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humilie l'efprit, & le détache peu à peu du monde. Il fait dans le cœur une efpece de folitude qui reffemble à celle que vous fouhaitez. Il fupléra à tout ce qui vous manque dans l'embarras où vous vous trouvez. Pourvû que vous ne parliez point inutilement, vous aurez bien des momens libres au milieu même des compagnies qui vous tiennent malgré vous.

Vous voudrez de la liberté pour prier Dieu; & Dieu qui fait mieux ce qu'il vous faut que vous-même, vous don ne de l'embarras & de la fujetion pour vous mortifier. La mortification qui vient de l'ordre de Dieu, vous fe ra plus utile que la douceur de la priere qui feroit de votre choix & de votre goût.

Vous fçavez bien qu'il ne faut point tant de retraite pour aimer Dieu. Quand il vous donnera du tems, il faudra le prendre, & en profiter. Jufques-là demeurez en état de foi, bien perfuadé que ce qu'il vous donne, eft le meilleur.

Elevez fouvent votre cœur vers lui fans laiffer rien voir au dehors. Ne parlez que pour le befoin. Soufrez patien ment ce qui vous vient de travers. Puif

que vous fçavez la Religion, Dieu vous traite felon votre befoin, & vous avez plus befoin d'être mortifié que de recevoir des lumieres. L'unique chofe que je crains pour vous en cet état, eft la diffipation; mais vous pouvez l'éviter par le filence. Si vous êtes fidele à vous taire, quand il n'eft pas néceffaire de parler, Dieu vous fera la grace de ne vous point diffiper en parlant pour les vrais befoins.

Quand vous ne ferez pas libre de vous réferver de grands tems, ne négligez point d'en ménager de courts. Un demi-quart-d'heure pris avec ce ménagement, & cette fidélité fur vos embarras, vous vaudra devant Dieu des heures entieres, que vous lui donneriez dans des tems plus libres. De plus, divers petits tems ramaffés dans la journée ne laifferont pas de faire tous enfemble quelque chofe de confidérable. Peut-être même en tirerez-vous cet avantage, de vous rapeller plus fréquenment à Dieu, que fi vous ne lui donniez qu'un certain tems réglé. Aimer, fe taire, foufrir, agir contre fon goût pour accomplir la volonté de Dieu, saccommodant à celle du prochain; voilà votre partage. Trop heureux de

porter

la Croix que Dieu vous donne de fes propres mains dans le cours de fa providence.

Les pénitences que nous choififfons, ou que nous acceptons quand on nous. les impose, ne font point mourir notre amour propre, comme celles que Dieu nous diftribue chaque jour. Celles-ci n'ont rien où notre volonté propre puiffe s'apuïer ; & comme elles viennent immédiatement d'une providence miféricordieufe, elles portent avec elles une grace proportionnée à tous nos befoins. Il n'y a donc qu'à fe livrer à Dieu chaque jour fans regarder plus loin. Il nous porte entre fes bras, comme une mere tendre porte fon enfant. Croïons, efpérons, aimons avec toute la fimplicité des enfans. Dans tous nos befoins tournons nos regards tendres & pleins de confiance vers le Pere célefte. Voici ce qu'il dit dans fes Ecritures, quand mê- Ifaïe. XLIX. me une mere oublieroit fon propre fils, le ". fruit de fes entrailles, pour moi je ne vous ublierai jamais.

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15.

DU MENAGEMENT du tems.

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E crois que vous avez deux chofes à faire l'une quant à vos affaires, & l'autre fur vous-même. La premiere qui regarde vos affaires, confifte dans le foin que vous voudrez prendre de dérober au monde un peu de tems pour vos lectures, & pour vos prieres. Il me femble que je vois tous vos embarras, tant je me les repréfente fortement; mais après tout, il faut il faut que les affaires viennent chacune à leur rang, & que celle du falut foit comptée pour la premiere. Que diriez-vous d'une perfonne qui ne trouveroit point de tems pour manger, & pour dormir : Le tems emploïé pour les néceffités de la vie, lui diriez-vous, eft le tems le mieux emploïé pour vos affaires mêmes. Si votre fanté fuccombe, comment agirez-vous? A quoi fervira votre travail, fi la vie vous manque pour en cueillir le fruit?

Je vous dis de même. Si vous laiffez votre ame s'épuiser, & tomber en défaillance faute de nourriture, à quoi aboutiront non feulement les conver

fations; mais encore les affaires qui paroiffent les plus folides, les plus indifpenfables & les plus preffées ? Mar- Luc X. +1.42 the, Marthe, pourquoi vous troublezvous, & vous empreffez-vous? Marie, que vous voïez recueillie, & immobile, a choifi la meilleure part qui ne lui fera jamais ôtée.

Je ne vous dis pas tout ceci pour vous jetter dans les fcrupules fur les ocupations néceffaires; mais foïez perfuadé qu'ils n'iront jamais jufqu'à ne vous laiffer point le tems de manger le pain quotidien pour votre nourriture. Car Dieu eft trop bon, & vous a trop fait fentir fa miféricorde, pour vous ôter les moïens de le prier & de vous foûtenir dans les fentimens qu'il vous infpire. Songez donc à fauver les matins & les foirs quelques heures, en faifant femblant de vous éveiller plus tard, & le foir d'avoir quelques lettres à écrire ; ainfi on fe débaraffe, & les affaires véritables n'en vont pas plus mal.

Il faut auffi mettre à profit tous les momens : quand on attend quelqu'un, quand on va d'un lieu à un autre, quand on eft avec des gens qui parlent volontiers, & qu'on n'a qu'à les laiffer parler

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