tant de farie, qu'il renverfa tout ce qui voulut lui réfifter. Cet avantage irrita l'ardeur des Mogols, & rallentit celle des Keraïtes, qui commencerent bientôt à reculer & à fe débander de tous cô tez. Leur Roy & le Prince fon fils aprés

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avoir fait d'inutiles efforts pour les rallier, furent obligés de prendre la fuite avec eux. On les pourfuivit vivement, & l'on en fit un fi grand carnage, que toute la campagne fut jonchée de corps morts. Cette victoire enrichit les Mogols, qui pillerent les bagages, & trouverent en cette occafion de quoi fatisfaire leur avidité. Ils firent auffi beaucoup de prifonniers, & prirent un trés-grand nombre de chevaux.

Enfin cette journée qui fut fi fatale au Grand Can, décida du fort de Temugin alors âgé de quarante-huit ans. Elle le mit en poffeffion des païs des Keraïtes, & de ceux de Caracatay; & le Roy vaincu perdit non feulement quarante mille hommes, il eut encore le chagrin d'ap prendre que ce qui lui reftoit de bonnes troupes s'étoit rangé du côté de fes EnMircon- nemis. Les Hiftoriens qui rapportent qu'Ounghcan fut tué dans la bataille, ont été mal informez. Il eft vray qu'il fut blessé dans l'action, que fa bleffure l'obligea fur la fin d'abandonner le Commandement de l'armée, & que d'abord il voulut fe retirer vers Caracorom; mais le voyant Fouiny pourfuivi par une troupe de Mogols, il fe dans Fe-fauva chez Tayancan fon ennemi, dont il bankufcha, implora le fecours. Sa retraite fit beaule

de,

que de plu

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coup de bruit. On s'étonna qu'il eût An. gr. osé mandier un afile à la Cour d'un Can 120 24 dont il étoit haï, auffi-bien fieurs grands Seigneurs Naïmans qu'il avoit maltraitez. Ils ne manquerent pas de repréfenter à, leur Prince tout le mal que ce Roy fugitif avoit caufé à leur Nation; & qu'en fe réfugiant chez eux, c'étoit leur donner une nouvelle marque de la haine qu'il leur avoit toujours portée, puifqu'il ne pouvoit avoir un autre deffein que d'attirer fur les Naïmans la colere du Vainqueur, & de causer dans fa mauvaise fortune leur ruine, qu'il avoit inutilement tentée dans le cours de fes profpérités.

Tayancan qui n'étoit pas naturellement fort genereux, & qui avoit encore plus d'averfion pour le Grand Can, que ceux qui s'efforçoient de l'armer contre lui, écouta leurs difcours, & fuivit le confeil qu'ils lui donnerent tous de le faire mourir. Ainfi le Can des Naïmans au lieu de prêter du fecours au Roy vaincu, qu'il lui eût été plus glorieux & peut-être plus utile de fecourir que de perdre, le fit arrêter. Les principaux de la Cour réfolus entre-eux d'ôter la vie à ce Prince, tinrent un grand Confeil, auque! leur Maître affecta de ne fe pas trouver, si

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