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& de liberté, & non un efprit de crainte & de fervitude. Je renoncerai donc à Tout ce qui n'eft point de votre ordre pour mon état, à tout ce que j'éprouve qui me diffipe trop, à tout ce que les perfonnes qui me conduifent à vous, jugent que je dois retrancher; enfin à Lout ce que vous retrancherez vousmême par les événemens de votre Providence. Je porterai paisiblement toutes ces privations, & voici ce que j'a jouterai encore: c'eft que dans les converfations innocentes & néceffaires, je retrancherai ce que vous me ferez sentir intérieurement n'être qu'une recherche de moi-même. Quand je me fentirai porté à faire là-deffus quelque facrifice, je le ferai gaiement. Mais d'ailleurs, o mon Dieu, je fai que vous voulez qu'un cœur qui vous aime foit au large. J'agirai avec confiance, comme un enfant qui joue entre les bras de fa mere; je me réjouirai devant le Seigneur, je tâcherai de rejouir les autres, j'épancherai mon cœur fans crainte dans l'affemblée des Enfans de Dieu. Je ne veux que candeur, innocence, joie du faint-Elprit. Loin de moi donc ô mon Dieu, cette fagelle trifte & craintive, qui fe range toujours eller

même, qui tient toujours la balance en main pour pefer des atomes, de peur

de rompre ce jeûne intérieur. C'eft vous faire injure que de n'agir pas avec vous fimplement, & en enfant ; rigueur eft indigne de vos entrailles. Vous voulez qu'on vous aime uniquement; voilà fur quoi tombe votre jaloufie: mais quand on vous aime, vous laiffez agir librement l'amour, & vous voïez bien ce qui vient véritablement de lui.

Je jeûnerai donc, ô mon Dieu, de toute volonté qui n'est point la vôtre ; mais je jeûnerai par amour dans la liberté & dans l'abondance de mon cœur. Malheur à l'ame retrécie & defféchée en elle-même, qui craint tout, & qui à force de craindre n'a pas le tems d'aimer, & de courir généreufement après l'Epoux !

O que le jeûne que vous faites faire à l'ame fans la gêner, eft un jeûne é xact! Il ne refte rien au cœur que le Bien-aimé, & fouvent encore il cache à l'ame ce Bien-aimé, pour la laiffer comme défaillante, & prête à expirer. Voilà le grand jeûne, où l'homme voit fa pauvreté toute nue; car on lui arrache jusqu'au moindre refte de vie en lui-même

lui-même. O grand jeûne de la pure foi, qui vous comprendra! Où est l'ame affez courageufe pour vous acomplir? O privation universelle ! ô renoncement à foi-même comme aux chofes les plus vaines au dehors! O fidélité d'une ame qui fe délaiffe elle-même, pour vous fuivre fans relâche par l'amour jaloux, & qui foufre que tout lui foit ôté ! Voilà, Seigneur, le facrifice de ceux qui vous adorent en efprit & en vérité; c'est par ces épreuves qu'on devient digne de vous. Faites, Seigneur, rendez mon ame vuide, afamée & défaillante; faites felon votre bon plaifir. Je me tais, j'adore, je dis fans ceffe: Que votre volonté fe faffe, & non la mien- Luc XXII.42 ze; je ne veux que vous feul ô mon Dieu.

J

Pour le Jeudi Saint.

Esus, Sageffe éternelle, vous êtes caché dans ce Sacrement, & c'eft-là que je vous adore aujourd'hui. O que j'aime ce jour, où vous vous donnâtes vous-même tout entier aux Apôtres!) Que dis-je, aux Apôtres ? Vous ne Vous êtes moins donné à nous qu'à pas eux : Précieux don, qui fe renouvelle tous les jours depuis tant de fiéFf

cles, & qui durera fans interruption autant que le monde ! O gage des bontés du Pere des miféricordes! O Sacrement de l'amour! ô pain au-deffus de toute fubftance ! Comme mon corps fe nourrit du pain groffier & corruptible, ainfi mon ame doit fe nourrir chaque jour de l'éternelle véFité, qui s'est fait non-feulement chair pour être vie, mais encore pain, pour être mangé, & pour nourrir les Enfans de Dieu.

Hélas! où êtes-vous donc, ô Sageffe profonde, qui avez formé l'Univers? Qui pourroit croire que vous fuffiez fous cette vile aparence? On ne voit qu'un peu de pain, & on reçoit avec la chair vivifiante du Sauveur tous les tréfors de la Divinité. O Sageffe, ô Amour infini! pour qui faites-vous de fi grandes chofes ? Pour des hommes ingrats, groffiers, aveugles, ftupides, infenfibles, incapables de goûter votre don. Où font les ames qui fe nourrisfent de votre pure vérité ? qui vivent de vous feul, qui vous laiffent vivre en elles, & qui fe transforment en vous? Je le comprens, vous voulez faire en forte que par ce Sacrement, nous n'aïons plus d'autre fageffe que

la vôtre, ni d'autre volonté que votre 339 volonté même qui doit vouloir en nous. Cette Sageffe divine doit être cachée en nous, comme elle l'eft fous les voiles du Sacrement. Le dehors doit être fimple, foible, méprifable à l'orgueilleuse fageffe des hommes; le dedans doit être tout mort à foi, tout transformé, tout divin.

pour ne montrer

Jufqu'ici, ô mon Sauveur, je ne me fuis point nourri de votre vérité ; je me fuis nourri des cérémonies de la Religion, de l'éclat de certaines vertus qui élevent le courage; de la bienséance, de la régularité des actions extérieures, de la victoire que j'avois befoin de remporter fur mon humeur rien qui ne fût parfait. Voilà le voile groffier du Sacrement. Mais le fonds du Sacrement même, mais cette vérité fubftantielle, & au-deffus de toute fubftance bornée & comprise, où estelle: Hélas! je ne l'ai point cherchée. J'ai fongé à régler le dehors fans chan→ ger le dédans. Cette adoration en efprit & en vérité, qui confifte en la deftruction de toute volonté propre, pour laiffer régner en moi celle de Dieu feul, m'eft encore prefqu'inconnuë. Ma bouche a mangé ce qui eft extérieur & fenfible dans le Sacrement, & mon

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