ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

,

tre pour un feul prédeftiné. Un feul eû tfuffi fi vous n'en euffiez voulu qu'un feul, car vous faites tout ce que vous faites, non pour le befoin que vous avez des chofes, ou pour leur mérite à votre égard, mais pour accomplir votre volonté toute gratuite, qui n'a nulle autre régle qu'elle même, & votre bon plaifir. Au refte, fi tant d'hommes périffent, quoique lavés dans le fang de votre Fils; c'est encore une fois, que vous les laissez dans l'ufage de leur liberté; vous trouvez votre gloire en eux par votre justice, comme vous la trouvez dans les bons par votre miféricorde. Vous puniffez les méchans malgré vous, quoiqu'ils aïent eu de quoi être bons: & vous ne couronnez les bons, qu'à caufe qu'ils font devenus tels par votre grace. Ainfi je vois qu'en vous tout eft juftice & bonté.

Pour tous les maux extérieurs, j'ai déja remarqué, ô Sageffe éternelle, ce qui fait que vous les fouffrez. C'eft que votre providence en tire les plus grands biens. Les hommes foibles, & ignorans de vos voïes en font fcandalifés ; ils gémiffent pour vous, comme fi votre caufe étoit abandonnée : peu s'en faut

qu'ils ne croïent que vous fuccombez,& que l'impiété triomphe de vous. Ils font tentés de croire que vous ne voïez pas ce qui fe paffe, ou que vous y êtes infenfible. Mais qu'ils attendent encore un peu ces hommes aveugles, & impatiens. L'impie qui triomphe, ne triomphe pas long-tems; il fe flétrit Pr. XXXVI comme l'herbe des champs qui fleurit 2. le matin, & qui le foir eft foulée aux pieds: la mort ramene tout à l'ordre. Rien ne vous preffe pour accabler vos ennemis. Vous êtes patient, comme dit faint Auguftin, parce que vous êtes Eternel. Vous êtes für du coup qui les écrafera. Vous tenez longtems votre bras levé, parce que vous êtes Pere, que vous ne frappez qu'à regret, à l'extrêmité, & que vous n'ignorez point la pefanteur de votre bras. Que les hommes impatiens fe fcandalifent donc, pour moi je regarde les fiécles comme une minute devant vous. Cette fuite de fiècles qu'on nomme la durée du monde, n'est qu'une décoration qui va difparoître, qu'une figure qui paffe, & qui va s'évanoüir. Encore un peu, ô hommes qui ne voïez rien; encore un peu, & vous verrez ce que Dieu vous prépare: vous

2

le verrez lui-même, tenant fous fes pieds fes ennemis. Quoi vous trouvez cette horrible attente trop éloignée. Hélas elle n'eft que trop proche pour tant de malheureux! Alors les biens & les maux feront féparés à jamais; Eccl. III. 17. & ce fera, comme dit l'Ecriture, le tems de chaque chofe.

Cependant tout ce qui nous arrive, c'est vous qui le faites, ô mon Dieu, & qui le faites, afin qu'il tourne à bien pour nous. Nous verrons à votre lumière dans l'éternité, que ce que nous défirions, nous eût été funefte, & que ce que nous voulions éviter, eût été effentiel à notre bonheur.

O biens trompeurs, je ne vous nommerai jamais biens, puifque vous ne fervez qu'à me rendre méchant & malheureux. O Croix, dont Dieu me charge, & dont la nature lâche se croit accablée; vous que le monde ap-. pelle des maux, vous n'en ferez jamais pour moi! Plûtôt ne parler jamais, que de parler ce langage maudit des enfans du fiècle. Vous êtes mes vrais biens : c'est vous qui m'humiliez, qui me détachez, qui me faites fentir ma mifere, & la vanité de tout ce que je voulois aimer ici- bas. Béni foïez

vous à jamais, ô Dieu de vérité, qui m'avez attaché à la Croix avec votre Fils, pour me rendre femblable à l'objet éternel de vos complaisances. Qu'on ne me dife point que Dieu n'obferve pas de fi près ce qui fe passe parmi les hommes. O aveugles qui parlez ainfi, vous ne fçavez pas même ce que c'est que Dieu. Sçachez que tout ce qui eft, n'eft que par une émanation de fon être. Que tout ce qui a l'intelligence, ne l'a que par une participation de fa raifon fouveraine; & que tout ce qui agit, n'agit que par l'impreffion de fa fuprême activité. C'est lui qui dans chaque moment de notre vie, est la refpiration de notre cœur, le mouvement de nos membres, la lumiere de nos yeux, l'intelligence de notre efprit, l'ame de notre ame. Tout ce qui est en nous, vie, action, penfée, volonté, fe fait par l'actuelle impreffion de cette puiffance & de cette vie, de cette penfée & de cette volonté éternelle.

Comment donc, ô mon Dieu, pourriez-vous ignorer en nous, ce que vous y faites vous-même ? Comment pourriez-vous être indifférent fur les maux qui ne fe commettent qu'en vous réfiftant intérieurement, & fur les biens

29.

que nous ne faifons qu'autant que vous prenez plaifir à les faire vous-même en nous ? Cette attention ne vous coute rien. Si vous ceffiez de l'avoir, tout périroit; il n'y auroit plus de créature qui pût ni vouloir, ni penfer, ni éxifter. O combien s'en faut-il, que les hommes ne connoiffent leur impuissance & leur néant, votre puiffance & votre action fans borne, quand ils s'imaginent que vous feriez fatigué d'être attentif & opérant en tant d'endroits ! Le feu brûle par tout où il eft: il faudroit l'éteindre & l'anéantir, pour le faire ceffer de brûler; tant il eft actif & dévorant par fa nature. Ainfi en Dieu tout eft action, vie & mouveHebr. XII. ment. C'eft un feu confumant comme il le dit lui-même. Par tout où il eft, il fait tout; & comme il eft par tout, il fait toutes chofes dans tous les lieux. Il fait, comme nous l'avons vû, une création perpetuelle, & fans ceffe renouvellée pour tous les corps. Il ne crée. pas moins à chaque inftant toutes les créatures libres & intelligentes. C'est lui qui leur donne la raison, la volon té, la bonne volonté, les divers dégrés de volonté conforme à la fienne; car il Phil. II.13. donne, comme dit faint Paul, le vouloir & le faire.

« ÀÌÀü°è¼Ó »