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qui les caractérise, est la nature même de la pensée, ou l'assortiment des vers.

Le madrigal differe par le caractere de la pensée. L'Epigramme peut être douce, polie, mordante, maligne, etc. pourvu qu'elle soit vive, c'est assez. Le Madrigal au contraire a une pointe toujours douce, gracieuse, qui n'a de piquant que ce qu'il lui en faut pour n'être pas fade. En voici un qu'on cite ordinairement pour exemple, et qui peut servir de modele: il est de Pradon, de ce poëte si souvent opprimé des sifflets du parterre. C'est une réponse à quelqu'un, qui lui avoit écrit avec beaucoup d'esprit :

Vous n'écrivez que pour écrire :
C'est pour vous un amusement.
Moi, qui vous aime tendrement,
Je n'écris que pour vous le dire.

Il y a de l'esprit dans ce Madrigal, mais il n'y en a qu'autant qu'il en faut pour assaisonner le sentiment: le tour est délicat, il est simple, il est doux. C'est tout ce qu'on peut souhaiter dans un Madrigal bien fait.

Le sonnet est un poëme de quatorze vers, qui demande tant de qualités, qu'à peine entre mille, peut-on en trouver deux ou trois qu'on puisse louer. Despréaux dit que le Dieu des vers

Lui-même en mesura le nombre etl a cadence, Défendit qu'un vers foible y pût jamais entrer, Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer. Voilà pour la forme naturelle du Sonnet. Il y a outre cela sa forme artificielle qui consiste dans l'arrangement et la qualité des rimes : le même Despréaux l'a exprimée fort heureusement: Appollon Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille, La rime avec deux sons frappât huit fois l'oreille, Et qu'ensuite six vers artistement rangés Fussent en deux tercets par le sens partagés.

Le tercet commence par deux rimes semblables, et l'arrangement des quatre der niers vers est arbitraire.

Le sonnet de Des-Barreaux est si fameux qu'il doit naturellement être cité pour exemple :

1. Quatrain.

Grand Dieu, tes jugemens sont remplis d'équités
Toujours tu prends plaisir à nous être propice.
Mais j'ai tant fait de mal que jamais ta bonté
Ne me pardonnera qu'en blessant ta justice.
2. Quatrain.

Oui, Seigneur, la grandeur de mon impiété
Ne laisse à ton pouvoir que le choix du supplice;

Ton intérêt s'oppose à ma félicité,

Et ta clemence même attend que je périsse.

1. Tercet.

Contente ton désir, puisqu'il t'est glorieux

Offense-toi des pleurs qui coulent de mes yeux :

Tonne, frappe, il en est temps, rends-moi guerre pot

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J'adore en périssant la raison qui t'aigrit.

Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre, Qui ne soit tout couvert du sang de Jesus-Christ? Ce poëme est d'une très-grande beauté. On y voit une chaîne d'idées nobles exprimées sans affectation, sans contrainte,' et des rimes amenées de bonne grace.

C'est la naïveté qui fait le caractere du Rondeau, il admet les tours gaulois, qui semblent conserver encore cet air sans façon que nous supposons volontiers à nos peres, parce que nous nous croyons plus fins qu'eux.

Le Rondeau est composé de treize vers avec deux refrains. Les vers sont sur deux rimes, dont huit masculines et cinq féminines, ou sept masculines et six féminines. Le premier refrain est après le huitieme vers et le dernier après le treizieme. Outre cela il y a un repos nécessaire après le cinquieme vers. Voilà le technique, le mécanique du Rondeau. En voici un exemple, qui contient ces regles mêmes :

Ma foi c'est fait de moi; car Isabeau
M'a conjuré de lui faire un Rondeau s
Cela me met en une peine extrême,

Quoi, treize vers, huit en eau, cinq en eme,
Je lui ferois aussitôt un bâteau.

En voilà cinq pourtant en un monceau.
Faisons-en huit en invoquant Brodeau,
Et puis mettons par quelque stratageme,
Ma foi c'est fuit.

Si je pouvois encore de mon cerveau
Tirer cinq vers, l'ouvrage seroit-beau.
Mais cependant me voilà dans l'onzieme
Et si je crois que je fais le douzieme,
En voilà treize ajustés au niveau.
Mafoi c'est fait.

Le refrain doit être toujours lié avec la pensée qui précede, et en terminer le sens d'une maniere naturelle : et il plaît sur-tout, quand présentant les mêmes mots, il présente des idées un peu diffé rentes, comme dans celui-ci de Malleville.

Coiffé d'un froc bien raffiné,
Et revêtu d'un Doyenné
Qui lui rapporte de quoi frire,
Frere René devient Messire,
Et vit comme un déterminé.
Un prélat riche et fortuné,
Sous un bonnet enluminé,
En est, s'il le faut ainsi dire,
Coiffé.

Ce n'est pas que frere René

D'aucun mérite soit orné,

Qu'il soit docte, qu'il sache écrire;

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Ni qu'il dise le mot pour rire :
Mais c'est seulement qu'il est né

Coiffe.

Le Triolet est une espece de Rondeau, dont la beauté consiste dans le retour de · la même pensée pour faire partie d'une autre pensée.

Le premier jour du mois de Mai
Fut le plus heureux de ma vie.
Le bean dessein que je formai
Le premier jour du mois de Mai !
Je vous vis et je vous aimai;
Si ce dessein vous plut, Silvie ,
Le premier jour du mois de Mai
Fut le plus heureux de ma vie.

Ranchin.

Rien n'est si doux ni si naïf. Cependant les regles sont dures et austeres : c'estlà ce qui en fait le mérite.

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