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» à côté des génies inventeurs; enfin, c'est le »> naturel qui fait que les Lettres d'une mère » à sa fille, sont quelque chose, et que celles » de Balzac, de Voiture, et la déclamation et » l'affectation en tout genre, sont, comme dit » Sosie, rien ou peu de chose.

» Les Crispins de Regnard, les Paysans de » Dancourt, font rire au théâtre ; Du Fresny étin» celle d'esprit dans sa tournure originale; le » Joueur et le Légataire sont d'excellentes co» médies; le Glorieux, la Métromanie et le » Méchant, ont des beautés d'un autre ordre. » Mais rien de tout cela n'est Molière ; il a un >> trait de physionomie qu'on n'attrappe point: » on le retrouve jusque dans ses moindres far»ces, qui ont toujours un fond de vérité et de >> morale. Il plaît autant à la lecture qu'à la >> représentation; ce qui n'est arrivé qu'à Racine » et à lui et même, de toutes les comédies, >> celles de Molière sont à-peu-près les seules » que l'on aime à relire. Plus on connoît Mo» lière, plus on l'aime ; plus on étudie Molière, >> plus on l'admire. Après l'avoir blâmé sur >> quelques articles, on finit par être de son >> avis : c'est qu'alors on en sait davantage (*). »

:

(*) Cours de Littérature, par M. de La Harpe.

Il seroit inutile d'entrer dans un plus grand détail sur les différentes pièces de Molière : on sait les meilleures presque par cœur. Les plus remarquables sont les Précieuses ridicules, l'École des Femmes, le Misanthrope, Amphitryon, le Tartufe, l'Avare, les Femmes savantes, et le Malade imaginaire, dont l'objet principal est de critiquer la charlatanerie des médecins. Le Médecin malgré lui, Georges Dandin, le Bourgeois gentil-homme, et les Fourberies de Scapin, sont d'un genre bien inférieur, et semblent n'avoir été composées que pour faire rire le parterre. Quoiqu'il y ait des ridicules fort bien exposés, on n'y rencontre point cette fine critique qui distingue les autres pièces de Molière. Mais une preuve que le goût se raffine, quoique peut-être les mœurs se corrompent, c'est qu'on trouve des scènes et des expressions, dans les comédies de Molière, qui choquent tellement la délicatesse, qu'un auteur de nos jours ne penseroit pas assurément à les hasarder. Ce défaut dans lui vient de l'envie ou de la nécessité de plaire à la multitude, pour laquelle il faisoit des farces; car dans ses grandes pièces, dans ses chefsd'œuvre, on ne trouve rien qui puisse blesser la modestie et la décence.

De

De tous les vers qu'on a faits à la louange de Molière, je ne citerai que ceux du père Bouhours.

Ornement du théâtre, incomparable acteur,
Charmant poète, illustre auteur;
C'est toi dont les plaisanteries

Ont guéri des marquis l'esprit extravagant;
C'est toi qui, par tes momeries,
As réprimé l'orgueil du bourgeois arrogant.
Ta muse, en jouant l'hypocrite,
A redressé les faux dévots;
La précieuse, à tes bons mots,
A reconnu son faux mérite.
L'homme ennemi du genre humain,
Le campagnard qui tout admire,
N'ont pas lu tes écrits en vain :

Tous deux s'y sont instruits en ne pensant qu'à rire.
Enfin, tu réformas et la ville et la cour;

Mais quelle en fut la récompense?
Les Français rougiront un jour
De leur peu de reconnoissance.
Il leur fallut un comédien

Qui mît à les polir son art et son étude;

Mais, Molière, à ta gloire il ne manqueroit rien,
Si parmi leurs défauts que tu peignis si bien,
Tu les avois repris de leur ingratitude.

Il fut nommé par l'académie française pour occuper la première place qui viendroit à vaquer, ce que sa mort inopinée empêcha d'avoir

lieu. Cependant, lorsqu'en 1773 on célébra, sur le théâtre français, la centénaire de cet illustre écrivain, l'académie chargea d'Alembert de commander à Houdon le buste de Molière, qu'elle ne put placer qu'en 1778, dans la salle de ses séances, avec cette inscription faite par Saurin:

Rien ne manque à sa gloire, il manquoit à la nôtre.

REGNAR D.

Jean-François Regnard naquit à Paris, en

1647. Sa passion pour les voyages le porta à visiter une grande partie de l'Europe. Étant en Italie, il fit la connoissance à Bologne d'une dame provençale, qu'il nomme Elvire, et pour laquelle il conçut la passion la plus vive. Comme elle étoit sur le point de revenir en France, il s'embarqua avec elle à Gênes, sur un vaisseau que prirent les Algériens, et tout l'équipage fut conduit à Alger pour y être vendu. Il fut acheté par un nommé Achmet Talem. Il étoit très-bel homme; et Achmet l'ayant soupçonné d'intelligence avec une de ses favorites, le dénonça pour être puni selon la loi, qui condamne à la peine de mort tout chrétien qui a intimité avec une mahométane. Le consul de France le sauva, en offrant une forte rançon. Regnard

ayant reçu de sa famille des fonds assez considérables, il racheta la provençale, et revint avec elle à Paris. Là ils apprirent la nouvelle de la mort du mari de cette dame, nommé de Prade. Regnard lui proposa de l'épouser; elle y consentit. Mais tandis qu'ils se disposoient à s'unir, M. de Prade arriva. Regnard, au désespoir de ce nouveau coup du sort, prit la résolution de se dérober d'un lieu où il trouvoit à chaque instant quelque aliment pour ses chagrins. En 1681, il partit une seconde fois de Paris pour visiter la Flandre et la Hollande, d'où il passa en Danemarck et ensuite en Suède. Le roi de Suède lui ayant conseillé de voir la Laponie, il partit de Stockholm avec deux autres Français, nommés Fercourt et Corberon. Arrivés à Tornéo, ils remontèrent le fleuve ou lac de ce nom, jusqu'à une montagne nommée Métavara, du sommet de laquelle ils découvrirent la mer Glaciale. Là ils gravèrent sur le rocher l'inscription suivante:

Gallia nos genuit, vidit nos Africa, Gangem
Hausimus, Europamque oculis lustravimus omnem ;
Casibus et variis acti, terrâque, marique.
Hic tandem stetimus, nobis ubi defuit orbis.
De Fercourt, de Corberon, Regnard.
Anno 1681, die 22 augusti.

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