tous ces points. Son apôtre saint Pierre dira seulement aux premiers chrétiens, en parlant de la fin du monde : « Les cieux passeront comme un trait qui siffle, les éléments brûlés seront dissous, et la terre et les œuvres qui sont en elle seront consumées » '. Cette prophétie du Sauveur est écrite pour l'utilité de ceux qui vivront alors. Son explication ne profiterait qu'à notre curiosité, tandis que notre humilité trouve avantage à l'obscurité de la prédiction. Nous savons qu'il y aura un jugement, et que ce jugement atteindra chacun de nous : c'est tout ce qu'il nous importe actuellement de connaître, pour la direction de notre vie.

A la suite de ces phénomènes terrifiants, «< on verra apparaître << sur les nuées du ciel le Fils de l'homme, dans la grandeur de <«< sa puissance et la majesté de sa gloire. Il enverra ses anges, << avec la trompette et une voix éclatante, pour rassembler ses « élus des quatre vents, du sommet des cieux jusqu'aux pro<< fondeurs de la terre. A cette vue, toutes les tribus de la terre << se rassembleront.

« Quand ces choses commenceront à se produire, regardez et <«< levez la tête, parce que votre délivrance est proche. Il leur << proposa alors cette comparaison : Comprenez-le par l'exemple <«< du figuier et des autres arbres. Quand leurs branches s'at<< tendrissent, que leurs feuilles poussent et qu'ils commencent « à produire du fruit, vous savez que l'été est proche. De «< même, quand vous verrez toutes ces choses, sachez que le << royaume de Dieu est là tout près, aux portes mêmes.

« Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera pas << sans que toutes ces choses n'arrivent. Le ciel et la terre pas<< seront, mais mes paroles ne passeront pas » 2.

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La génération contemporaine de Notre Seigneur ne passera pas, sans avoir vu la ruine de Jérusalem; le genre humain ne passera pas, sans voir arriver son souverain Juge. « Telle est la loi la mort pour tous les hommes, et ensuite le jugement. Tous, sans exception, nous devrons comparaître devant le tribunal du Christ »>3.

1. II Pierre, III, 10.

2. S. Matthieu, xxiv, 23-35; S. Marc, xIII, 21-31; S. Luc, xx1, 25-33. 3. Hébreux, ix, 27; II Corinthiens, v, 10.

LA FIN DU MONDE EST INCONNUE.

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Les apôtres avaient encore demandé : «< Quand ces choses arriveront-elles »? Le Sauveur a déjà annoncé plusieurs fois que l'avènement de sa justice serait inopiné. Il veut que les hommes se tiennent toujours prêts à comparaître devant lui. Pour couper court à toute recherche sur la question posée, il ajoute : << En ce qui concerne ce jour et l'heure, personne n'en sait rien, ni <«<les anges du ciel, ni le Fils; le Père seul le connaît. Ouvrez << les yeux, veillez et priez. Prenez garde à vous, afin que vos << cœurs ne soient pas appesantis par les excès du manger et << du boire et par les soucis de cette vie, de sorte que ce jour-là <«< fonde sur vous à l'improviste. Car il s'abattra comme un filet << sur tous ceux qui vivent à la surface de la terre entière. Il en «< sera de l'avènement du Fils de l'homme comme aux jours de « Noé. Dans les jours qui précédèrent le déluge, on mangeait <«<et on buvait, on prenait femme et on se donnait en mariage, «< jusqu'au moment où Noé entra dans l'arche. On ne s'aperçut << de rien jusqu'à ce qu'arrivât le déluge, qui emporta tous les << hommes. Il en sera ainsi de l'avènement du Fils de l'homme. « De deux qui sont dans le champ, l'un sera pris et l'autre. << laissé; de deux qui font tourner la meule, l'une sera prise et « l'autre laissée ».

Le Fils unique de Dieu connaît nécessairement tout ce que connaît le Père, vis-à-vis duquel il n'a aucune sorte d'infériorité. Il sait donc à quel moment du temps finira le monde. Mais «<le Fils comme notre docteur, le Fils comme l'interprète de la volonté de son Père envers les hommes, ne le sait pas, parce que cela n'est pas compris dans ses instructions, ni dans tout ce qu'il a vu pour nous; et le Fils de Dieu parle ainsi pour transporter en lui-même le mystère de notre ignorance, sans préjudice de la science qu'il avait d'ailleurs, et nous apprendre non seulement à ignorer, mais encore à confesser sans peine que nous ignorons » 1.

Si l'homme, déjà si léger et si présomptueux, connaissait l'heure de son jugement, il serait tenté de ne s'y préparer qu'aux

1. Bossuet, Méditations sur l'Évangile, dernière semaine, LXXVIII® jour.

dernières heures de la vie, et un trop grand nombre succomberaient à cette tentation. Pour aider notre vigilance et notre générosité, pour accroître nos mérites et nous faire posséder dès cette terre le seul vrai bien, qui est son amour, Dieu cache à l'humanité l'heure du dernier jugement, et à chaque homme l'instant où il doit paraître seul devant son Juge. La mort frappe à l'improviste l'un est pris, l'autre est laissé, sans qu'on discerne la cause qui préside au choix divin. Notre Seigneur insiste sur les conséquences pratiques de l'incertitude où nous laisse à dessein sa paternelle bonté.

« Veillez donc, puisque vous ne savez pas à quelle heure << votre Maître doit venir. Remarquez-le bien, si le père de << famille connaissait à quelle heure le voleur doit venir, il veil<«<lerait certainement et ne laisserait pas percer sa maison. Aussi « vous, soyez prêts, puisque vous ne savez pas à quelle heure « le Fils de l'homme doit venir.

