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te vérité fans la comprendre. Il ne peut douter que vous ne foïez, vous par qui toutes chofes font. Il ne peut douter que vous ne foïez la bonté fouveraine. Donc il ne lui reste à conclure, malgré toutes les ténebres qui l'environnent, qu'en faifant graces aux uns, vous faites juftice à tous. Bien plus, vous donnez des graces à ceux qui reffentiront la rigueur de votre juftice. Il eft vrai que vous ne faites pas toujours d'auffi grandes graces aux uns qu'aux autres; mais enfin vous leur donnez des graces, & des graces qui les rendront inexcufables, quand vous les jugerez, ou plûtôt quand ils fe jugeront eux-mêmes, & que la vérité imprimée dans leur cœur prononcera leur condamnation. Il eft vrai que vous auriez pû faire davantage pour eux; il eft vrai que vous ne l'avez pas voulu. Mais yous avez voulu tout ce qu'il falloit pour n'être point chargé de leur perte. Vous l'avez permife, & vous ne l'avez point faite. S'ils ont été méchans, ce n'eft pas que vous ne leur euffiez donné de quoi être bons. Ils ne l'ont pas voulu, vous les avez laiffés dans leur liberté; qui peut fe plaindre de ce que vous ne leur avez pas

C

donné une furabondance de grace? Le maître qui offre à tous fes ferviteurs la jufte récompenfe de tous leurs travaux, n'eft - il pas en droit de faire à quelques-uns un excès de libéralité, en donnant à ceux-là par- deffus la mefure, donne-t-il aux autres le moindre fondement de fe plaindre de lui? Par-là, Seigneur, vous montrez que toutes vos voïes font vérité & jugePf. XXIV. ment, comme dit l'Ecriture. Vous êtes bon à tous, mais bon à divers dégrés; & les miféricordes que vous répandez avec une extraordinaire profufion fur les uns, n'eft point une loi rigoureufe que vous vous impofez, pour devoir faire la même largeffe à tous les au

10. & Pf. LXXXVIII.

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tres.

Tais-toi donc, ô créature ingrate, & révoltée. Toi qui penfe dans ce moment aux dons de Dieu, fouviensτοί

que cette pensée eft un don de Dieu même. Dans le moment que tu veux murmurer de fa grace, c'eft la grace même qui te rend attentive à la vûë des dons de Dieu. Loin de murmurer contre l'Auteur de tous les biens, hâte-toi de profiter de ceux qu'il te fait dans ce moment. Ouvre ton cœur, humilie ton efprit, facrifie ta vaine

&présomptueuse raison. Vase de bouë celui qui t'a fait, eft en droit de te brifer. Le voilà qui craint d'être obligé de te rompre. Il te menace par miféricor

de. Je veux donc, ô mon Dieu, pour toujours, étoufer dans mon cœur tous les raifonnemens qui me tentent de douter de votre bonté. Je fçai que vous ne pouvez jamais être que bon. Je fçai que vous avez fait votre ouvrage femblable à vous, droit, jufte & bon; vous l'êtes, mais vous n'avez pas voulu lui ôter le choix du bien, & du mal. Vous lui offrez le bien ; c'eft affez; j'en fuis fûr, fans fçavoir précisément par quel moïen. Mais l'idée immuable & infaillible que j'ai de vous, ne me permettant pas d'en douter, je ne fçaurois avoir des raifons auffi fortes pour vous croire en refte à l'égard d'aucun homme dont je ne connois point l'intérieur, & dont l'intérieur eft inconnu à lui-même; que j'en ai d'innombrables, pour m'affurer que vous ne condamnerez aucun homme dans votre jugement, fans le rendre inexcufable à fes propres yeux. En voilà affés pour me mettre en paix : après cela fi je péris, c'eft que je réfifterai comme les Juifs au faint - Efprit, qui

eft la grace intérieure. O Pere de miféricorde ! je ne pense plus à philofopher fur la

tout par

grace, mais à m'abandonner à elle en filence. Elle fait tout dans l'homme, mais elle fait tout avec lui, & par lui. C'eft donc avec elle qu'il faut que j'agiffe, & que je m'abienne du péché, que je porte mes croix, que je foufre, que je réfifte à mes paffions; que je croïe, que j'espere, que j'aime fuivant toutes fes impreffions. Elle fera tout en moi, je ferai elle. C'est elle qui mût le cœur : mais enfin le cœur eft mû, & vous ne fauvez point l'homme fans le faire agir. C'est donc ainfi à moi à travailler fans perdre un moment, pour ne retarder point la grace qui me pouffe fans ceffe. Tout le bien vient d'elle, tout le mal vient de moi. Quand je fais bien, c'est elle qui m'anime : quand je fais mal, c'eft que je lui réfifte. A Dieu ne plaise que j'en veuille fçavoir davantage; tout le refte ne ferviroit qu'à nourrir en moi une curiofité préfomptueufe. O mon Dieu, c'est aux petits à qui vous révélez vos mysteres, pendant que vous les cachez aux fages & aux prudens du fiécle.

Maintenant, ô grand Dieu, je ne

m'arrête plus à cette difficulté, qui a fouvent frappé mon efprit. D'où vient que Dieu fi bon a fait tant d'hommes qu'il laiffe perdre ? d'où vient qu'il a fait Faître & mourir fon propre Fils, en forte que fa naiffance & la mort font utiles à un fi petit nombre d'hommes. Je comprens, ô Etre tout - puiffant, que tout ce que vous faites, ne vous coûte rien. Les chofes que nous admirons, & qui nous furpaffent le plus, vous font auffi faciles & auffi familieres, que celles que nous eftimons le moins, à force d'y être accoutumés. Vous n'avez pas befoin de proportionner le fruit de votre travail, à ce que l'ouvrage vous coûte; parce que nul ouvrage ne vous coûte jamais, ni éfort, ni travail, & que l'unique fruit que vous pouvez tirer de votre ouvrage, eft l'accompliffement de votre bon plaifir. Vous n'avez besoin de rien; il n'y a rien que vous puiffiez aquérir; vous portez tout au-dedans de vous-même. Ce que vous faites au-dehors, n'y ajoûte rien, ni pour votre bonheur, ni pour votre gloire.Votre gloire ne feroit donc pas moindre, quand même aucun homme ne recevroit le fruit de la mort du Sauveur. Vous auriez pû le faire naî

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