fes actions, que fa jaloufie lui fit démêler, que dans fes regards & dans ceux d'Evandre, il y avoit une parfaite intelligence: auffi-tôt la fureur s'empara de fon efprit & de fon cœur.Il regarda Evandre comme un rival aimé,& fortit pour l'attendre, dans le deffein de s'expliquer avec lui quand il fortiroit, refolu de ne lui ceder Clare qu'après la perte de la vie.

Toute la compagnie s'étant enfuite retirée, les Dieux permirent qu'Antipater qui avoit toujours eu beaucoup d'eftime & d'amitié pour Evandre, dès fa plus tendre jeuneffe, le prit par la main, en lui difant de venir fouper chez lui.

Yolas au defespoir de voir son rival avec fon pere, crut ne pouvoir differer plus long-tems dans le tranfport où il fe fentoit, & qu'il n'avoit rien de mieux à faire

pour fuivre fon deffein, que de les aborder, s'imaginant trouver l'occafion favorable fans être apperçu de fon pere il s'approcha de l'oreille d'Evandre, & lui dit tout bas, qu'il auroit quelque chofe à lui communiquer, s'il vouloit venir fur les remparts. Il étoit fi émû, que le fon de fa voix le trahit, de forte qu'Antipater l'ayant entendu, le doutart qu'il y avoit quelque démêlé, lui ordonna de les fuivre ; & fi-tôt qu'ils furent entrez, Antipater le voyant hors de lui ? Quel mouvement de fureur peut donc vous animer, lui dit-il ? que vous a fait Evandre, que vous le regardez avec tant de couroux? Sous peine de mon indignation je veux en être éclairci; Leonatus fon pere, & moi, vous rendrons juftice, fi cela le merite. Evandre étonné & comme immobile, ré

pondit: Seigneur, je ne puis avoir offenfé Yolas, puifque depuis mon retour je n'ai eu l'honneur de le voir que dans la Salle du Prince, où même je ne lui ai point parlé. Yolas qui connoifloit fon pere fi abfolu, qu'il falloit lui dire quelque railon, réprit à l'inftant: Vous m'avez infulté, je parlois à Clare dans la Salle du Prince, lorfqu'un de vos régards que j'ai furpris l'a forcée de me quitter brusquement; un pareil affront 'ne doit pas être fouffert impuné

ment par un homme comme moi. C'en eft affez, dit Antipater, je vois plus clair que vous ne penfez: vous êtes devenu amoureux de Clare, vous croyez Evandre votre rival; voilà le fujet de vos tranfports Mais écoutés - moi, nous fommes au moment qui decidera lequel de nous aura l'Empire de l'Univers; vous y pouvez prétendre

prétendre un jour comme un au tre, puilque vous êtes mon fils: Leonatus pere d'Evandre eft mon ami, il s'eft declaré qu'il n'aspiroit point à la fuprême grandeur: Aprés cela, il vous fied bien, & Vous êtes un grand Politique, dans ce même moment où l'on devroit oublier jufqu'aux plus anciennes querelles & les plus envenimées, pour obtenir la bienveillance & l'eftime de tout le monde, de vouloir fans raifon faire une querelle à Evandre. S'il eft aimé de Clare, quel droit avez vous de vous y oppofer, ni de les troubler? Si vous êtes digne d'être mon fils, attendez que le bruit des armes foit ceflé, & vous laiffe le tems de vous livrer à l'amour; pour lors par vos foins & yos fervices, vous ferez vos efforts pour meriter l'avantage fur vos rivaux Voilà les confeils que

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j'avois à vous donner en bon pere; mais comme votre Maître, je vous défends fur peine de la vie, d'avoir rien à démêler avec Evandre, ni de l'infulter; je vous ordonne de bien vivre avec lui, il voudra bien avoir la bonté d'oublier ce qui s'eft paffé. Vous m'avez entendu, point de replique.

Evandre qui n'avoit point interrompu ce difcours, répondit qu'il feroit au defefpoir d'être brouillé avec Yolas, & que toute fa vie il feroit fon poffible pour meriter fon amitié. Yolas remarquant dans les yeux d'Antipater qu'il vouloit être obéi, alla embraffer Evandre, qui de fon côté fit plus de la moitié du chemin & l'embraffant avec fincerité le plaignoit dans fon cœur ; mais Yolas outré de dépit, s'en acquit. ta plus froidement, dans la refolution où il étoit de trouver quel