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LE SECOND AVEUGLE DE JÉRICHO.

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Notre Seigneur ne se lassait pas d'éclairer ses malheureux compatriotes; ils avaient tous autant besoin que Zachée de bien se rendre compte de ce qu'il était lui-même, afin de le reconnaître pour leur Messie. Mais ils restaient volontairement aveugles. Le Sauveur cherchait à ouvrir les yeux de leur âme, en ouvrant les yeux du corps à des malheureux atteints de cécité. La guérison opérée à l'entrée de la ville avait excité de vives espérances dans le cœur des affligés. Le lendemain, à son départ, Notre Seigneur trouva un autre aveugle qui, instruit de ce qui s'était passé la veille, eut grand soin de solliciter sa guérison dans les mêmes termes que son compagnon d'infortune.

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<< Comme il partait de Jéricho, avec ses disciples et une foule << très considérable, un aveugle, Bartimée (fils de Timée) était «<assis au bord de la route et mendiait. Quand celui-ci eut appris « que c'était Jésus de Nazareth, il se mit à crier et à dire : Jésus, «< fils de David, ayez pitié de moi. Beaucoup lui adressaient des << menaces pour le faire taire; mais il n'en criait que plus fort : << Fils de David, ayez pitié de moi. Jésus s'arrêta et commanda de l'appeler. On appelle alors l'aveugle en lui disant: Aie bon courage, lève-toi, il t'appelle. Jetant son manteau, celui-ci s'élance <«<et vient à lui. Jésus prit la parole et lui dit : Que veux-tu que je te « fasse? L'aveugle lui répondit : Maître, que je voie! Jésus lui dit : << Va, ta foi t'a sauvé. Aussitôt il vit, et il le suivit sur la route » 1. Ces deux guérisons, que saint Luc et saint Marc racontent séparément, mais que saint Matthieu unit en un seul récit, sont les derniers miracles opérés par le Sauveur avant son entrée solennelle à Jérusalem, ou du moins les derniers dont les évangélistes fassent mention. Leur signification est grande. Notre Seigneur demanda à chacun de ces malheureux : Que veux-tu que je te fasse? Tous deux répondirent: Que je voie! Quelques jours encore, et Jérusalem accueillera son Messie en l'appelant fils de David. Que veux-tu que je te fasse? lui dira aussi Jésus. Que je ne

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voie pas! répondra la ville ingrate, par la bouche de ses plus hauts représentants. Notre Seigneur tient du moins à lui montrer ce qu'il aurait pu faire pour elle, si elle avait voulu.

1. S. Marc, x, 46-52; S. Matthieu, xx, 29-34.

N. S. J. C. DANS LES SS. ÉVANG. 25

Bethanie n'est qu'à cinq lieues environ de Jéricho. Notre Seigneur voulait y arriver le soir, avant le soleil couché; car à ce moment devait commencer le sabbat, et cesser le droit de voyager. Il avait l'intention de passer ce jour-là dans la famille qu'il aimait, et d'y célébrer à l'avance le grand sabbat de sa sépulture qui allait arriver huit jours après.

<< Six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Bethanie, où avait «< été mort Lazare, que Jésus ressuscita. Là on lui fit un repas, << dans la maison de Simon le lépreux. Marthe servait et Lazare << était un des convives ». Ce Simon était évidemment très lié avec la famille de Lazare, puisque Marthe servait chez lui et que le divin Maître daignait accepter son hospitalité. Le surnom que lui garde l'Évangile donne à penser que Notre Seigneur l'avait guéri. Lazare était présent, «< afin qu'on ne crût pas que le mort ressuscité n'était qu'un fantôme; il était là, vivant, parlant, mangeant. La vérité brillait au grand jour, et l'incrédulité des Juifs était confondue »> '.

<< Pendant qu'on soupait, Marie prit dans un vase d'albâtre << une livre de nard très pur et très précieux, et brisant le vase, << elle répandit le contenu sur la tête de Jésus qui était couché, << en parfuma ses pieds et les essuya avec ses cheveux. La maison << fut remplie par l'odeur du parfum.

<< A cette vue, quelques-uns des disciples s'indignèrent en eux<«< mêmes et dirent: A quoi bon perdre ainsi ce parfum? On << aurait pu le vendre très cher, plus de trois cents deniers, et en << donner le prix aux pauvres. Et ils murmuraient contre elle. « L'un des disciples, Judas Iscariote, celui qui devait le trahir, << dit donc : Pourquoi ce parfum n'a-t-il pas été vendu trois cents << deniers et donné aux malheureux? Il parla ainsi, non par <«< intérêt pour les malheureux, mais parce qu'il était voleur, et << qu'ayant la bourse il gardait ce qu'on y mettait.

<«< Jésus, connaissant toutes ces choses, dit alors: Pourquoi «faire de la peine à cette femme? Laissez-la, car ce qu'elle a fait « à mon égard a été bien fait. Vous aurez toujours des pauvres << avec vous, et quand vous voudrez, vous pourrez leur faire du

1. Saint Augustin, sur saint Jean, L, 5.

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LE REPAS CHEZ SIMON.

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bien; mais moi, vous ne m'aurez pas toujours. Ce que cette << femme a pu faire, elle l'a fait. En répandant ce parfum sur mon «< corps, elle a préludé à ma sépulture. En vérité, je vous le dis, << partout où sera prêché cet Évangile dans le monde entier, on « racontera à sa louange ce qu'elle a fait » '.

