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CHAPITRE VI.

MIRACLES DANS LA RÉGION DU LAC.

La tempête apaisée.

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Les possédés de Gadara. Les démons dans les pourceaux. - Guérison de l'hémorrhoïsse. - Résurrection de la fille de Jaïre. Guérison de deux aveugles et d'un muet. Signification de ces miracles. Le martyre de saint Jean-Baptiste.

était

Le Sauveur venait de donner aux apôtres l'explication de ses dernières paraboles. « Ce même jour, sur le soir, il leur dit : « Passons de l'autre côté du lac. Il monta donc dans une barque, " et les disciples, laissant là toute la foule, l'emmenèrent tel qu'il », sans aucun préparatif pour la traversée. Une distance de seize à vingt kilomètres sépare Capharnaüm du rivage de Gadara de l'autre côté du lac; on fut donc obligé de naviguer pendant la nuit. « Des disciples, montés dans d'autres « barques, étaient avec lui. Pendant la traversée, il s'endormit. « Soudain, un ouragan s'abattit sur le lac, la mer fut violem«ment agitée, et les flots passaient par dessus la barque et la « remplissaient. Le péril était grand. Jésus dormait toujours à « l'arrière, appuyé sur un coussin. Les disciples s'approchèrent « et le réveillèrent: Maître s'écriaient-ils, au secours! Nous périssons, n'y prenez-vous point garde? Mais Jésus se levant, «< commanda aux vents d'un ton menaçant, et dit à la mer en « courroux: Assez, silence! Le vent cessa, et il se fit un grand calme. Il dit alors aux disciples: Hommes de peu de foi,

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pourquoi craindre? Où donc est votre foi? N'en avez-vous pas <«< encore? Saisis de la plus grande frayeur, ils se disaient les <«< uns aux autres dans leur étonnement: Quel est-il donc! Il <«< commande aux vents et à la mer, et il en est obéi »1!

L'étonnement des apôtres se conçoit. Jusque là ils avaient été témoins de miracles accomplis au milieu du calme de la nature, tels que la pêche miraculeuse, la résurrection de Naïm, la guérison des malades. La délivrance même des possédés s'était opérée sans que les disciples eussent rien à redouter des malins esprits. Or sur le lac venait d'éclater tout d'un coup une de ces brusques tempêtes qui sont habituelles sur la mer de Galilée; mais bientôt, en pleine nuit, l'ouragan avait fait rage avec une violence inaccoutumée, et la foi des apôtres s'était trouvée mise à une épreuve d'autant plus terrible qu'il y allait de leur vie même. Ils ne comprenaient pas encore que la présence seule du Sauveur était pour eux une assurance de salut. Comment d'ailleurs s'attendre à courir un danger aussi effrayant dans la compagnie du divin Maître, et à voir le péril conjuré par l'exercice d'une puissance si redoutable à toute la création?

Ils furent effrayés, et instruits pour l'avenir. « Cette barque était la figure de l'Église qui, sur la mer de ce monde, est ballottée par les flots des persécutions et des tentations. Le Seigneur, quand il est patient, semble dormir, jusqu'à ce qu'enfin, réveillé par les prières des saints, il réprime le monde et rend la tranquillité à ses enfants ». Les apôtres sauront désormais que quand Jésus est dans une barque, même endormi, que cette barque soit l'Église de Dieu ou simplement une âme chrétienne, les furies du monde et de l'enfer ne peuvent rien contre elle.

Sur la rive orientale du lac, en Pérée, s'étendait une région nommée la Décapole, ou les Dix villes. Peuplée en majeure partie de païens grecs et syriens, elle était alors sous la domination. directe des Romains. Non loin de la côte sud-est du lac se trouvait la ville de Gadara. Les disciples «< continuèrent la traversée jusqu'à l'autre côté du lac, dans le pays des Gadaréniens, en

I.

S. Matthieu, VIII, 18, 23-27; S. Marc, iv, 35-40; S. Luc, vIII, 22-25 2. Tertullien, du Baptéme, x11.

LES POSSÉDÉS DE GADARA.

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« face de la Galilée ». A cet endroit, le rivage forme une bande étroite de quelques centaines de mètres, le long de laquelle se déroule le chemin. Immédiatement après s'élèvent les pentes rapides des montagnes du Hauran, dont les crêtes atteignent dans le voisinage jusqu'à cinq cents mètres au dessus des eaux du lac, Ces pentes sont percées de nombreuses cavernes calcaires, dont plusieurs avaient été plus ou moins disposées pour servir de sépulcres.

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<< A peine descendaient-ils de la barque, qu'accoururent des sépulcres où ils habitaient deux hommes qui avaient des dé«mons, et dont la fureur était telle que personne n'osait passer <«< par la route ». L'un d'eux surtout, encore plus horrible que l'autre, «< avait un démon depuis fort longtemps; il ne portait <«< aucun vêtement, et personne n'avait jamais pu l'attacher, << même avec des chaînes. Si on lui mettait des entraves et des «< chaînes pour le maintenir, il brisait les chaînes, réduisait en pièces les entraves, et il était impossible de le dompter. Inca<< pable de rester dans une maison, il passait sa vie jour et nuit << dans les sépulcres, les montagnes et les lieux déserts, hurlant <«<et se meurtrissant à coups de pierres. Quand les possédés << virent Jésus de loin, ils accoururent donc, se prosternèrent, et «< s'écrièrent à grand bruit : Que voulez-vous de nous, Jésus, << Fils du Dieu Très-Haut? Venez-vous ici pour nous tourmen<< ter avant le temps »? C'était Satan qui parlait par la voix de ces malheureux. Témoin de ce qui s'était passé la nuit sur le lac, il redoutait plus que jamais que Jésus fût vraiment le Fils de Dieu. La seule joie des démons consiste à exercer leur pouvoir malfaisant contre les hommes, et contre toutes les créatures; aussi avaient-ils peur d'être chassés de ce pays où leur fureur se déchaînait, et d'être refoulés en eux-mêmes et dans leur enfer.

