avez mis dans cet Apôtre. Efprit qui l'avez envoïé,qui l'avez conduit,qui l'avez rempli, rempliffez-moi, infpirez-moi, transformez-moi en une créature nouvelle. O Pere de lumiere & des miféricordes vous faites des hommes ce qu'il vous plaît. Ils femblent n'être plus hommes dès que vous parlez. Quel est donc cet homme foible, timide, vil, felon le monde, pauvre, groffier ignorant ? Où va-t-il ? Que prétend-il faire? Changer la face des Nations les plus éloignées, vaincre par la feule vérité les peuples jufqu'auxquels les Rois conquérans n'ont jamais pénétré par leurs armes ; découvrir un nouveau monde, pour y porter une nouvelle loi. Entreprendre de telles chofes fur le monde, c'est être bien mort à fa propre fageffe, c'eft être bien enyvré de la folie de la Croix. C'est ainsi, Efpric deftructeur, que vous anéantiffez dans vos parfaits Enfans toute fageffe, tout efprit propre, toute régle humaine tout moïen raisonnable. Vous apellez ce qui n'eft pas, pour confondre ce qui eft. Vous vous plaifoz à choisir ce qui eft le plus vil, pour faire aux yeux dụ monde furpris, ce qui eft le plus grand & le plus impoffible. Vous êtes jalous Bb iiij de la gloire de votre ouvrage, & vous ne le voulez fonder que fur le néant. Vous creufez jufqu'au néant pour le fonder; comme les hommes fages dans leurs bâtimens creufent jufquau rocher ferme. Creusez donc en moi, ô mon Dieu, jufqu'à l'anéantiffement de tout moi-même. Efprit deftructeur renverfez, mettez tout en défordre, n'épargnez aucun arrangement humain, défaites tout, pour tout refaire. Que votre créature foit toute nouvelle, & qu'il ne reste aucune trace de l'ancien plant. Alors aïant tout éfacé, tout défiguré, tout réduit à un pur néant, je déviendrai en vous toutes chofes, parce que je ne ferai plus en moi rien de fixe. Je n'aurai aucune confiftance, mais je prendrai dans votre main toutes les formes qui conviendront à vos deffeins. C'eft par l'anéantiffement de mon être propre & borné, que j'entrerai dans votre immenfité divine. O qui le comprendra ! O qui me donnera des ames qui aïent le goût & l'atrait de la deftruction! Si peu que l'on réferve, on demeure borné. Quelque bonne que paroiffe la réserve, quand c'eft à l'égard de Dieu qu'on la fait, c'eft un larcin; car tout lui eft dû, puifque tour vient de lui. Plus les dons font purs, plus il eft jaloux de ne nous les point laiffer poffeder en propre. Il n'y a donc que l'entiere deftruction qui nous rende fes vrais inftrumens. Faites de moi, Seigneur, comme de Thomas, votre Apôtre. Il étoit de ces hommes anéantis, dont il eft dit qu'ils étoient livrés à votre grace. Il n'étoit rien ni par les richeffes, ni par la réputation,ni par les talens,ni même par la vertu. C'étoit l'infirmité même, où vous avez pris plaifir de faire reluire votre force. Il a porté votre nom jufqu'au fond de l'Orient, à ces peuples qui étoient affis dans la région de l'ombre de la mort, & qui n'avoient pas même des yeux pour voir la lumiere. Le monde, tout monde qu'il eft, critique, malin, fcandalifé de tout, indocile, endurci, faux & trompeur, jufqu'à fe tromper lui-même, dégoûté de la vérité qui lui est odieufe, amateur infenfé du menfonge qui le flate; ce monde n'a pas pû réfifter à celui qui n'étoit rien par luimême, & qui par cet anéantiffement étoit tout en Dieu. Dieu parle dans fa chetive créature; & cette parole qui a fait le monde, le renouvelle. O mon Dieu! je l'entens, & je treffaille de joie au faint Efprit en le comprenant; vous l'avez caché aux grands & aux fages, jamais ils ne l'entendront : mais vous le revelez aux fimples & aux petits. Tout confifte à s'apetiffer & à s'anéantir. Tandis qu'on eft encore quelque chose, on eit encore rien, on est encore propre à rien. Ce qui refte même de plus caché, même de meilleur en aparence, refifte à tout ce que Dieu veut faire, & arrête sa main toutepuiffante. Mais quelle étenduë cette vérité n'at-elle point? Hélas! où eft l'ame courageufe qui veut bien n'être rien, & qui laiffe tout tomber, tout perdre, ta lens, efprit, amitiés, réputation, hon neur ? Où font-elles ces ames de foi? On fait comme Thomas incrédule; on veut voir, on veut toucher, on veut s'affurer des dons de Jasus-CHRIST, Jean, XX 29. & de fon avancement : mais bienheureux ceux qui croient fans voir, & qui adorent Dieu en efprit &en vérité par le facrifice d'holocaufte, qui eft la perte totale de tout ce qui eft en nous ! Voilà ce qui fait la vie apoftolique, transformée ca JESUS-CHRIST. 299 E vous adore, Enfant JESUS, nud, pleurant, & étendu dans la Crêche. Je n'aime plus que votre Enfance & votre pauvreté. O qui me donnera d'être auffi pauvre & auffi enfant que vous ! O Sageffe éternelle réduite à l'enfance! ôtez-moi ma fageffe vaine & préfomptueufe: faites-moi enfant avec vous. Taifez-vous, fages de la terre, je ne eux rien être, je ne veux rien fçavoir; je veux tout croire, je veux tout foufrir, je veux tout perdre, jufqu'à mon propre jugement. Bienheureux les pauvres, mais les pauvres d'efprit, que JESUS a faits femblables à lui dans fa Crêche, & qu'il a dépouillés même de leur propre raifon! O hommes qui êtes fages dans vos penfées, prévoïans dans vos deffeins, compofés dans vos difcours, je vous crains; votre grandeur m'intimide, comme les enfans ont peur des grandes perfonnes. Il ne me faut plus que des enfans de la fainte Enfance. Le Verbe fait chair, la parole toutepuiffante du Pere, fe taît, bégaïe pleure, pouffe des cris enfantins; & moi je me piquerai d'être fage, & je |