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qu'on l'aperçoit ? De retourner fon intention vers lui, dès qu'on remarque qu'elle en eft détournée? De ne vouloir jamais rien par délibération, que felon fon ordre & enfin de demeurer foûmis en efprit de facrifice & d'abandon à lui, lorfqu'on n'a plus de confolation fenfible? Comptez – vous pour rien, de retrancher toutes les réfléxions inquietes de l'amour propre ; de marcher toujours fans voir où l'on va, & fans s'arrêter; de ne penfer jamais avec complaifance à foi-même, ou du moins de n'y penser jamais que comme on penseroit à une autre perfonne, pour fuivre un devoir de providence dans le tems préfent, fans regarder plus loin? N'eft-ce pas là ce qui fait mourir le vieil homme, plutôt que les belles réfléxions, où l'on s'occupe encore: de foi par amour propre ; & plutôt que plufieurs œuvres extérieures fur lefquelles on fe rendroit avec orgueil témoignage à foi-même de fon avancement? C'est par une efpéce d'infidélité contre l'atrait de la pure foi, qu'on veut toujours s'affurer qu'on fait bien. C'est vouloir fçavoir ce qu'on fait; ce qu'on ne fçaura jamais, & que Dieu veur qu'on ignore: c'eft s'amufer dans la

voie, pour raifonner fur la voie même. La voie la plus fûre & la plus courte, eft de fe renoncer, de s'oublier en quelque maniere, de s'abandonner, & de ne plus penfer à foi avec trop d'inquiétude par fidélité pour Dieù. Toute la Religion ne confifte qu'à fortir de foi & de fon amour propre, pour tendre à Dieu.

Pour les diftractions involontaires, elles ne diftraïent point l'amour ; puifqu'il eft dans la volonté, & que la volonté n'a jamais de diftractions, quand elle n'en veut point avoir. Dès qu'on les remarque, on les laiffe tomber, & on se retourne vers Dieu. Ainfi pendant que les fens extérieurs de l'Epoufe font endormis, fon cœur veille; fon amour ne fe relâche point. Un pere tendre ne pense pas toujours diftinctement à fon fils. Mille objets entraînent fon imagination & fon efprit; mais fes diftractions n'interrompent jamais l'amour paternel. A quelque heure que fon fils revienne dans fon efprit, il l'aime, & il fent au fond de fon cœur qu'il n'a pas ceffé un feul moment de l'aimer, quoiqu'il ait ceffè de penser à lui. Tel doit être notre amour pour notre Pere célefte; un amour fimple,

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fans défiance & fans inquiétude.

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Si l'imagination s'égare, fi l'efprit eft entraîné, ne nous troublons point. Toutes ces puiffances ne font point le vrai homme de cœur, l'homme caché, 1. Pierre dont parle faint Pierre, qui eft dans l'incorruptibilité d'un efprit modefte, & tranquile. Il n'y a qu'à faire un bon ufage des penfées libres, en les tournant toujours vers la préfence du bienaimé, fans s'inquiéter fur les autres. C'est à Dieu à augmenter, quand il lui plaira, cette facilité fenfible de conferver fa préfence.

par

Souvent il nous l'ôte pour nous avancer; car cette facilité nous amuse trop de réfléxions. Ces réfléxions exceffives font des diftractions véritables, qui interrompent le regard fimple & direct de Dieu, & qui par-là nous retirent des ténebres de la pure foi.

On cherche fouvent dans ces réfléxions le repos de l'amour propre, & la confolation dans le témoignage qu'on veut fe rendre à foi-même. Ainfi on fe diftrait par cette ferveur fenfible : & au contraire on ne prie jamais fi purement, que quand on eft tenté de croire qu'on ne prie plus. Alors on craint de prier mal : mais on ne de

vroit craindre que de fe laiffer aller à la défolation de la nature lâche ; & à l'infidélité, qui veut toujours le démontrer à elle-même fes propres opérations dans la foi ; & enfin aux défirs impatiens de voir & de fentir pour fe confoler.

Il n'y a point de pénitence plus amere que cet état de pure foi fans foûtien fenfible. D'où je conclus que c'eft la pénitence la plus éfective, la plus crucifiante & la plus éxemte de toute illusion. Etrange tentation! On cherche impatienment la confolation fenfible, par la crainte de n'être pas affez pénitent. Hé, que ne prend-t-on pour pénitence ce renoncement à la confolation qu'on eft fi tenté de chercher! Enfin, il faut fe fouvenir de J ESUS-CARIST que fon Pere aban donna fur la Croix: Dieu retira prefque tout sentiment & toute réfléxion pour fe cacher à JESUS-CHRIST; ce fut le dernier coup de la main de Dieu, qui frapoit l'homme de douleur. Voilà ce qui confomma le facrifice. Il ne faut jamais tant s'abandonner à Dieu, que quand il femble nous abandonner. Prenons donc la lumiere & la confolation, quand il la répand; mais fans nous y attacher trop humainement. Quand il

nous enfonce dans la nuit de la pure foi; alors laiffons-nous aller dans cette nuit; & foufrons amoureusement cette agonie.

Un moment en vaut milledans cette tribulation. On eft troublé, & on eft en paix. Non feulement Dieu fe cache, mais il nous cache à nous-mêmes, afin que tout foit en foi. On fe fent découragé, & cependant on a une volonté immobile, qui veut tout ce que Dieu veut de rude. On veut tout. On accepte tout, jufqu'au trouble même, par lequel on eft éprouvé. Ainfi on eft fécretement en paix, par cette volonté qui fe conferve au fond de l'ame pour foufrir la guerre. Béni foit Dieu, qui fait en nous de fi grandes chofes malgré nos indignités !

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V

Ous comprenez qu'il y a beau coup de fautes diférentes qui font journalieres, quoiqu'on ne les faffe pas avec un propos délibéré de les faire pour manquer à Dieu. Sou

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