« Quand un homme part pour un long voyage et laisse sa <«< maison, il donne pouvoir à ses serviteurs pour chacune de << leurs fonctions et commande au portier de veiller. De même << veillez, puisque vous ne savez pas quand le maître de la << maison doit venir, le soir, au milieu de la nuit, au chant du «< coq ou le matin, afin que, quand il reviendra à l'improviste, <«< il ne vous trouve pas endormis.

« Où est, pensez-vous, le serviteur fidèle et prudent que son << maître a établi à la tête de sa maison, pour donner à chacun << la nourriture au moment voulu? Heureux le serviteur que « le maître, à son retour, trouvera occupé de ce soin! Je vous «<le dis en vérité, il le mettra à la tête de tous ses biens. Mais << si ce serviteur est mauvais et dit en son cœur Mon maître << tarde à venir; et s'il se met à frapper ses compagnons, à << manger et à boire avec les débauchés, le maître de ce servi<«<teur arrivera au jour où il ne l'attend pas et à l'heure qu'il

ignore; il le mettra de côté et lui assignera sa place avec les hypocrites. C'est là que seront les pleurs et grincements de << dents.

<<< Veillez donc et priez en tout temps, afin d'être jugés dignes d'échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous présenter

PARABOLE DES DIX VIERGES.

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<< devant le Fils de l'homme. Et ce que je vous dis à vous, je le «< dis à tous : veillez » 1.

L'insistance de Notre Seigneur sur cette recommandation s'explique assez par le désir ardent qu'il a de procurer la gloire de son père et d'assurer le salut de ces âmes pour lesquelles il va verser son sang. Mais hélas! que d'indifférents vont encore fermer l'oreille à ces solennels avertissements! que de méchants vont mépriser l'affectueuse tendresse qui pousse le cœur de Jésus à réitérer ses conseils et ses menaces! La question est d'une telle gravité que le bon Maître veut encore accentuer sa recommandation par deux paraboles.

Il emprunte la première aux usages suivis par les Juifs dans la cérémonie du mariage. La partie la plus caractéristique de cette cérémonie se célébrait la nuit. La fiancée se tenait chez ses parents, entourée de celles de ses amies qui étaient conviées aux noces. Ces jeunes filles, ayant à la main des lampes allumées, demeuraient prêtes, à accompagner la fiancée jusqu'à la salle du festin, quand l'époux viendrait la chercher. Sitôt que ce dernier arrivait, on formait un joyeux cortège, et l'on se rendait, à la lueur des lampes, jusqu'à la maison où devaient se célébrer les noces. Quand tous étaient entrés, on fermait la porte et l'on n'ouvrait plus à personne.

Notre Seigneur disait donc : « Le royaume des cieux sera « alors semblable à dix vierges, qui prirent leurs lampes et << sortirent pour aller au devant de l'époux et de l'épouse. Mais parmi elles cinq étaient folles et cinq étaient sages. Les cinq << folles prirent leurs lampes, sans se munir d'huile; mais les «< cinq sages prirent, avec leurs lampes, de l'huile dans des vases. << Comme l'époux se faisait attendre, toutes s'assoupirent et << enfin dormirent. Mais au milieu de la nuit, un grand cri retentit : Voici l'époux qui arrive, allez au devant de lui. Toutes «< ces vierges se levèrent donc et garnirent leurs lampes. Les vierges folles dirent alors aux sages: Donnez-nous de votre << huile, parce que nos lampes s'éteignent. Les sages leur ré

1. S. Matthieu, xxiv, 36-51; S. Marc, xIII, 32-37; S. Luc, xxi, 34-36. N. S. J. C. DANS LES SS. ÉVANG.

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pondirent Nous n'en aurions probablement pas assez pour << nous et pour vous. Allez donc plutôt chez ceux qui en vendent, <<< et achetez-vous en. Pendant qu'elles allaient en acheter, l'époux << arriva, celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui aux noces <«<et la porte fut fermée. Bien après, les autres vierges arrivè<< rent en disant: Seigneur, seigneur, ouvrez-nous. Mais il leur répondit En vérité, je vous le dis, je ne vous connais «< pas.

<< Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour ni l'heure »'. L'enseignement qui se dégage de cette parabole intéresse au plus haut point chaque homme en particulier. Les vierges folles se voient interdire l'entrée de la salle des noces; pourtant elles ont été invitées, elles auraient été prêtes si l'époux était venu dès le début de la nuit; elles ne sont ni méchantes, ni criminelles; seulement leur lampe n'éclaire pas, parce qu'elles-mêmes ont négligé de faire provision d'huile. « L'huile figure la grâce du Christ ». Ce seul mot révèle le sens capital de la parabole. Être appelé au salut, faire partie de l'Église, posséder l'état de grâce au début de la vie et même pendant un long temps, pratiquer les grandes vertus naturelles qu'estiment les hommes, sont des conditions insuffisantes pour entrer au ciel : il faut que la lampe brille, il faut que l'âme ait en elle la flamme de la charité à l'heure où Dieu l'évoque à son tribunal. De plus il dépend de chacun d'être en possession de la grâce de Jésus Christ. L'Église la distribue libéralement par les sacrements, et par surcroît de bonté, le Sauveur veut bien l'accorder parfois directement, quand le repentir de l'âme pécheresse est inspiré par une charité assez ardente et une loyale résolution de se soumettre à toutes les volontés divines. A chacun donc de prendre à temps ses précautions.

Mais c'est toujours la grâce elle-même qui vient au devant de l'homme. Le moyen le plus sûr de la posséder au dernier instant, c'est donc de la recueillir et de la faire fructifier pendant tout le cours de la vie. C'est ce que fait entendre Notre Seigneur

1. S. Matthieu, xxv, 1-13.

2. Saint Thomas, Somme théologique, 1. 2. CII, 11, 13.