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Vous y faites tout ce qu'il vous plaît. Quand je fuis bon, c'est vous qui me rendez tel. Non-feulement vous tournez mon cœur,comme il vous plaît;mais encore vous me donnez un cœur felon le vôtre. C'est vous qui vous aimez vous-même en moi. C'est vous qui animez mon ame, comme mon ame anime

mon corps. Vous m'êtes plus présent & plus intime, que je ne le fuis à moime. Ce moi, auquel je fuis fi fenfible, & que j'ai tant aimé, me doit être étranger en comparaifon de vous. C'est vous qui me l'avez donné ; fans vous il ne feroit rien. Voilà pourquoi vous voulez que je vous aime plus que fui.

O puiffance incompréhenfible de mon Créateur! ô droit du Créateur fur la créature, que jamais la créature ne comprendra affez! ô prodige d'amour, que Dieu feul peut faire! Dieu fe met, pour ainfi dire, entre moi & moi; il me fépare d'avec moi-même; il veut être plus près de moi par fon amour, que je ne le fuis moi-même; il veut que je regarde ce moi, s'il n'est devenu un avec lui par l'amour, comme je regarderois un être étranger; il veut que je forte des bornes étroites de ce moi, que je lui facrifie tout entier

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& que je le raporte au Créateur de qui je le tiens. Ce que je fuis me doit être bien moins cher que celui pour qui je fuis. Il m'a fait pour lui, & non pour moi-même ; c'est-à-dire pour l'aimer, pour vouloir ce qu'il veut, & non pour m'aimer en cherchant ma propre volonté. Si quelqu'un fent fon cœur révolté contre ce facrifice entier du moi, à celui qui nous a créés; je déplore fon aveuglement; j'ai compaffion de le voir efclave de lui-même ; je prie Dieu de l'en délivrer, en lui enfeignant à aimer comme il faut.

O mon Dieu! je vois dans ces perfonnes fcandalifées de votre amour, les ténebres & la rebellion caufée par le péché originel. Vous n'avez point fait le cœur de l'homme avec une pente criminelle vers lui-même. Cette rectitude où l'Ecriture nous aprend que vous l'avez créé , ne confiftoit qu'à n'être point à foi, mais à celui qui nous a fait pour lui. O Pere! ô Pere! vos enfans font tous défigurés & ne vous reffemblent plus. Ils s'irritent,ils fe découragent quand on leur parle d'être à vous, comme vous êtes à vous-même. En renverfant cet ordre fi jufte, ils veulent follement s'ériger en divinité;

ils veulent être à eux-mêmes, faire tout pour eux, ou du moins ne se donner à vous qu'avec des réferves, à certaines conditions. O monftrueufe fituatuation ô droit de Dieu inconnu ! ô ingratitude, & infolence de la créare! miférable néant, qu'as-tu à garder pour toi qu'as-tu qui t'appartienne ? qu'as tu qui ne vienne d'en haut, & qui ne doive y retourner? Tout jufqu'à ce moi fi injufte, qui veut partager avec Dieu fes dons. Tout ce qui eft.. en toi, crie contre toi pour le Créateur, tais-toi donc créature qui te dérobe à ton Créateur, & rends-toi toute à lui.

Mais hélas! ô mon Dieu, quelle confolation de penfer que tout eft votre ouvrage, autant au-dedans de moi qu'au dehors! Vous êtes toujours avec moi. Quand je fais mal, vous êtes audedans de moi, me reprochant le mal que je fais, m'infpirant le regret du bien que j'abandonne, & me montrant une miféricorde qui me tend les bras. Quand je fais le bien, c'est vous qui m'en inspirez le défir, & qui le faites en moi. C'est vous qui aimez le bien, qui ôtez le mal de mon cœur ; qui fouffrez, qui priez, qui édifiez le pro

chain, qui faites l'aumône ; je fais toumais c'eft par vous;

tes ces chofes

vous me le faites faire; vous les mettez en moi. Ces bonnes œuvres qui font vos dons, deviennent mes œuvres ; mais elles font toujours vos dons, & elles ceffent d'être de bonnes cuvres, dès que je les regarde comme miennes, & que votre don qui en fait tout le prix s'échappe à ma vûë. Vous êtes donc (& je fuis ravi de le pouvoir penfer fans ceffe) opérant dans le fond de moi-même; vous y travaillez invisiblement comme un ouvrier qui travaille aux mines dans les entrailles de la terre. Vous faites tout, & le monde ne vous voit pas; il ne vous attribuë rien. Moi-même je m'égarois en vous cherchant par des vains efforts bien loin de moi; je raffemblois dans mon efprit toutes les merveilles de la nature pour me former quelque image de votre grandeur. J'allois vous demander à toutes vos créatures, & je ne penfois pas à vous trouver au fond de mon cœur, où vous ne ceffiez d'être. Non, mon Dieu, il ne faut point creufer au fond de la terre, ni paffer paffer audelà des Mers; il ne faut point voler jufques dans les Cieux, comme difent

vos faints Oracles, pour vous trouver; vous êtes plus près de nous, que nous ne fommes de nous-mêmes. O Dieu fi grand, & fi familier tour enfemble; si élevé au-deffus des Cieux, & fi proportionné à la baffeffe de fa créature; fi immenfe, & fi intimement renfermé dans le fond de mon cœur ; fi terrible, & fi aimable; fi jaloux, & fi facile pour ceux qui vous traitent avec la familiarité du vrai amour. Quand eft-ce que vos propres enfans cefferont de vous ignorer? Qui me donnera une voix affez forte, pour reprocher au monde entier fon aveuglement,& pour lui annoncer avec autorité tout ce que vous êtes?

Quand on dit aux hommes de vous chercher dans leur propre cœur ; c'est leur propofer de vous aller chercher plus loin que les terres les plus inconnuës. Qu'y a-t-il de plus inconnu & de plus éloigné pour la plupart des hommes vains & diffipés, que le fond de leur propre cœur? Sçavent-ils ce que c'est que de jamais rentrer en eux-mêmes ? En ont-ils jamais cherché le chemin ? Peuvent-ils même s'imaginer ce que c'est que ce fanctuaire intérieur, ce fond impénétrable de l'ame, où vous voulez être adoré en efprit & en vérité ? Ils

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