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SUR LA

LITTÉRATURE

EN

FRANÇAISE.

THEATRE.

N traitant ce sujet, je suis loin de m'ériger en critique; je ne prétends que vous exposer la manière dont les pièces les plus remarquables du théâtre français m'ont frappé, soit en les lisant, soit en les voyant représenter car il y a des pièces qui produisent sur le théâtre un effet qu'elles perdent à la lecture, dont l'Inès de Castro de M. de La Motte est un exemple manifeste.

J'ai lu avec attention l'analyse des ouvrages dramatiques, faite par M. de La Harpe. J'en ai reçu du plaisir et de l'instruction; mais, malgré les talens de cet écrivain et sa profonde connoissance dans l'art du théâtre, il me semble qu'on peut lui reprocher d'accorder trop peu

de mérite à quelques auteurs, et de porter ses louanges trop loin à l'égard de quelques

autres.

CORNEILLE..

Pierre Corneille naquit à Rouen en 1606, et mourut à Paris, doyen de l'académie française, en octobre 1684. Comme c'étoit une règle, dans ce corps, que le directeur (*) faisoit les frais d'un service pour les membres qui mouroient sous son directorat, il s'éleva une contestation pour cet honneur entre Racine et l'abbé de Lavau (**); le dernier l'emporta; et Benserade disoit à cette occasion à Racine : « Si quelqu'un >> pouvoit prétendre à enterrer Corneille, c'étoit » vous, Monsieur, et vous ne le ferez pas. »

On dit que Corneille avoit l'air le plus commun, et que rien dans sa conversation n'annonçoit ni l'homme d'esprit, ni l'homme de génie. Il dit de lui-même:

(*) C'est le sort qui décidoit du choix du directeur de l'académie. Il devoit remplir cet office pendant trois mois, et répondoit aux discours de réception des nouveaux académiciens.

(**) J'étois encore directeur quand Corneille est mort, disoit l'abbé de Lavau; et moi, disoit Racine, j'ai été nommé directeur le jour même de sa mort.

En matière d'amour, je suis fort inégal;
J'en écris assez bien, je le parle assez mal.
J'ai la plume féconde, et la bouche stérile;
Bon galant au théâtre, et fort mauvais en ville :
L'on ne peut rarement m'écouter sans ennui,
Que quand je me produis par la bouche d'autrui.

Le parallèle de Corneille et de Racine, ne fut pas essayé moins souvent que celui des · anciens et des modernes.

« Je compare », dit Montesquieu, « Cor>> neille à Michel-Ange, et Racine à Raphaël. » La Motte juge leurs différentes qualités ainsi : L'un plus pur, l'autre plus sublime, Tous deux partagent notre estime Par un mérite différent :

Tour-à-tour ils nous font entendre,

Ce

que le cœur a de plus tendre,

Ce que l'esprit a de plus grand.

Ce que Racine eût été sans Corneille, est incertain; et ce que Corneille a été par luimême, n'est pas douteux.

<< Corneille est venu », dit M. de La Harpe, » quand il n'y avoit encore rien de bon : il a » donc un mérite qui lui est propre, celui de » s'être élevé sans modèle aux beautés supé»rieures. Racine ne s'est point formé sur lui, >> il est vrai; mais il a nécessairement profité

>> des lumières déjà répandues; il a trouvé l'art >> infiniment plus avancé ; il a pu s'instruire, » et par les succès de Corneille, et même par » ses fautes. A partir de ce point, il n'y a plus » de parité.... S'agit-il donc de décider qui >> des deux avoit plus de génie? Je crois que » personne ne peut le savoir, si ce n'est Dieu » même, qui leur en avoit donné beaucoup à >> tous deux.

» L'élévation et la force, paroissent appar» tenir naturellement au génie de Corneille.. >> Tout ce qui peut exalter l'ame, le sentiment » de l'honneur, dans le vieux don Diègue; >> celui du patriotisme, dans le vieil Horace; » la férocité romaine, dans son fils; l'enthou>> siasme de religion, dans Polyeucte; l'ambi» tion effrénée, dans Cléopâtre; la générosité, » dans Sévère et dans Auguste; l'honneur de » venger un époux tel que Pompée par des » moyens dignes de lui, dans le rôle de Cor>>nélie, tous ces différens caractères de gran» deur, il les a connus, il les a tracés....

>> Le style est dans Corneille aussi inégal que >> tout le reste. Il a donné le premier de la >> noblesse à notre versification; le premier, il » a élevé notre langue à la dignité de la tragédie; et dans ses beaux morceaux, il semble

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