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Puitque j'ai fait cette fauffe démarche par mon imprudence, il faut que je boive l'affront. On boit du vin, & d'autres liqueurs; mais on ne boit des affronts que par métaphore.

*Its fe refroidiffent bien tôt pour les expreffions, & les termes qu'ils ont le plus aimez. Au lieu de dire qu'ils 'ont plus le même goût, la même ardeur, le même emprellement.

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Les riches ont beau foûtenir qu'ils font heureux ; ils ne nous montrent la médaille de leur bonne fortune que d'un côté, le revers nous cache les foucis & les épines dont ils ont le cœur rem pli. Parce que les médailles repréfentent les vifages & d'autres chofes fenfibles, on fe fert de cette métaphore, quoi-qu'on ne puiffe point graver le bonheur fur une médaille.

Les hommes aiment mieux dévorer toutes ces difficultez que de fouffrir la tyrannie de la concupifcence: je crois que cette metaphore eft trop forte pour la conversation; mais elle est fort bonne pour un difcours élevé. “

Le chagrin qu'on a de fe voir lié intéparablement à une perfonne qu'on

M. de la Bruyere.

† S. Chryfoftome, Trai

té de la Virginité.

qu'on n'aime point, empoisonné le mariage. Cette expreffion métaphorique eft bien plus vive qu'une autre qui feroit peut être plus naturelle.

Ceux qui gouvernent les hommes ont befoin d'une rare prudence, afin qu'ils puiffent reconnoître tous les re plis du cœur humain; pour dire, ce que les hommes ont de plus caché.

Il ne faut rien épargner pour vous mettre à couvert de tout ce qui peut flétrir votre réputation; mais après avoir mis tout en œuvre pour adoucir ceux qui fe déchaînent contre vous, s'ils s'opiniâtrent à vous décrier, il faut vous tenir en repos, & les méprifer. On dit proprement des fleurs qu'elles fe flétriffent; on dit au figuré Alétrir la réputation, quoi que quelques Auteurs très-polis le condamnent, prétendant que flétrir ne fe dit que des chofes fenfibles, de la beauté, du teint, des couleurs; mais ils foûttiennent qu'on ne peut l'appliquer aux chofes fpirituelles, comme à la ré putation,à la gloire, à l'honneur; ils avoüent cependant qu'on peut dire flétrir une perfonne pour la desho

norer.

Mais on ne doit point emploier fétrir, comme j'ai fait dans un en

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droit des Sermons choifis de S. Jean Chryfoftome. Voulez-vous priver cette ville de fon plus grand avantage? puifqu'on la regarde comme l'azile général de tout le monde, ne flétriffez pas un fi bel éloge. Flétrir eft très-mal afforti avec éloge.

Les expreffions métaphoriques, font encore plus d'ufage dans la poëfie, que dans la profe, pourvû qu'on y garde toutes les régles, & qu'on ne s'émancipe pas trop.

Sur d'éternels foupçons laisse flotter fon ame

A le voir plein de vapeurs legeres Soi même le bercer de fes propres chimeres ↑

Va pâlir fur la Bible, Vamarquer les écueils de cette mer terrible.

Ne vous enivrez point des éloges fla

teurs,

Pour être de fâcheux toûjours, asfaffiné.

Tous les exemples que je viens de citer doivent fuffire pour détromper ceux qui n'aiment pas les locutions métaphoriques; rien ne charme tant dans le difcours qu'une métaphore fine, & bien choisie, pourvu qu'elle foit modefte, & qu'elle n'ait rien d'outré, Sur l'aumône.

d'outré. Il faut encore obferver une régle que je trouve très-importante; c'est qu'on ne doit point paffer d'une métaphore à une autre, parce que ces differentes idées diffipent trop l'efprit, en lui prefentant des images qui n'ont nul rapport entr'elles; on peut continuer la même métaphore & l'envisager fous toutes les vûës qu'elle peut avoir.

M. Perrault a gardé exactement cette régle dans une locution métaphorique, qui pourroit fervir de modele aux autres. * De la maniere dont Virgile s'y eft pris, je ne comprens pas comment il croioit bien faire fa cour, & comment Auguste ti délicat, & firétif fur la flaterie, ne regimboit pas contre celle-là, Retif regimber, dans le fens que l'Auteur leur donne femblent faits l'un pour l'autre, & les idées qu'ils font naître ne se détruifent point.

Jeux de mots...

Es perfonnes qui n'ont qu'un elprit médiocre, & qui ne connoiffent, pas les veritables beautez de la Langue, recherchent les jeux de

mots,

Farallele dés Anciens & des Modernes.

mots, & croient que ces froides allufions font d'un grand ornement dans le difcours ces puerilitez ne doivent point avoir place dans des ouvrages ferieux, il faut les abandonner aux Italiens avec les pointes & les équivoques. On n'y fauroit être trop réfervé: on ne les pardonne qu'avec peine. aux honnêtes gens, même en badinant dans une converfation libre.

Ces fuperbes tombeaux qu'on avoit, élevez avec tant de magnificence, font, tombez. Quelques-uns fe perfuadent que ces chûtes, & ce jeu font des ornemens dans le difcours; cette affectation eft la marque d'un efprit frivole, qui s'amufe à la bagatelle, & qui n'a nul goût des veritables beau tez de la Langue...

Je ne trouve rien de fi contraire à la focieté civile, & à l'avancement. dans le monde, que fon opiniâtreté,& le peu de complaifance, qu'il a pour ceux qui lui font du bien; il faut être plus accommodant, fi l'on veut être mieux accommode: la Langue Fran çoife ne peut fouffrir tout ce qui paroît affecté, & trop recherché, elle pardonneroit plûtôt de petites négli-, gences, que ces expreffions qui ont un caractere d'affectation.

La

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