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le prix de JESU s. O Roi immortel de tous les fiécles! bien-tôt vous n'aurez même de lieu où vous puiffiez repopas fer votre tête. Vous enrichirez le monde de votre pauvreté, & déja vous paroillez au Temple en qualité de pauvre. Heureux quiconque fe fait pauvre avec vous ! heureux qui n'a plus rien, & qui ne veut plus rien avoir ! heureux qui a perdu en vous & aux pieds de votre croix toute poffeffion, qui ne poffede plus même fon propre cœur, qui n'a plus de volonté propre, qui loin d'avoir quelque chofe, n'eft plus à foi-même d'une maniere déréglée ! O riche & bienheureuse pauvreté ! ô tréfor inconnu aux faux fages !ô nudité qui eft audeffus de tous les biens les plus éblouïffans! Graces à vous, Enfant JESUS, je veux tout perdre, jufqu'à mon propre cœur, jufqu'au moindre défir propre, jufqu'aux derniers reftes de ma volonté propre. Je cours après vous, nud & enfant, comme vous l'êtes vousmême.

Je comprens affez par l'horreur que j'ai de moi-même, combien je fuis une victime impure, & indigne de votre Pere. Je n'ofe donc m'ofrir qu'autant que je ne fuis plus moi-même, & que je

ne fais plus qu'une même chofe avec vous. O qui le comprendra ! Mais il est pourtant vrai, qu'on n'est digne de Dieu, qu'autant qu'on eft hors de foi, & perdu en lui. Arrachez-moi donc à moi-même. Plus de retours d'amour propre, plus de défirs inquiets, plus de crainte ni d'efpérance trop inquiéte pour mon propre intérêt. Le mai à qui je raportois tout autrefois, doit être anéanti pour jamais. Qu'on me mette haut, qu'on me mette bas, qu'on fe fouvienne de moi, qu'on m'oublie; qu'on me loue, qu'on me blâme ; qu'on fe fie à moi, ou qu'on me foupçonne, même injuftements qu'on me laiffe en paix ou qu'on me traverse, qu'impor te! ce n'eft plus mon afaire. Je ne fuis plus à moi, pour m'intéreffer à tout ce qu'on me fait. Je fuis à celui qui fair faire toutes ces chofes felon fon plaifir: fa volonté fe fait, & c'eft affez. S'il y avoit encore un refte du moi,» pour fe plaindre & pour murmurer, mon facrifice feroit imparfait. Gette deftruftion de la victime, qui doit a néantir tout être propre, répond à tontes les révoltes de la nature.

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Mais ce traitement qu'on me fait, oft injufte; mais certe acufation eft fauffe &

maligne; mais cet ami est infidele & ̧ ingrat; mais cette perte de biens m'acable; mais cette privation de toutes confolations fenfibles, eft trop amere; mais cette épreuve où Dieu me met, eft trop violente; mais les gens de bien de qui j'atendois du fecours, n'ont pour moi que de la féchereffe, & de l'indiférence; mais Dieu lui-meme femble me rejéter & fe retirer de moi. Hé bien, ame foible, ame lâche, ame de peu de foi, ne veux-tu pas tout ce que Dieu veut ? Es- tu à lui ou à toi ? Si tu es encore à toi, tu as raifon de te plaindre, & de chercher ce qui te convient. Mais fi tu ne veux plus être à toi, pourquoi donc t'écouter encore toi-même? Que te refte-t-il à dire en faveur de ce malheureux moi auquel tu as renoncé fans réferve & pour toujours ? Qu'il periffe; que toute reffource lui foit arrachée, tant mieux, c'est-là le facrifice de vérité, tout le reste n'en eft que l'ombre. C'est par-là que la victime eft confomnée, & Dieu dignement adoré. O JESUS, avec qui je m'ofre, donnez-moi le courage de ne me plus compter pour rien, & de ne laiffer en moi rien de moi-même.

Vous fûtes racheté par deux colom

bes; mais ce rachat ne vous délivroit pas du facrifice de la Croix où vous deviez mourir au contraire, votre Préfentation étoit le commencement & les prémices de votre ofrande au Calvaire. Ainfi, Seigneur, toutes les chofes extérieures que je vous donne ne pouvant me racheter, il faut que je me donne moi-même tout entier, & què je meure fur la croix. Perdre le repos', la réputation, les biens, la vie, ce n'eft encore rien; il faut fe perdre foi-même en Dieu, ne fe plus aimer d'un amour déréglé, fe livrer fans pitié à votre justice, devenir étranger à foi-même, & n'avoir plus d'autre intérêt que celui de Dieu à qui on apartient.

M

Pour le Tems du Carême.

E voici, mon Dieu, en un tems de privation & d'abstinence ; mais ce n'est rien que de jeûner des viandes groffieres, qui nourriffent le corps, si on ne jeûne auffi de tout ce qui fert d'aliment à l'amour propre. Donnez-moi donc, ô Epoux des ames, cette virginité intérieure, cette pureté de cœur, cette féparation de toute créature, cette fobriété dont parle votre

Apôtre, par laquelle on n'ufe d'aucune créature que pour les feul befoin, comme les perfonnes fobres ufent des viandes pour la néceffité. O bienheureux jeûne, où l'ame tient tous les fens dans la privation du fuperflu! O fainte abftinence, où l'ame raffafiée de la yolonté de Dieu, ne fe nourrit jamais de sa volonté propre ! Elle a, comme JESUSCHRIST, une autre viande dont elle fe nourrit. Donnez-le moi, Seigneur,ce pain qui eft au-deffus de toute fubftance, ce pain qui apaifera à jamais la faim de mon cœur, ce pain qui éteint tous les défirs, ce pain qui eft la vraie manne, & qui tient lieu de tout.

O mon Dieu, que les créatures Le taisent donc pour moi, & que je me taife pour elles en ce faint tems: que mon ame fe nourriffe dans le filence, en jeûnant de tous les vains difcours. Que je me nourriffe de vous feul, & de la Croix de votre Fils JESUS.

Mais quoi! faudra-t-il que je fois dans une crainte continuelle de rom pre ce jeûne intérieur, par les confolations que je pourrois goûter au dehors? Non, non, mon Dieu, vous ne voulez point cette gêne & cette inquié aude. Votre esprit eft un efprit d'amour

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