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IIIS

DEUXIÈME PARTIE.

LA VIE PUBLIQUE DE NOTRE SEIGNEUR.

I

DE LA PRÉDICATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE
A LA PREMIÈRE PAQUE.

CHAPITRE PREMIER.

LA PRÉDICATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE.

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Les grands-prêtres. Saint Jean prêche et baptise.
Avis aux foules, aux publicains et aux

Les saducéens et les pharisiens. soldats.

Saint Jean n'est pas le Christ.

Depuis les jours de l'enfance de Notre Seigneur, de notables changements étaient survenus dans la Palestine.

Le fils d'Hérode, Archélaüs, poursuivi jusqu'à Rome par les récriminations des Juifs, n'en était revenu qu'avec l'humble titre d'ethnarque, au lieu du titre de roi que portait son père. La Judée, la Samarie, au nord, et l'Idumée, au sud, restaient seules confiées à son administration. Il s'acquitta si mal de sa tâche qu'au bout de neuf ans, sur de nouvelles plaintes de ses sujets, il fut exilé à Vienne, dans les Gaules. C'était en l'an 6. A dater de cette époque, les trois provinces furent directement admi

nistrées par un gouverneur romain. Quirinius, légat de Syrie pour la seconde fois, fut chargé d'installer en Judée le nouvel ordre de choses, et, à cette occasion, il eut à faire un nouveau recensement pour déterminer la quotité et la répartition des impôts. Cette opération était singulièrement dangereuse, dans un pays aussi remuant et aussi impatient de la domination étrangère que l'était la Judée. Quirinius, grâce à sa fermeté et à sa modération, l'exécuta cependant sans trop de difficultés.

Le gouverneur romain qu'il établit avait le titre officiel de procurateur. Il résidait habituellement à Césarée, autrefois Tour de Straton, petite localité maritime au sud du Carmel, dont Hérode avait fait un port magnifique et une ville toute romaine. Mais, quand les circonstances le réclamaient, et particulièrement pendant les fêtes de la Pâque, il se transportait à Jérusalem pour y maintenir l'ordre. Là il avait à ses ordres la garnison d'auxiliaires casernée dans la tour Antonia, sorte de fort contigu au temple, qu'Hérode avait mis en communication directe avec les parvis par un passage souterrain.

Le cinquième procurateur fut Ponce-Pilate, qui resta en fonction près de six ans, de 26 à 31. A de sérieuses qualités, il joignait une volonté bien arrêtée de conserver sa place par tous les moyens, problème peu aisé à résoudre; car il fallait être à la fois assez ferme pour contenir les Juifs, et assez modéré pour ne pas les mécontenter à l'excès. Pilate ne fut pas à la hauteur d'une situation si délicate; il provoqua inutilement, par de notables maladresses et parfois par de sanglantes répressions, la susceptibilité des Juifs, et se fit détester, non moins par son caractère personnel, qu'à raison de l'autorité étrangère dont il était le représentant.

Les autres parties de l'ancien royaume d'Hérode restaient au pouvoir de ses autres fils Ceux-ci, comme Archélaüs, ne portaient qu'un titre amoindri. Hérode Antipas était tétrarque de la Galilée et de la Pérée, située sur la rive gauche du Jourdain; il se construisit un somptueux palais à Tibériade, sur le bord sud-ouest du lac de Génézareth ou de Tibériade, appelé parfois aussi mer de Galilée. A Philippe étaient échues, au nord-est de la Galilée, la Gaulanite, l'Iturée, la Trachonite et la Batanée,

LES GRANDS-PRÊTRES.

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avec Césarée pour résidence. Enfin, au nord de la tétrarchie de Philippe, Lysanias gouvernait le pays d'Abila.

L'administration religieuse de la Palestine avait subi le contrecoup des révolutions politiques. Le souverain pontificat était autrefois à vie. Hérode s'arrogea le droit de nommer et de déposer les grands-prêtres à son gré, et les procurateurs suivirent son exemple. Cette fonction auguste devint ainsi une situation politique briguée par les ambitieux et obtenue par les flatteurs du pouvoir. Elle restait si bien à la merci de l'autorité civile, qu'Hérode, et plus tard le procurateur, gardait en sa possession les ornements pontificaux, et ne les livrait qu'aux grandes solennités. En 57 ans, d'Hérode à Ponce-Pilate, il y eut treize grands-prêtres. Anne, le neuvième de cette série, avait été nommé par Quirinius, au moment de l'installation des procurateurs. Il exerça sa charge pendant neuf ans; mais il sut si habilement ménager son influence, que parmi ses successeurs on compte cinq de ses fils, son gendre et un petit-fils. Joseph Caïphe, son gendre, fut grand-prêtre pendant dix huit ans, de 18 à 36, par conséquent pendant toute la vie publique de Notre Seigneur.

A Rome, Tibère avait succédé à Auguste, le premier empereur. Son règne durait depuis quinze ans quand commença la prédication de saint Jean-Baptiste. On était donc alors en 26 ou en 28, selon qu'on date ce règne de l'association de Tibère à l'empire, en 765 de Rome, ou de la mort d'Auguste, en 767. Les deux manières de compter sont également plausibles.