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Satan se faisait donc suppliant : « Je vous conjure et vous adjure au nom de Dieu, ne me torturez pas. Jésus lui disait << en effet : Sors de cet homme, esprit immonde. Et il lui deman<< dait : Quel est ton nom? - Je m'appelle légion, dit-il, parce que << nous sommes nombreux en lui ». Malgré ses craintes, le démon restait arrogant. De ce que le Sauveur ne l'avait pas obligé à

sortir dès le premier mot, il croyait pouvoir l'effrayer. Il avait osé profaner le nom de Dieu, pour s'en faire comme un bouclier; il se vantait maintenant d'être en nombre, et de former avec d'autres esprits immondes quelque chose d'analogue à ces légions romaines de six mille hommes, qui campaient en Syrie. Son insolence allait être punie par une plus profonde humiliation.

« Il y avait, à quelque distance de là, un nombreux troupeau «< de pourceaux qui paissaient dans la montagne. Les démons << suppliaient donc Jésus de ne pas les chasser du pays pour les << renvoyer dans l'abîme. Si vous nous chassez d'où nous som«mes, disaient-ils, envoyez-nous dans les pourceaux, pour que <<< nous entrions en eux. Jésus le leur permit sur-le-champ. Les esprits immondes sortirent donc et entrèrent dans les pour«< ceaux ». Ce séjour, sur lequel était obligé de se rabattre leur orgueil, ne leur fut pas longtemps laissé, si humiliant qu'il fût; car << aussitôt tout le troupeau, qui s'élevait à près de deux mille « pourceaux, se précipita d'un élan impétueux dans la mer, et << tous périrent dans les eaux.

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« A cette vue, les porchers s'enfuirent, et racontèrent dans la << ville et dans la campagne ce qui s'était passé au sujet des pos« sédés et des pourceaux. Les gens sortirent alors de la ville, « pour voir ce qui était arrivé, et ils vinrent à Jésus. Ils virent << délivré de tout mal, celui que le démon tourmentait précédem<«<ment; vêtu, et l'esprit en bon état, il restait assis aux pieds de Jé«sus. Ils furent eux-mêmes saisis de crainte, et les témoins leur 'expliquèrent comment cet homme avait été délivré de la légion. Les habitants du pays des Gadaréniens se mirent alors << tous ensemble à prier Jésus de s'éloigner d'eux; car ils étaient <«<en proie à une grande épouvante. Pour lui, il monta en << barque afin de s'en retourner. Pendant qu'il s'embarquait, « l'homme de qui les démons étaient sortis lui demanda de l'accompagner. Mais il n'y consentit pas, et le renvoya en « disant Retourne à ta maison, auprès des tiens, et raconte-leur <<< tout ce que le Seigneur, dans sa miséricorde à ton égard, a << fait pour toi. Celui-ci s'en alla donc, et dans toute la ville et la

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GUÉRISON DE L'HEMORRHOISSE.

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Décapole, il publia tout ce que Jésus avait fait pour lui, et tous éta i ent dans l'admiration » '.

Cette expulsion du démon eut lieu dans des conditions particulièrement dramatiques. Satan continuait à faire donner au Sauveur le nom de Fils de Dieu, « plutôt par le soupçon qu'il avait de la vérité, que par certitude »2; mais il le sentait de plus en plus, il lui fallait compter avec ce puissant adversaire qui le chassait de partout, l'obligeait à se confiner dans son abîme de souffrances, et l'empêchait de se procurer aussi librement la joie maligne de nuire aux hommes. Il faut remarquer aussi que « quand Notre Seigneur permit aux démons d'aller dans les pourceaux, ce ne fut pas à la persuasion de leur demande. Il voulait par là nous instruire de plusieurs vérités : les démons, en s'attaquant aux hommes, leur causent les plus grands dommages; ils n'osent rien cependant, même contre des pourceaux, sans la permission de Dieu, et si la Providence ne les en empêchait, ils feraient subir aux hommes des traitements bien plus rudes qu'à ces animaux » 3.

Les habitants du pays furent moins touchés des bienfaits apportés par le Sauveur que des rigueurs exercées par le démon à son occasion. Ames grossières et asservies aux intérêts matériels, ils refusèrent le salut, parce qu'ils le jugeaient incompatible avec leurs jouissances terrestres. Ils prièrent en tremblant le divin Sauveur de s'éloigner, et, pour leur punition, ils furent exaucés. Toutefois, afin de préparer le retour des ouvriers évangéliques, les deux possédés guéris furent laissés parmi les Gadaréniens, bien que le plus éprouvé des deux eût témoigné le désir de s'attacher à la personne de Notre Seigneur.

« Jésus traversa de nouveau le lac sur la barque, et à son re« tour, la foule nombreuse qui se tenait sur le bord de la mer « accourut à lui; car tous l'attendaient. Pendant qu'il parlait, « arriva un homme appelé Jaïre, qui était un chef de synagogue. Quand il vit Jésus, il se prosterna à ses pieds, et le conjura

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1. S. Matthieu, vIII, 28-34; S. Marc, v, 1-20; S. Luc, vi, 26-39.

2. Saint Thomas, Somme théologique, 3, XLIV, 1.

3. Saint Jean Chrysostome, sur saint Matthieu, homélie xxix.

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