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LA SAINTE AME DE NOTRE SEIGNEUR.

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ment était tout volontaire de la part du Verbe incarné, et l'abandon momentané de sa gloire extérieure, la recherche de l'humiliation et de la douleur, ce que saint Paul appelle « un anéantissement » ', n'était possible que par un miracle de puissance et d'amour.

En Notre Seigneur, l'âme jouissait dès lors de toute la plénitude de ses facultés humaines. Le corps, au contraire, bien qu'uni directement au Verbe, restait soumis aux conditions ordinaires du développement humain, et, par son infirmité même, allait servir de démonstration à la réalité de cette nature inférieure prise par le Fils de Dieu.

Tel était ce chef-d'oeuvre divin qui, de toute éternité, avait fait l'objet des complaisances du Père, du Fils et du Saint Esprit. Maintenant les anges l'adoraient et bénissaient en lui le roi de toutes les créatures, leur chef glorieux, dont les mérites infinis allaient mettre le comble à leur félicité.

Sur la terre, Marie était encore seule à le connaître.

1. Philippiens, 11, 7.

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A peine le Verbe de Dieu est-il incarné, que dans sa bienheureuse âme éclatent ces transports d'amour, de joie et de reconnaissance qui ne s'arrêteront plus jamais. C'est d'abord cette adoration du Père, qui dépasse de l'infini tous les hommages angéliques, et égale enfin l'honneur à la majesté de celui qui en est l'objet. C'est ce cantique d'action de grâces qui, entonné dans le temps, retentira désormais dans les siècles des siècles. C'est cette ardente supplication qui doit faire descendre sur le genre humain toutes les grâces du salut. C'est cet appel invincible à la souveraine pitié, en faveur d'une race coupable et déchue. «En entrant dans le monde, il dit : Vous n'avez pas voulu de la victime ni de l'offrande, mais vous m'avez formé un corps. Les holocaustes pour le péché n'ont pu vous plaire; à présent je dis Me voici, moi de qui il est écrit en tête du livre, me voici, ô Dieu, pour faire votre volonté » ! Ce sont enfin ces

1. Hébreux, x, 5-7.

LA VISITATION.

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devoirs inconnus qu'un tel Fils rend à un tel Père, et dont la créature n'aura jamais le secret. Une prière aussi parfaite n'était pas encore montée du sein de la création jusqu'au trône du Père. Offerte par une personne dont la dignité était celle même d'un Dieu, cette adoration reconnaissante, suppliante et réparatrice avait un mérite infini; à peine commencée, elle suffisait déjà au rachat de mille mondes.

Le rayonnement de la divinité s'étendait à l'âme de la très Sainte Vierge. L'Église compare Marie au buisson ardent que vit Moïse: le feu le pénétrait sans le consumer. Ainsi le Verbe incarné sanctifiait de plus en plus sa sainte Mère; il faisait naître en elle des sentiments analogues à ceux qui l'animaient luimême; et Marie, sans atteindre à l'infinie perfection du Fils de Dieu, dépassait cependant de très loin tout ce qu'il y avait de plus saint, de plus pur, de plus aimant dans les autres créatures réunies. Joseph profitait aussi du voisinage de la divinité; mais c'était à son insu. Marie ne lui avait pas parlé de la visite de l'ange; elle laissait à Dieu le soin d'éclairer son époux, quand il le jugerait à propos.

Le messager céleste avait averti Marie de la faveur inattendue accordée à sa parente Élisabeth. La bienheureuse Vierge vit dans cet avertissement une indication de la Providence, et << se levant en ces jours-là, elle se hâta de partir pour la ville <«< de Juda, dans les montagnes ». On était alors à la fin de mars, et à l'époque de la Pâque. Joseph allait se rendre à Jérusalem pour la fête, et Marie, après lui avoir fait part, peutêtre, de la révélation qu'elle avait eue au sujet de sa cousine, s'empressa de l'accompagner. Au temple, les saints époux durent trouver Zacharie, rappelé quelques jours auparavant par les exigences de son ministère. Le vieux prêtre ne manqua pas de faire connaître à Joseph la cause miraculeuse de son mutisme, et l'informa de son bonheur.

