페이지 이미지
PDF
ePub

Mais pendant que vous faites tour ainfi au dedans, vous n'agiffez pas moins au-dehors. Je découvre par tout jufques dans le moindre atôme cette grande main qui porte le Ciel & la terre, & qui femble fe jouer en conduifant tout l'Univers. L'unique chofe qui m'embarraffe, eft de comprendre comment vous laiffez tant de maux mêlés avec les biens. Vous ne pouvez faire le mal; tout ce que vous faites, eft bon; d'où vient donc que la face de la terre. eft couverte de crimes & de miferes a Il femble que le mal prévale par tout fur le bien. Vous n'avez fait le monde, que pour votre gloire, & on est tenté de croire qu'il fe tourne à votre deshonneur. Le nombre des méchans

furpaffe infiniment celui des bons audedans même de votre Eglife. Prefque toute chair a corrompu fa voïe. Pourquoi tardez-vous, Seigneur, à féparer les biens d'avec les maux ? Hâtez-vous donnez gloire à votre nom. Apprenez à ceux qui le blafphément, combien il eft grand. Vous vous devez à vous-même de rapeller toute chofe à l'ordre. J'entens l'impie qui dir fourdement que vous avez les yeux fermés à tout ce qui fe paffe ici-bas

Elevez-vous, élevez-vous, Seigneur, foulez aux pieds tous vos ennemis. Mais, o mon Dieu, que vos jugemens font profonds! vos voies font plus élevées au-deffus des nôttes, que. les Cieux ne le font au-deffus de la terre. Nous fommes impatiens, parce que notre vie entiere n'eft que comme un moment; au contraire votre longue patience eft fondée fur votre Eternité, devant qui mille ans font comme le jour d'hier déja écoulé. Vous tenez les momens en votre puiffance, & les hommes ne les connoiffent pas. Ils s'impatientent, ils fe fcandalisent, ils vous regardent, comme fi vous fuccombiez fous l'éfort de l'iniquité : mais vous riez de leur aveuglement, & de leur faux zéle.

Vous me faites entendre qu'il y a deux genres de maux; les uns que les hommes ont faits contre votre Loi & fans vous, par le mauvais ufage de leur liberté; les autres que vous avez faits, & qui font des biens véritables, fi on les confidere par raport à la punition des méchans, à laquelle vous les deftinez. Le péché eft le mal qui vient de l'homme; la mort, les maladies, les douleurs, la honte & toutes.

les autres miferes, font des maux que vous tournez à bien, les faifant fervir à la réparation du péché. Pour le pécheur, Seigneur, vous le fouffrez pour laiffer l'homme libre, & en la main de fon confeil, felon le terme de vos Ecritures; mais fans être Auteur du péché. Quelle merveille ne faites-vous point pour manifefter votre gloire ? Vous vous fervez des méchans, pour corriger les bons & pour les perfectionner en les humiliant. Vous vous fervez encore des méchans contre eux-mêmes, en les puniffant les uns par les autres; mais ce qui eft touchant & aimable, vous faites fervir par juftice la perfécution des uns, à convertir les autres. Combien y a-t-il de personnes qui vivoient dans l'oubli de vos graces, & dans le mépris de votre Loi, que vous avez ramenées à Vous en les détachant du monde par les injuftices qu'elles y ont foufertes.

,

Mais j'aperçois, ô mon Dieu, une autre merveille; c'eft que vous foufrez un mêlange de bien & de mal, jufques dans le cœur de ceux qui font le plus à vous. Les imperfections qui reftent dans ces bonnes ames, fer vent à les humilier, à les détacher d'el

[ocr errors]

les-mêmes, à leur faire fentir leur impuiffance, à les faire courir plus ardenment à vous, & à leur faire comprendre que l'oraifon eft la fource de toute véritable vertu. O quelle abondance de biens vous tirez des maux que vous avez permis! Vous ne foufrez donc les maux, que pour en tirer de plus grands biens, & pour faire éclater votre bonté toute puiffante, par. l'art avec lequel vous ufez de ces maux : vous les arrangez fuivant vos deffeins. Vous ne faites pas l'iniquité de l'homme; mais étant incapable de la produire, vous la tournez feulement d'un côté plutôt que de l'autre, felon qu'il vous plaît, pour éxécuter vos profonds confeils de juftice ou de miféricorde. J'entens la raifon humaine qui veut entrer en jugement avec vous qui veut pénétrer vos fecrets éternels, & qui dit: Dieu n'avoit pas befoin de tirer le bien du mal; il n'avoir tout d'un coup qu'à ne permettre aucun mal, & rendre tous les hommes bons; il le pouvoit, il n'avoit qu'à faire pour tous les hommes, ce qu'il a fait pour quelques-uns qu'il a élevés au-deffus d'euxmêmes par le charme de fa grace, pour quoi ne l'a-t-il pas fait 2

,

O mon Dieu, je le fçai par votre fainte parole, vous ne haïffez rien de tout ce que vous avez fait, vous ne voulez la perte d'aucun, vous êtes le Sauveur de tous; mais vous l'êtes des uns, plus que des autres. Quand vous jugerez la terre, vous ferez victorieux dans vos jugemens. La créature condamnée, ne verra qu'équité dans fa condamnation. Vous lui montrerez clairement que vous avez fait pour la culture de votre vigne, tout ce que vous deviez. Ce n'eft point vous qui lui manquez, c'eft elle qui fe manque à votre grace, & qui fe perd elle-même. Maintenant l'homme ne voit point ce détail, car il ne connoît point fon propre cœur. Il ne difcerne ni les graces qui s'offrent à lui, ni fes propres fentimens, ni fa réfiftance intérieure. Dans votre jugement, vous le déveloperez tout entier à fes propres yeux. Il fe verra, il aura horreur de fe voir, & il ne pourra s'empêcher de voir dans un éternel défefpoir ce que vous aurez fait pour lui, & ce qu'il aura fait contre luimême.

Voilà ce que l'homme n'entend point en cette vie. Mais, ô mon Dieu, dès qu'il vous connoît, il doit croire cet

te

« 이전계속 »