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trer infiniment aimable, mais il fe fait aimer en produifant par fa grace fon amour dans nos cœurs : ainfi il éxécute lui-même en nous ce qu'il nous fait voir que nous lui devons.

Vous direz peut-être que vous vous driez fçavoir d'une maniere plus fenfible, & plus en détail, ce que c'est que fe renoncer: je vais tâcher de vous fatisfaire.

On comprend aifément que nous de vons renoncer aux plaifirs criminels, aux fortunes injuftes, & aux groffieres vanités; parce que le renoncement à toutes ces chofes confifte absolument dans un mépris qui les rejette, & qui en condamne toute jouiffance : mais il n'eft pas auffi facile de comprendre le renoncement aux biens légitimement aquis, aux douceurs d'une vie honnête & modefte; enfin aux honneurs qui viennent de la bonne répu tation, & d'une vertu qui s'éleve audeffus de l'envie.

Ce qui fait qu'on a peine à comprendre qu'il faille renoncer à ces chofes, c'eft qu'on ne doit pas les rejetter avec horreur, & qu'au contraire il faut les conferver pour en ufer felon l'état où la divine providence nous met.

On a befoin des confolations d'une vie douce & paifible, pour fe foulager dans les embarras de fa condition. Il faut pour les honneurs avoir égard aux bienféances. Il faut conferver pour fes befoins le bien qu'on poffède. Comment donc renoncer à toutes ces cho

fes, pendant qu'on eft ocupé du foin de les conferver? C'eft qu'il faut fans paffion faire moderément ce que l'on peut pour conferver ces choses, afin d'en faire un ufage fobre, & non pas en vouloir jouir, & y mettre fon

cœur.

Je dis un ufage febre, parce que quand on ne s'attache point à une chofe avec paffion pour en jouir, & pour y chercher fon bonheur, on n'en prend que ce qu'on ne peut s'empêcher de prendre; comme vous voïez qu'un fage & fidele œconome s'étudie à ne prendre fur le bien de fon Maître que ce qui lui eft précisément néceffaire pour les véritables befoins.

Ainfi, la maniere de renoncer aux mauvaises chofes eft d'en rejetter l'ufage avec horreur; & la maniere de renoncer aux bonnes, eft de n'en user jamais qu'avec modération pour la néceffité en s'étudiant à retrancher tous ?

Eue XIV. 33.

les befoins imaginaires, dont la nature avide fe veut flater.

Remarquez qu'il faut non feulement renoncer aux chofes mauvaises, mais encore aux bonnes, car JESUS-CHRIST a dit fans restriction; Quiconque ne renonce pas à tout ce qu'il poffède, ne peut étre mon Difciple.

Il faut donc que tout Chrétien renonce à tout ce qu'il poffède, même aux chofes les plus innocentes, puifqu'elles cefferoient de l'être, s'il n'y renonçoit pas.

Il faut qu'il renonce même aux chofes qu'il eft obligé de conferver avec un grand foin, comme le bien de fa famille, ou comme fa propre réputation puifqu'il ne doit tenir de cœur à aucune de toutes ces chofes, doit les conferver que pour un ufage fobre & modéré ; enfin il doit être prêt à tout perdre, toutes les fois que la providence voudra l'en priver.

il ne

Il doit même renoncer aux perfonnes qu'il aime le plus, & qu'il eft obligé d'aimer; & voici en quoi confifte ce renoncement; c'eft de ne les aimer que pour Dieu, d'ufer fobrement & pour le befoin de la confolation de leur amitié, d'être prêt de les perdre

quand Dieu le voudra, & de vouloir jamais chercher en eux le vrai repos de fon cœur. Voilà cette chafteté de la vraïe amitié chrétienne qui ne cherche que l'Epoux facré dans l'ami mortel, & terreftre. En cet état on use de la créature & du monde, comme n'en - I. Cor. VIL fant point, fuivant l'expreffion de faint " Paul. On ne veut point jouir, on use feulement de ce que Dieu donne, & qu'il veut qu'on aime; mais on en use avec la retenue d'un cœur, qui n'en ufe que pour la néceffité, & qui fe réferve pour un plus digne objet.

C'eft en ce fens que JESUSCHRIST veut qu'on laiffe, pere, mere, freres, fœurs, & amis, & qu'il eft venu aporter le glaive au milieu des familles.

Dieu eft jaloux; fi vous tenez par le fond du cœur à quelque créature, votre cœur n'eft plus digne de lui; il le rejette comme une époufe qui se partage entre l'époux & l'étranger.

Après avoir renoncé à tout ce qui eft autour de nous, & qui n'eft pas nous-mêmes, il faut enfin venir au dernier facrifice, qui eft celui de tout ce qui eft en nous, & nous-mêmes.

Les perfonnes foibles ne connoiffent

rien qui foit plus elles-mêmes, pour ainfi dire, que leur corps qu'elles flatent, & qu'elles ornent avec tant de foin. Souvent même ces perfonnes défabufées des graces du corps, confervent un amour pour la vie corporelle qui va jufqu'à une honteufe lâcheté, & qui les fait frémir au feul nom de la

mort.

Je crois que votre courage naturel vous éleve affez au-deffus de ces craintes. Il me femble que je vous entend dire, je ne veux ni flater mon corps, ni héfiter à confentir à fa deftruction, quand Dieu voudra le fraper & le mettre en poudre.

Mais quoiqu'on renonce ainfi à fon corps, il refte de grands obftacles pour renoncer à fon efprit. Plus on mépri fe ce corps de boue par un courage naturel, plus on eft tenté d'eftimer ce qu'on porte au-dedans de foi, qui va jufqu'à méprifer le corps.

comme une

On eft pour fon efprit, pour fa fageffe & pour fa vertu jeune femme mondaine, eft pour fa beauté. On s'y complaît; on fe fçait bon gré d'être fage, modéré, préfervé de l'yvreffe des autres ; & par-là on s'eny vre du plaifir même de ne pas paroître

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