Quand ils eurent satisfait aux prescriptions de la loi,ils prirent la route des montagnes, à l'ouest de Jérusalem, et arrivèrent à la maison d'Aïn-Kârem. Joseph ne songeait qu'à remplir un devoir de bienséance et d'affection; Marie obéissait

à l'impulsion du Dieu qu'elle portait. «< Elle entra dans la mai<< son de Zacharie et salua Élisabeth. Aussitôt qu'Élisabeth eut << entendu la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son « sein; Élisabeth fut remplie de l'Esprit Saint, et poussant une << vive exclamation, elle dit : Vous êtes bénie entre les femmes, « et le fruit de vos entrailles est béni! Et d'où me vient donc « que la mère de mon Seigneur arrive à moi? Car sitôt que << votre voix s'est fait entendre à mes oreilles pour me saluer, << mon enfant a tressailli d'allégresse dans mon sein. Que vous «< êtes heureuse d'avoir cru! Car les choses qui vous ont été « dites par le Seigneur s'accompliront » '.

L'Esprit Saint, poursuivant le cours de ses révélations, faisait continuer par Élisabeth ce qui avait été commencé par l'ange à Nazareth. Les paroles : « Vous êtes bénie entre les femmes »>, servaient de trait d'union entre les deux parties du message. Il convenait aussi qu'Élisabeth saluât la reine des hommes, comme Gabriel avait salué la reine des anges, et que la mère du précurseur fût la première à féliciter la mère du Sauveur. Cependant, une invisible merveille s'était accomplie. L'ange avait promis à Zacharie que son fils serait rempli du Saint Esprit dès le sein de sa mère : à l'approche du Fils de Dieu, la promesse venait d'être réalisée, et celui qui devait être le plus grand parmi les enfants des hommes avait tressailli de joie, sous l'action de la grâce qui sanctifiait son âme.

Ce mystère de la visitation était la première manifestation de l'incarnation. Marie n'avait pas attendu jusqu'à cette heure pour chanter sa reconnaissance. Éclairée par Celui qui vivait en elle, elle avait emprunté aux divines Écritures, en leur donnant un sens encore plus élevé, les termes mêmes de son cantique d'action de grâces. Avec quel amour elle l'avait redit dans le secret de son cœur, depuis la visite de l'ange! Avec quelle humble allégresse, maintenant que le glorieux mystère est dévoilé, elle le fait retentir dans la maison de Zacharie!

« Mon âme glorifie le Seigneur,

Et mon esprit tressaille en Dieu mon Sauveur.

1. S. Luc, 1, 39-45.

LE CANTIQUE DE MARIE.

Car il a jeté les yeux sur la petitesse de sa servante,

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Et voici que, de ce jour, toutes les générations me diront bienheureuse. Celui qui est puissant a fait pour moi de grandes choses,

Lui dont le nom est saint,

Et dont la miséricorde, d'âge en âge,

Se repand sur ceux qui le craignent.

Il a déployé la force de son bras,

Il a dispersé ceux qui sont orgueilleux dans les pensées de leur cœur; Il a renversé les puissants de leur siège,

Et il a élevé les humbles;

Il a comblé de biens les affamés,

Et a renvoyé les riches privés de tout.

Il a relevé Israël son serviteur,
En se souvenant de sa miséricorde,
Selon la parole donnée à nos pères,

A Abraham et à sa race, pour toujours »1.

Le cantique de Marie est la grande action de grâces adressée à Dieu, pour le don qu'il a fait de son Fils au monde. Les siècles ne se lasseront pas de le répéter, et Dieu l'écoutera toujours avec d'autant plus de faveur, que l'humanité reconnaissante s'associera plus étroitement aux sentiments de Marie.

L'humble Vierge se sent transportée d'allégresse, à la pensée de celui qui est son Sauveur, son Jésus, car l'ange lui a déjà appris le nom qu'il faudra donner à cet enfant béni. Elle confesse joyeusement sa petitesse, qui fait si magnifiquement ressortir la grandeur du Tout-Puissant, dans l'œuvre qu'il vient d'entreprendre. Car « la nature toute-puissante ayant pu descendre jusqu'à la bassesse de la nature humaine, il y a là une plus grande preuve de puissance que dans les miracles les plus étonnants. L'immensité des globes célestes, les splendeurs sidérales, la magnificence de l'univers, le gouvernement perpétuel des êtres manifestent moins bien la supériorité de la puissance divine, que cet abaissement de Dieu jusqu'à l'infirmité de notre nature » 2. Cette puissance, qui a fait en Marie de grandes choses, a été dirigée dans son action par deux autres attributs divins. C'est au nom de la sainteté qu'elle a dispersé les esprits orgueilleux, renversé les puissants de leur trône et chassé les riches, réduits au dénuement; c'est au nom de la miséricorde

1. S. Luc, 1, 46-55...

2. Saint Grégoire de Nyssc, Catéchèse xxiv.

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