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une pensée qui eft délicate. Ménager délicatement l'efprit d'un homme qui peut vous nuire, ou vous rendre de bons offices.

On eft exposé à de grands chagrins, quand on dit étourdiment tout ce qu'on penfe. Sans confiderer le peril qui le menaçoit, il fe jetta étourdiment dans la mêlée.

C'eft un homme qui a l'efprit délicat, & qui parle toûjours fort fenfement; c'eft à dire avec beaucoup de jugement de juftesse.

Je crois qu'on peut oppofer en quelque maniere brusquement à senfément; car un homme qui parle brusquement, & avec précipitation eft exposé à dire bien des fotifes

Un favant Prelat* a placé l'adverbe ennuïeufement dans un endroit où il me femble qu'il fait un bel effet; c'eft en parlant de la bonté d'un grand Magiftrat qui écoutoit patiemment les plaintes des pauvres. Sachant employer fon temps, & quel quefois même le perdre; pour com pâtir à des miferables, à qui il ne reste d'autre confolation que celle de redire ennaïeufement leur mifere.

* M. Flechier Evêque de Nisme.

Ufa

L

Ufage élegant de quelques
fubftantifs.

'On eft fouvent charmé de certai nes expreffions qu'on voit dans des Ouvrages bien écrits, ou qu'on entend dans des difcours prononcez: on a affez de peine à dire précisément ce que c'eft; ce n'eft quelquefois que l'effet d'un mot mis à fa place, qui flatte le Lecteur ou l'Auditeur, qui feroit moins touché, fi l'on s'étoit fervi de quelque autre expreffion. Je rapporterai quelques exemples de ces termes choifis, qui peuvent être d'un grand ornement dans les ouvrages, ομ dans les entretiens familiers.

Au refte ceux qui n'ont point étu dié ne doivent point être effrayez du terme de fubftantif qui eft au titre de cette remarque; il n'y a dans ce mot aucun myftere. On apppelle fubftantifs les chofes qui fubfiftent par elles-mêmes, comme maison, chien, jafAmin. Il y a encore une autré efpece de fubftantifs, qu'on appelle abftraits ou feparez, comme humanité, malignité, foupleffe: mais il n'eft pas néceffaire de s'embarraffer de cette vai P

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ne fcience; il fera plus utile de faire attention aux exemples que je vas citer.

Comme nous fommes naturellement liberaux, nous ne demandons point de retour; 'nous ne donnons point les bienfaits à ufure; ainfi ce n'eft point l'interêt qui nourrit notre amitié. Nous ne cherchons dans no tre commerce que l'agrément de l'a mitié même. Au lieu de dire que l'amitié, fans aucune autre efperance fait tout le plaifir de notre commerce. Rien n'échappe à la curiofité de leurs yeux jaloux, ni à la malignité de leur Langue envenimée. Pour ex primer le caractere de certaines perfonnes qui s'appliquent à examiner tout ce que les autres font, pour le eenfurer.

J'ai admiré la délicatefle de fon efprit, & une certaine foupleffe qui lui fait prendre toutes les figures qu'il veut, felon les differentes rencontres.

Faudra-t-il pour s'accommoder à leur goût particulier, renoncer au fens commun? goût fe prend métaphori quement pour inclination, humeur, caprice, &c.

Tullus Hoftilius eut de la peine à ti rer des hommes d'un amufement dous

doux, pour les tourner à la difcipline militaire; on ne peut mieux exprimer la peine que Tullus Hoftilius eut à infpirer l'amour de la guerre aux hommes de fon Siecle, qui aimoient trop la vie commode.

Les peines que mon amour me donne ont un charme fecret, & de certaines douceurs, que je ne changerois pas pour tous les fades amusemens des perfonnes indifferentes.

Mystere eft, l'un de ces fubftantifs que l'on applique à toutes fortes de fujets, & qui a fort bonne grace dans de certaines rencontres, où l'on s'en fert à propos.

Celles qui font fages n'y entendent point tant de fineffe; elles agiffent fincerement & avec beaucoup de liberté ; & les autres avec plus de mystere &de deffein.Pour dire que les actions des fauffes prudes font concertées, & qu'elles cachent leurs intentions. II faut les éprouver long tems, avant que de leur découvrir les myfteres de fon cœur. Il y a mille chofes qui doi-. veut entrer dans le commerce, & qui ne demandent point de myftere: ce feroit fe rendre ridicule , que d'en faire fineffe à fes amis. Quand je fais un myftere de ma penfée, je l'enve

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loppe tellement que les autres ont bien de la peine à la démêler. Si ces fecrets peuvent nuire à une tierce perfonne, il n'en faut point parler à vos amis; & ils ne doivent pas vous en favoir mauvais gré, s'ils viennent à s'appercevoir que vous leur en avez fait un mystere.

* Vous feule avez percé ce mystere odieux.

11 faudroit avoir été de fon Siecle, & même l'avoir pratiqué pour favoir s'il fit mourir fes enfans, par le mouvement d'une vertu heroïque, ou par la dureté d'une humeur farouche & dénaturée. En parlant de Brutus, qui condamna fes deux fils à perdre la tête.

Je croirois pour moi qu'il y a eu beaucoup de deffein dans fa conduite. Au lieu de dire d'habileté, de myftere.

On fe perfuade que les Hollandois aiment la liberté; ils haïffent feulement l'oppreffion, il y a chez eux plus de rudeffe dans les efprits que de fierté dans les ames, la fierté de l'ame fait les veritables Républicains.

Les fubftantifs ont quelquefois bonne grace, quand on leur ôte

Vers de Phedre.

leur

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