Rien de plus délicat, de plus respectueux, de plus humble, de plus affectueux que la reconnaissance de Marie Madeleine. Elle doit à Notre Seigneur sa conversion, la résurrection de son frère et l'incomparable honneur d'une amitié divine pour elle et pour sa famille. Rien ne lui coûte quand il s'agit de témoigner son respectueux attachement; sans s'inquiéter de ce que diront les assistants, elle brise le vase précieux et répand ce parfum, dont les disciples estiment le prix à trois cents deniers, soit environ 300 francs. Elle est un bel exemple de cette sainte prodigalité que l'Église a toujours aimé à déployer dans le culte de l'Hôte invisible de ses tabernacles. Certains hommes, à la foi éteinte et au cœur étroit, peuvent s'en offusquer; ils ont pour eux le triste patronage de l'Iscariote, et contre eux l'approbation formelle que Notre Seigneur a donnée à l'acte de Madeleine.

Les pauvres n'ont rien d'ailleurs à perdre aux libéralités des chrétiens envers leur Dieu; les mains qui s'ouvrent généreusement pour l'honneur extérieur du divin Maître, sont aussi les premières tendues vers cet autre Jésus Christ qui est le pauvre, et, dans les moments plus difficiles, l'Église n'a jamais hésité à dépouiller le tabernacle de ses richesses pour venir en aide aux membres souffrants de Celui dont, mieux que personne, elle connaît les intentions.

Les murmures des disciples sont vite apaisés par la parole du Maître. Il n'est plus avec eux pour longtemps, mais il y aura toujours des pauvres parmi eux. Ce dernier avertissement coupe court aux rêveries de ceux qui prétendent pouvoir un jour bannir de la terre la pauvreté et tous les autres maux. La pauvreté est une grande école de sanctification pour ceux qui la supportent avec résignation, l'embrassent avec amour, ou l'assistent avec une humble et tendre charité. En rêver la suppression, c'est, le

1. S. Matthieu, xxvi, 6-13; S. Marc, xiv, 3-9; S.Jean, x11, 1-8

plus souvent, penser moins à exempter le pauvre de sa misère qu'à se débarrasser soi-même d'un devoir gênant. Jésus Christ a parlé le pauvre sera toujours là. Le chrétien l'aidera de tout son pouvoir à sortir de la misère, il l'aidera avant tout à parvenir au ciel.

A quatre jours de la trahison, la grossière passion de Judas nous est révélée : il est un homme d'argent. Il a voulu tenter cette conciliation impossible entre Dieu et l'argent : c'est l'argent qui tient la première place dans son cœur et qui en a chassé Dieu. L'indigne apôtre vient de voir avec dépit trois cents deniers lui échapper; à quel crime va-t-il en venir bientôt pour gagner du moins trente pièces d'argent!

Cependant beaucoup de pèlerins ont poursuivi leur route jusqu'à Jérusalem, et y ont fait connaître la présence du Sauveur à Bethanie. « Un très grand nombre de Juifs apprirent donc <«< que Jésus était là, et ils vinrent, non pas à cause de Jésus << seulement, mais aussi pour voir Lazare qu'il ressuscita d'entre << les morts. De leur côté, les princes des prêtres songèrent à faire « périr Lazare, parce que beaucoup d'entre les Juifs s'en allaient « à cause de lui et croyaient en Jésus » '.

Lazare ressuscité était un argument inattaquable en faveur de la puissance divine de Jésus Christ. Les grands personnages du temple ne trouvent qu'un moyen de répondre, c'est de mettre Lazare à mort, comme si la malice des hommes pouvait tenir tête à la bonté de Dieu. Ce n'est pas Lazare, c'est Jésus lui-même qui périra. Les pontifes n'en seront pas plus avancés; car de cette mort datera la fin de leur puissance et l'avènement du nouveau royaume des cieux.

1. S. Jean, XI, 9-11.

A * Q

VI

LA SEMAINE DE LA PASSION.

CHAPITRE PREMIER.

LA MANIFESTATION SOLENNELLE DU MESSIE AU TEMPLE.

Le cortège triomphal du jour des Rameaux.- Pleurs sur Jérusalem. — Visite au temple. Le Lundi Saint: malédiction du figuier stérile. Les vendeurs chassés du temple. Protestation des princes des prêtres et des scribes. Le Mardi Saint le figuier desséché, puissance de la prière. De quelle autorité agit Jésus? De qui est le baptême de Jean?- Les deux fils envoyés à la vigne. Parabole des vignerons homicides. Parabole des noces et de la robe nuptiale. Les étrangers qui veulent voir Jésus. La Passion et le triomphe prochains du Fils de l'homme.

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Le Sauveur passa à Bethanie la journée du dernier sabbat qu'il devait célébrer sur la terre.

« Le lendemain », probablement vers le milieu du jour, il se mit en route pour Jérusalem. «< Quand il fut arrivé à Bethphagé, «non loin de Bethanie, sur la montagne des Oliviers, il envoya << deux disciples, en disant: Allez à la ferme qui est en face de « vous. Sitôt entrés, vous y trouverez attachés une ânesse <<< et son ânon, sur lequel personne n'est jamais monté ; détachez

le et amenez-le moi. Si l'on vous dit : Que faites-vous là? pourquoi le détachez-vous? répondez que le Seigneur en a besoin, « et aussitôt on les laissera aller.

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