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Et dont le noble cœur d'un faint défir touché,

S'eft comme Fieubet au grand monde arraché. S'arracher au grand monde exprime bien la fermeté & le courage d'un homme d'un grand mérite,qui renonce aux agrémens du monde, & à toutes les douceurs de la vie, pour ne penfer qu'à fon salut.

Ce que c'est que parler par phrafes.

L ne fuffit pas pour bien parler, &

pour bien écrire, de fe charger la mémoire de belles expreffions; au contraire rien ne me fait tant de peine, que l'entretien & les écrits de certai nes gens, qui font,pour ainfi dire, tout paîtris de phrafes. Il faut remarquer en lifant ce qu'il y a d'excellent dans les bons Auteurs, afin de fe faire un ftile, qui fe nourrit & fe fortifie par la lecture. Mais ceux qui fe contentent de coudre de beaux mots bout-àbout, font en quelque façon femblables à ceux qui voudroient faire un habit de pieces rapportées,de brocard, de velours, de fatin; ces morceaux font beaux féparément, mais l'affemblage

Vers de M. l'Abbé de Villiers.

blage en est bizarre. Il y a des gens qui parleroient affez bien, s'ils vou. loient parler naturellement; mais ils fe guindent en ne voulant fe fervir que de tours & d'expreffions extraor dinaires. Rien n'eft plus opposé au génie de notre Langue, dont le ca ractere eft la naïveté.

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* Je fai qu'il eft des ames opiniâtres, qui font ferment de fidelité à leur dou leur, & qui contractent avec elle pour toute leur vie. Voila ce que j'appelle une phrafe; ce tour eft trop recherché, pour exprimer la mauvaise hu meur de certaines gens, qu'on ne peut confoler dans les malheurs qui leur arrivent; faire ferment de fidelité à fa douleur, contracter avec elle pour toute fa vie.

Le moyen de conferver fa réputation, c'eft de produire des chofes, de plus en plus excellentes, & fournir une nourriture fuffifante à l'admira tion générale; qui femble croître avec notre mérite. M. de S. Evremond,qui eft fi heureux à trouver des expreffions pour dire ce qu'il penfe, qui parle fi jufte, & d'une maniére & naturelle s'oublie quelquefois, & donne dans le Phebus fournir une nourriture fuffi

S. Euremand.

Sante

- fante à l'admiration générale, eft une étrange maniere de s'exprimer; pour direque ceux qui veulent que tout le monde les admire, doivent toujours faire des actions, qui méritent d'être admirées.

* Attachez un peu fur ces gans la réflexion de votre odorat. Je fai bien que celui qui parloit de la forte ne le faifoit qu'en badinant & pour foûtenir le caractère de fon Marquis ridicule, qui faifoit lebel efprit; mais ce qui eft fâcheux, eft que mille gens croyent être de beaux efprits, parce qu'ils s'expriment d'une maniére extraordinaire...

Il y a de l'artifice dans toutes les paroles des femmes, & dans la plupart de leurs actions, & fur tout dans leurs larmes; l'ame des femmes n'est pas moins fardée, que leur visage. Cette expreffion eft toute poëtique, on pourroit peut-être la pardonner en vers; mais elle eft affeurément trop guindée, pour un ouvrage de profe.

Il en eft qui joignent la bravoure à la fcience, & qui font également favoris de Mars & de Minerve. On ne parle que pour fe faire-entendre; tout le monde n'eft pas obligé de

* Moliere.

fa

favoir que Mars eft le Dieu de la Guerre & Minerve, la Déefle des Sciences.

La Comteffe de la Suze fi fameufe par fes beaux vers étoit Huguenotte, & femme d'un mari Huguenot; ilsétoient pourvus d'une averfion très-parfaite l'un pour l'autre, qui les obligea à fe féparer. Qu'eft-il befoin de chercher un fi long détour, pour exprimer qu'ils fe haïffoient?

*Je ne me flatte pas d'être arrivé au point glorieux, auquel font parvenus ces deux incomparables Auteurs: en parlant de Lucien, & de M. de Fontenelle. Je ne puis fouffrir ces parleurs, qui difent très-peu de chofes en beaucoup de paroles; ils font faire naufrage à l'utilité des converfations,noyans, pour ainfi dire, au milieu des flots qui fortent de leur bouche,tout cequ'on pouroit dire de folide & d'agréable. Quel ftile,& quelle enflure! Ces expreffions metaphoriques doivent être bannies avec le Phebus: ils font faire naufrage à l'utilité des converfations. Noyans an milieu des flots qui fortent de leur bouche. Ces metaphores outrées auroient été d'un goût merveilleux, au tems,

Caractéres naturels des hommes.

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tems, du Zenith de la vertu, & de l'Apogée de la gloire.

Déja l'aurore commençoit à paroître, le Soleil doroit le fommet des montagnes. Voilà du haut ftile. Le jour commençoit à fe mêler à la clarté mourante du feu, que l'on achevoit d'éteindre. A peine laurore avoit-elle fait place aux premiers rayons du Soleil, que j'allai chercher la folitude & les bois, pour promener men inquietude. Ceux qui aiment les phrafes, ap. prouveront ces fortes d'expreffions. Dans le tems qui divife la nuit d'avec le jour, auquel les foibles rayons de l'aurore, commencent à percer les vailes épais des Ténébres,laissent à peine difcerner à l'œil, fi cet intervalle eft du jour ou de la nuit. Je voudrois qu'on abandonnât l'aurore aux Poëtes; ces expreffions fi figurées ne font point naturelles déja l'aurore commençoit à paroître, & le Soleil doroit le fommet des montagnes, pour exprimer le lever du Soleil. Les femmes qui font les lavantes, & qui fe mêlent d'écrire aiment le ftile guindé. Le jour commençoit à fe mêler à la clarté mourante du feu, que l'on achevoit d'étein dre, c'est-à-dire qu'il failoit déja jour lors

*

*Siroes & Mirame Hiftoire Perfanne.

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