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Vous le fçavez, ô Dieu de mon cœur, que je n'y veux tenir à rien qu'à votre ordre. Je ne fuis dans cette terre étrangere, qu'à caufe que vous m'y tenez. Je vous aime mieux que toute autre chose. Il vaut mieux foufrir selon vos deffeins, que d'être dans une autre fituation qui feroit contre vos ordres. En me privant de vous, privez-moi de tout; dépouillez, arrachez fans pitié ; ne laissez rien à mon ame de ce qui pourroit vous déplaire.

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Si la préfence du Sauveur a dû nous être ôtée, que doit-il nous refter Si Dieu a été jaloux d'une fi fainte confolation pour les Apôtres, avec quelle indignation détruira-t-il en nous tant d'amusemens qui nous confervent certains reftes fecrets d'une vie propre & toute humaine? Quelle confolation fera auffi pure que celle de voir JESUS? Et par conféquent en refte-t-il quelqu'une dont nous offons encore refufer le facrifice? O Dieu, n'écoutez plus ma lâcheté ; dépoüillez, écorchez s'il le faut, coupez jufqu'au vif. Quand tout fera ôté, ce fera alors que vous resterez feul dans l'ame.

Jean XVI. 7. Slje

Pour le jour de la Pentecôte.

Ije ne m'en vais, le Confolateur ne viendra point à vous.

Ce font vos paroles, par lefquelles vous nous exprimez des chofes bien furprenantes, & bien dificiles à comprendre.Si vous ne vous en allez,nous ditesvous, nous n'aurons point le Confolateur. Mais plutôt, ô mon Dieu, fi nous vous perdons, qui pourra nous confoler & au contraire fi vous demeurez avec nous, qui pourra nous afliger? N'êtes-vous pas vous-même notre parfaite confolation ? N'êtes-vous pas notre unique bien & notre fouverain bonheur ? Que peut-on défirer quand on vous pofféde? & fans vous, que peuton pofféder qui foit capable de contenter nos défirs? Que votre difcours furpaffe la portée de l'efprit humain ! que l'interprétation lui en doit être impoffible, s'il ne la cherche qu'en fes lumieres! & où pourra-t-il la trouver ailleurs qu'en vous ? Comment donc pouvoir l'entendre, & quel Confolateur prétendre, fi vous nous quitez? Jufqu'à préfent nous avons mis notre espérance en vous feul. Rien ne peut vous réfifter; la mer & les vents vous obéïf

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fent, la mort entend votre voix, & fe foumet à vos ordres; la vie ne vous eft pas moins foumife; l'enfer tremble fous vos loix, & il reconnoîtien vous le Souverain du Ciel même. Vous n'aimez qu'à faire du bien, & vos défirs ne connoiffent point d'obftacle. Les prodiges de votre pouvoir, qui ont fi fouvent frapé nos yeux, ont atiré notre confiance. Si nous fommes quelquefois environnés d'ennemis, & fi quelque chofe femble confpirer à nous détruire, nous voïons en vous un infaillible fecours, & nous ne voyons nul autre que vous d'où nous en puiffions atendre. Que faire dans votre absence, & à qui nous adreffer ? Quel autre peut venir à nous, & réparer notre perte? Votre fainte parole eft pour nous un lait divin, qui nourrit notre ame d'une maniere pleine de douceur & de plaifir. Que deviendront des enfans féparés du lait de leur mere? Ah, Seigneur vous voulez nous dire, qu'il y a affez long-tems que nous prenons cette douce & agréable nourriture; & que comme des enfans, elle nous a enfin conduits à un état de force affez avancé, pour en foutenir une plus dure.

Vous jugez qu'il eft tems de nous fé-
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vrer, & vous nous préparez une autre maniere de vivre, qui demande que vous vous éloigniez de nous. Vous nous aprenez que l'aimable vûë de votre Humanité fainte, qui nous préferve de toute défolation, & l'heureuse préfence de l'Epoux, durant laquelle nous ne fçaurions pleurer, doit nous être ôtée, afin que nous commencions à manger du pain de larmes, fans quoi nous ne pourrions pas être confolés, Car où il n'y a point d'afliction, la confolation n'a point de lieu.Qu'est-ce donc que vous nous annoncez, Seigneur, par ces divines paroles: Si je ne m'en vais, le Confolateur ne viendra point à vous ?

Vous nous annoncez que certainement nous allons foufrir. Mais votre bonté eft fi grande, que vous ne nous marquez les foufrances que par la confolation. Vous nous les avez marquées autrefois plus ouvertement, fans craindre de nous éfraïer par la propofition des fuplices: mais aujourd'hui que vous êtes prêt à nous quiter, il femble que votre tendreffe redouble, & que ne pouvant fe réfoudre à nous prédire nos maux par leurs propres noms, elle nous les exprime par l'expofition du remede qu'elle nous promet.. Il faut donc

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Seigneur, , que nous vous quitions, & & que nous endurions la douleur d'un fi trifte éloignement, pour recevoir l'abondance divine des confolations affez qu'il nous fournira. Ce n'eft pas pour nous d'avoir tout laiffé, biens,. parens, amis, pour vous fuivre ; il faut encore, pour combler notre détachement, que nous quitions la préfence: visible de celui même pour qui nous avons tout quité. Chofe étrange ! Il faut, pour nous perfectionner, nous féparer tellement de tout, que la fource même de la perfection s'éloigne de nous vifiblement, afin que cette féparation nous faffe faire le dernier pas, pour nous aprendre à nous détacher d'un autre objet, que jufqu'ici nous avons peut-être encore plus aimé quevous, & cet objet eft nous-mêmes. Il faut, Seigneur, que vous nous priviez de votre adorable perfonne que nous aimons; afin que les traits perçans d'une perte fi douloureufe, excitant l'engourdiffement de notre fécurité, nous oblige à tout abandonner, pour nous rejoindre plus étroitement à vous, jufqu'à nous féparer de nous-mêmes, fans. quoi cette heureuse union-ne fçauroit être parfaite. Mais qui nous fera re

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