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cœur n'a point été nourri de cette vérité fubftantielle. Je vous fers, mon Dieu; mais à ma mode, & felon les vûës de ma fagesse qui eft une vraïe folie. Je vous aime; mais pour mon bien plus que pour votre gloire. Je défire vous glorifier; mais avec un zéle qui n'est point abandonné fans réserve à toute l'étenduë de vos deffeins. Je veux vivre pour vous; mais renfermé en moi, & je crains de mourir à moi-même. Quelquefois je crois être prêt à tous les plus grands facrifices; & la moindre perte que vous éxigez de moi un moment après, me trouble, me décourage.

O Amour! que ma mifere & mon indignité ne vous rebutent point. C'est fous ce voile méprifable que vous voulez cacher la vertu & la grandeur de votre Myftere. Vous voulez faire de moi un facrement qui éxerce la foi des autres, & la mienne même. En cet é tat de foibleffe, je me livre à vous : je ne puis rien; mais vous pouvez tout, & je ne crains point ma foibleffe, fentant fi près de moi votre toute-puiffance. Verbe de Dieu, foiez fous cette foible créature comme vous êtes fous l'efpéce du pain. O parole fouveraine

& vivifiante ! parlez dans le filence de mon ame; faites taire ce qui n'eft point vous; faites taire mon ame même, & qu'elle ne fe parle plus intérieurement, pour n'écouter que vous. O pain de vie! je ne me veux plus nourrir que de vous feul: tout autre aliment me feroit vivre à moi-même, me donneroit une force propre, & me rempliroit au de

hors.

Que mon ame meure de la mort des Juftes, de cette bienheureuse mort qui doit prévenir la mort corporelle; de cette mort intérieure, qui divife l'ame d'avec elle-même, qui fait qu'elle meure à fes défirs corrompus, & à tout. l'amour propre qui eft en elle. O Amour! vous tourmentez merveilleusement. Le même pain du Ciel fait mourir & fait vivre ; il arrache l'ame à elle-même, & il la met en paix; il lui ôte tout, & il lui donne tout; il lui ôte tout en elle & lui donne tout en Dieu, en qui feul les chofes font pures. O mon Amour, ô ma vie, ô mon tout! je n'ai plus que vous. O divin pain je vous mangerai tous les jours, & je ne craindrai rien tant, que d'être privé de cette célefte nourriture.

1. Cor. I. 23.

Pour le Vendredi Saint.

E myftere de la Paflion de JESUSCHRIST eft incompréhensible aux hommes. Il a paru un fcandale aux Juifs, & une folie aux Gentils. Les Juifs étoient zélés pour la gloire de leur Religion; ils ne pouvoient foufrir l'oprobre de JESUS-CHRIST. Les Gentils, pleins de leur philofophie, étoient fages, & leur fageffe fe révoltoit à la vue d'un Dieu crucifié : c'étoit renverfer la raison humaine, que de prêcher ce Dieu fur la Croix. Cependant certe Croix prêchée dans tout l'Univers, furmonte le zéle fuperbe des Juifs, & la fageffe hautaine des Gentils. Voilà donc à quoi aboutit le myftere de la Paffion de JESUS-CHRIST, à confondre non- feulement la fageffe profane des mondains, qui, comme les Gentils, regardent la piété comme une folie, fi elle n'eft toujours revêtuë d'un certain éclat; mais encore le zéle fuperbe de certaines perfonnes pieufes, qui ne veulent rien voir dans la religion qui ne feit conforme à leur faulles idées.

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O mon Dieu, je fuis du nombre de ces Juifs fcandalifés! il eft vrai, ô JE

Sus, que je vous adore fur la Croix; mais cette adoration n'eft qu'en cérémonie; elle n'eft point en vérité.

le cœur ne

La véritable adoration de JESUSCHRIST crucifié, confifte à fe facrifier avec lui, à perdre sa raison dans la folie de la Croix ; à en avaler tout l'oprobre; à vouloir être, fi Dieu le veut, un fpectacle d'horreur à tous les fages de la terre; à confentir de paffer pour infenfé comme JESUS-CHRIST. Voilà ce qu'on dit volontiers de bouche, mais voilà ce que dit point. On s'excuse par de vains prétextes; on frémit; on recule lâchement dès qu'il faut paroître nu & raffafié d'oprobres avec l'homme de douleurs. O mon Dieu, mon amour, on vous aime pour se confoler; mais on ne vous aime point pour vous fuivre jufqu'à la mort de la Croix ! Tous vous fuïent; tous vous abandonnent; tous vous mé connoiffent; tous vous renient. Tant que la raifon trouve fon compte & fon bonheur à vous fuivre, on court avec empreffement, & l'on fe vante comme faint Pierre mais il ne faut qu'une question d'une fervante pour tout renverfer. On veut borner la Religion à la courte mefure de fon efprit; & dès

qu'elle furpaffe notre foible raifon, elle fe tourne en fcandale.

Cependant la Religion doit être dans la pratique, ce qu'elle eft dans la fpéculation; c'est-à-dire, qu'il faut qu'elle aille réellement jufqu'à faire perdre pied à notre raifon, & à nous livrer à la folie du Sauveur crucifié. O qu'il eft aifé d'être Chrétien à condition d'être fage, maître de foi, courageux, grand, régulier, & merveilleux en tout ! Mais être Chrétien pour être petit, foible, méprifable, & infenfé aux yeux des hommes, c'est ce qu'on ne peut entendre fans en avoir horreur. Auffi l'on n'eft Chrétien qu'à demi. Non-feulement on s'abandonne à fon vain raifonnement, comme les Gentils; mais encore on fe fait honneur de fuivre fon zéle comme les Juifs. C'eft avilir la Religion, dit-on, c'eft la tourner en petiteffe d'efprit: il faut montrer combien elle eft grande. Hélas! elle ne le fera en nous, qu'autant qu'elle nous rendra humbles, dociles, petits, & détachés de nous-mêmes.

On voudroit, à nôtre fantaisie, un Sauveur qui vînt pour nous rendre parfaits, pour nous remplir de notre propre excellence, & pour remplir toutes

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