Donc « la quinzième année de l'empire de Tibère César, << Ponce-Pilate étant procurateur de Judée, Hérode tétrarque << de Galilée, Philippe, son frère, tétrarque de l'Iturée et de la « Trachonite, et Lysanias tétrarque d'Abilène, sous les princes « des prêtres Anne et Caïphe, la parole du Seigneur descendit « sur Jean, fils de Zacharie, dans le désert ». C'est là, dans cette solitude, patrie des forts, que le précurseur vivait retiré depuis sa jeunesse, non comme un rêveur qui s'inspire d'une

nature sauvage pour donner à son esprit une trempe originale, mais comme un prophète qui livre son âme toute entière à l'action divine et ne subit d'autre direction que celle de l'Esprit Saint.

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Quand cet Esprit le lui ordonna, «< il se mit à parcourir toute << la région du Jourdain, prêchant un baptême de pénitence « pour la rémission des péchés et disant : Faites pénitence, <«< car le royaume des cieux est proche. Il était celui dont le prophète a dit Voici que j'envoie mon ange devant ta face, pour préparer le chemin devant toi; c'est la voix de celui qui «< crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez <<< droits ses sentiers; que toute vallée soit comblée, que toute << montagne et toute colline soit abaissée; que les chemins tor<< tueux deviennent droits, que les sentiers raboteux s'apla<< nissent tout homme verra alors le salut qui vient de << Dieu »>.

Appelé à remplir cette mission prédite par Isaïe, saint Jean ne prêchait pas dans les villes; il se tenait aux abords de cette route qui côtoie la rive gauche du Jourdain et traverse le fleuve à la hauteur de Jéricho. Par là passaient une foule de Galiléens qui se rendaient à Jérusalem ou en revenaient; car l'hostilité des Samaritains rendait habituellement impraticable à ceux qui ne voyageaient pas en nombre la route qui se déroule au centre du pays.

L'endroit où résidait le précurseur prêtait par lui-même aux pensées sérieuses, et favorisait le recueillement et la prière. Au fond d'une vallée profondément encaissée, coulait le Jourdain, le fleuve << qui descend ». Il avait déjà calmé sa fougue, et laissait dormir ses eaux, entre des rives bordées de rochers abrupts et d'une sombre verdure. Non loin de là s'étendait la mer Morte, dont les eaux maudites et les rivages désolés rappelaient d'antiques iniquités et de terribles châtiments. C'est là que saint Jean prêchait la pénitence et la réforme de la vie. Ces vallées à combler, ces montagnes à abaisser, ces chemins à redresser étaient le symbole des cœurs enfoncés dans la corruption du péché, des esprits hautains, des âmes égarées par les doctrines de mensonge et les illusions volontaires. La lutte contre soi

LES SADUCÉENS ET LES PHARISIENS

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même par la pénitence serait le remède à tous ces maux; la victoire contre tous les penchants pervers de la nature devait préparer au Seigneur le peuple parfait » dont l'ange Gabriel avait parlé à Zacharie.

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Saint Jean exhortait autant par l'exemple que par la parole. « Il avait un vêtement en poils de chameau et une ceinture de << cuir autour des reins, pour nourriture les sauterelles et le « miel des bois ». Ce costume, qui était celui des pauvres gens, ces aliments fournis par la nature marquaient le cas que le saint précurseur faisait des aises de la vie. Des dehors si austères accréditèrent vite sa prédication. « On se rendait vers lui de tout « le pays de Judée, de Jérusalem et de toute la contrée qui << avoisine le Jourdain ». Cette annonce : « Le royaume de Dieu est proche », était d'ailleurs assez significative par elle-même; tous comprenaient que Jean parlait du Messie, et les âmes bien disposées sentaient la nécessité de faire pénitence pour se préparer à sa venue.

Cette pénitence devait être effective et sincère; ceux qui entendaient s'y soumettre « étaient baptisés dans l'eau du Jour<< dain et confessaient leurs péchés » '. Les ablutions ont toujours été familières aux Juifs; ils en saisissaient la signification. morale. Le baptême de Jean n'avait point d'efficacité par luimême; mais c'était comme une initiation à la vie de pénitence, et la confession des péchés, sans doute avec quelque détail, aidait au repentir. Ce double rite faisait naître de salutaires dispositions dans les cœurs, et quand elles se trouvaient suffisantes, la grâce de Dieu purifiait les âmes comme l'eau du fleuve avait purifié les corps.

Cette apparition du précurseur et le succès de sa prédication. ne laissèrent pas de causer grand émoi parmi les autorités religieuses du pays. Deux sectes, dont il sera souvent question dans l'Évangile, se partageaient alors l'élite des esprits, la secte des pharisiens et celle des saducéens.

Les pharisiens remontent à l'époque qui suivit le retour de

1. S. Matthieu, 111, 1-6; S. Marc, 1, 1-6; S. Luc, 111, 1-6.

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