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ques des regles pour la traduction :" Notre Siecle a affez de goût pour les Ouvrages des Anciens; & c'eft rendre un grand fervice au Pu. · blic que de les traduire en notre Langue; il faut du courage pour ne fe pas rebuter d'une occupa tion fi penible & fi feche, où l'on eft obligé de renoncer à fes propres pensées, pour ne donner. que celles des autres. Je fai ce qu'il en coûte après avoir traduit & donné au Public plufieurs Ouvrages, & je puis dire comme cet Ancien; fic vos non vobis..

RE

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REFLEXIONS

SUR L'ELEGANCE

ET LA POLITESSE DU STILE.

'UNION des mots, fait la beauté de la phrafe, & l'élegance du difcours, qui confifte dans l'affemblage de certaines expreffions délicates, & choifies; pour faire fentir ce que l'on penfe. La différence qu'il y a entre ceux qui parlent bien & ceux qui parlent groffiérement, eft que les uns favent l'art de bien placer les termes dont ils fe fervent, & que les autres fe contentent de ce qui fe prefente d'abord, fans fe donner la peine de choifir. Les uns & les aatres employent les mêmes locutions puifqu'on n'invente pas des mots nouA

veaux

veaux, pour exprimer ce que l'on veut dire; mais l'adreffe avec laquelle on les met en œuvre, leur donne un air de nouveauté: c'eft ce qui pique le Lecteur, & ce qui caufe ce plaifir exquis que l'on fent en lifant un Livre bien écrit, ou en entendant les perfonnes qui parlent jufte & poliment. Les exemples que je vas citer feront comprendre ma pensée.

Nous trouvons de l'efprit aux gens quand ils prennent le foin de déterrer nos bonnes qualitez, quand ils ont l'adreffe d'excufer nos défauts,& de nous les montrer fous de certains jours qui nous les rendent imperceptibles. Ceseroit parler fimplement que de dire, nous trouvons de l'efprit aux gens qui tâchent de connoître nos bonnes qualitez, qui excufent nos défauts, qui les diminuent en forte que nous avons de la peine à nous en appercevoir; mais il est bien plus élegant de dire, & de nous les montrer fons de certains jours qui nous les rendent imperceptibles.

N'efperez pas qu'il vous ménage dans cette affaire, ni qu'il garde des mefures; ce n'eft point un homme qui ait des égards fi délicats, pour dire, ce n'est point un homme qui prenne tant de précautions pour plaire, qui fe

Son

foucie qu'on fait content de fes procedez, c'est un homme qui ne fonge qu'à lui & à fes interêts. Ce qui rend cette expref. fion belle, c'eft l'union d'égards & de délicats, & la place où on les met. Une Santé délicate, une complexion délicate, une perfonne qui a la poitrine délicate, toutes ces expreffions n'ont rien de piquant ou de vif.

Quand on veut faire des réprimandes, il faut prendre quelque détour; il faut envelopper fous des paroles pleines de tendreffe un avis chagrinant. Ceux qui n'y entendent point fineffe,&qui n'ont nulle idée de l'élegance, diroient fans tant de façons, Il ne faut pas reprendre de but en blanc, il faut fe fervir de paroles douces; mais n'eft-ce pas s'exprimer d'une maniére bien plus élegante, en difant: il faut prendre quelque détour, il faut envelopper fous des paroles pleines de tendresse un avis chagrinant; cette expreflion métapho rique & figurée pique l'efprit & le réveille.

Il faut adoucir une réprimande par des termes careffans & enjouez, on elle ne fera qu'effaroucher, au lieu d'avoir un bon effet; c'est-à-dire qu'elle rebu. tera les gens, au lieu de les faire rentrer dans leur devoir. Cette expreffion

ne me paroît pas fi animée que la pre. miere; le terme d'effaroucher fait naître une toute autre idée. Je ne parle point du fens que ces maximes renferment, je n'éxamine que les paro

les.

Un homme s'endort dans le repos d'une longue oifiveté; le crédit qu'il a dans le monde le flate & l'éblouït. S'endort dans le repos d'une longue oifiveté, exprime bien l'indolence d'un homme qui eft content de fa for

tune.

* Sa joye lui échappe, il plie fous le poids de fon propre bonheur; quel air froid & férieux il conferve pour ceux qui ne font plus fes égaux? en parlant d'un homme qui vient d'être élevé à quelque nouvelle dignité, qui le met au-deffus de ceux qui alloient de pair avec lui. Sajoye lui échappe; c'est-àdire qu'il n'eft plus le maître de fa contenance. Il plie fous le poids de fon propre bonheur: quelle expreffion! quelle image!

Des irrégularitez bizarres vous approchoient tantôt de la mort,tantôt vous rappelloient à la vie. Peut-on mieux exprimer les divers fymptomes d'une maladie dangereufe?

*M. de la Bruyere.

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