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vent un ami reproche à un ami une faute dans laquelle cet ami n'a pas réfolu de le choquer expreffément, mais dans laquelle il s'eft laiffé aller, quoiqu'il n'ignorât point qu'il le choqueroit. C'eft ainfi que Dieu nous reproche ces fortes de fautes. Elles font volontaires; car encore qu'on ne les faffe pas avec réfléxion, on les fait néanmoins avec liberté, & avec une certaine lumiere intime & de confcience, qui fuffiroit au moins pour fufpendre & douter de l'action.

Voilà les fautes que font fouvent les bonnes ames. Pour les fautes de propos délibéré, il eft bien extraordinaire qu'on y tombe, quand on s'eft entierement donné à Dieu.

à me

Les petites fautes deviennent grandes, & monftrueufes à nos yeux, fure que la pure lumiere croît en nous; comme vous voïez que le foleil, à mefure qu'il fe leve, nous découvre la grandeur des objets que nous ne faifions qu'entre-voir confufément pendant la nuit. Comptez que dans l'accroiffement de la lumiere intérieure vous verrez les imperfections que vous avez vûës jufqu'ici, comme bien plus grandes & plus malignes dans leur fond,

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que vous ne les voiez jufqu'à préfent; & que de plus vous verrez fortir en foule de votre cœur beaucoup d'autres miferes que vous n'avez jamais pû foupçonner d'y trouver. Vous y trouverez toutes les foibleffes dont vous aurez befoin pour perdre toute confiance en votre force: mais cette expérience loin de vous décourager, fervira à vous arracher toute confiance propre, & à démolir ainfi peu à peu tout l'édifice de l'orgueil. Rien ne marque tant le folide avancement d'une ame, que cette vûë de fes miferes fans trouble & fans découragement.

Une régle importante, c'eft de s'abftenir d'une faute toutes les fois qu'on l'aperçoit avant que de la faire ; & d'en porter courageufement l'humiliation, fi on ne l'aperçoit qu'après l'avoir com> mife.

Si on l'aperçoit avant que de la faire, il faut bien fe garder de réfifter à l'efprit de Dieu, qui avertit intérieurement, & qu'on éteindroit. Il eft délicat. Il eft jaloux. Il veut être écouté, & fuivi. Si on le contrifte, il fe retire. La moindre résistance lui eft une injure. Il faut que tout lui céde, dès qu'il fe fait fentir. Les fautes de précipita

tion, ou de fragilité ne font rien en comparaifon de celles, où l'on fe rend fourd à la voïe fecrete du faint Efprit; qui commence à parler dans le fond du

cœur.

Pour les fautes qu'on n'aperçoit qu'après qu'elles font commifes, l'inquiétude & le dépit de l'amour propre ne les racommoderont jamais ; au contraire, ce dépit n'eft qu'une impatience de l'orgueil à la vûe de ce qui le confond. L'unique ufage à faire de ces fautes, eft donc de s'en humilier en paix. Je dis en paix, parce que ce n'est point s'humilier, que de prendre l'humiliation avec chagrin & à contrecœur. Il faut condamner fes fautes en gémir, en faire pénitence fans chercher l'adouciffement d'aucune excuse & fe voir foi-même devant Dieu dans cet état de confufion, fans trop s'aigrir contre foi-même, & fans fe décourager; mais profiter en paix de l'humiliation de fa faute. Ainfi l'on tire du fer

pent même le remede pour fe guérir

du venin de fa morfure. La confufion du péché quand elle eft reçûe dans une ame qui ne la fuporte point patienment, eft le remede contre le péché même ; mais ce n'eft pas être humble, que de

fe foulever contre l'humiliation.

Souvent ce que nous offrons à Dieu n'eft point ce qu'il veut le plus de nous. Ce qu'il veut le plus, c'eft ce que nous voulons le moins lui donner, & que nous craignons qu'il ne nous demande. C'eft cet Ifaac, fils unique, fils bienaimé, qu'il veut qu'on immole fans compaffion. Tout le refte n'eft rien à fes yeux; & il permet que tout le refte fe faffe d'une maniere pénible & infructueufe, parce que fa bénédiction n'eft point dans le travail d'une ame partagée. Il veut tout, & jufques - là Job. IX. 4. point de repos. Qui eft-ce, dit l'Ecritu re, qui a réfifté à Dieu, & qui a pû être en paix ? Voulez-vous y être, & engager Dieu à bénir vos travaux? Ne réfervez rien, coupez jufqu'au vif; brûlez, n'épargnez rien, & le Dieu de paix fera avec vous. Quelle confolation, quelle liberté, quelle force, quel élargiffement de cœur, quel accroiffement de grace, quand on ne laiffe plus rien entre Dieu & foi, & qu'on a fait fans héfiter les derniers facrifices!

L'intégrité des confeffions paffées confifte non à n'avoir rien obmis de fes fautes, mais feulement à s'être accufé ingénuement de toutes celles qu'on

lu

connoiffoit. Alors l'on n'avoit pas la lumiere de découvrir dans fon fond beaucoup de mouvemens de la nature maligne & dépravée, qui commence à fe déveloper. A mesure que la pure miere croît, on fe trouve plus corrompu qu'on ne croïoit; on eft tout étonné de fon aveuglement paffé, & on voit fortir du fond de fon cœur, comme d'une caverne profonde, une infinité de fentimens honteux, femblables à des reptils fales & pleins de venin. On n'auroit jamais crû les porter dans fon fein, & on a horreur de foi-même à mefure qu'on les voit fortir.

Il ne faut ni s'étonner, ni se décourager. Ce n'eft pas que nous foïons plus méchans que nous l'étions ; au contraire, nous le fommes moins : mais tandis que nos maux diminuent, la lumiere qui nous les montre, augmente, & nous fommes faifis d'horreur. Mais remarquons pour notre confolation que nous n'apercevons nos maux, que quand nous commençons à en guérir. Quand nous fommes privés de tout principe de guérifon, nous ne fentons point le fond de notre mal: c'eft-là l'état d'aveuglement, de préfomption, & d'infenfibilité où l'on eft livré à foimême. On fe laiffe aller au torrent

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