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baiffer pour y entrer; on n'y entre même qu'à force de prieres, & fous la conduite de certains guides prépofés par la Maitreffe du jardin, qui s'apelle 'Eglife Catholique: Ce font de vénérables vieillards qui ont long-tems cultivé ce jardin, qui en fçavent tous les détours; & qui ont une connoiffance parfaite des plantes & des fruits qu'il renferme. La vérité qui y préfide, les inftruit de tout. J'aperçus un de ces guides qui me tendoit la main, s'ofrant de me faire voir ce lieu fi charmant; je reconnus bien-tôt à fon éloquence & à la profonde connoiffance qu'il avoit de tout ce que contenoit ce jardin, qu'il étoit cet ami de S. Paul, à qui on donne le nom de Chryfoftome.

Après m'avoir fait remarquer l'ordre & la cimetrie de ce vafte enclos, il me demanda fort obligeamment ce qui m'en agréoit davantage. Je lui avouai que j'étois charmé de l'agréable émail des fleurs ; mais qu'étant demi mort de faim & de foif, & d'ailleurs fort infirme, j'avois bien befoin de quelques fruits. Que vous me faites de plaifir, me dit-il, en m'embraffant; cela me donnera lieu de vous faire part de mes lumieres, car nous avons ordre de con

gédier promptement tous ceux qui ne viennent ici que pour fe promener, & par curiofité. En achevant ces mots, il cueillit plein fa main de fruits; puis les aïant lui-même caffés (car c'étoit des amandes) il m'en préfenta les noyaux. Je crus d'abord qu'il m'avoit trompé, tant je trouvois ces noyaux amers. Il s'en aperçut: & me regardant avec un fouris plein de bonté; il me dit; ce fruit eft amer, n'eft-ce pas ? il paroît tel à ceux qui n'ont pas acoûtumé d'en manger, mais vous ferez bien-tôt contraint d'avouer qu'il n'y a rien de plus délicieux. Il avoit raifon; & à peine avois-je avallé ce qu'il m'avoit donné, que je retournai la tête pour regarder l'arbre d'où il les avoit pris; & je lui confeffai que je n'avois jamais rien mangé d'un goût fi exquis. Je fuis bien aife, dit mon vénérable vieillard, que vous preniez goût à nos fruits; mais avançons. vous ce grand arbre, dont la cîme touche au Ciel, & dont les branches pendent jufqu'en terre ? C'eft cet arbre de vie dont tout le monde parle, & dont néanmoins on ne connoît point les fruits dans votre païs; nous apellons cet arbre la Charite. Tous ces autres que vous

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Voiez

voïez en font des rejettons: ils ont la même racine, & ils fe nourriffent de fon fuc; s'ils en étoient féparés, ils deviendroient ftériles; ou ils ne porteroient que des fruits fauvages d'un goût infipide & capable d'empoisonner.

Je compris bien qu'il entendoit parler de l'amour propre, des vertus humaines, & des bonnes actions faites par vanité. Je le priai de m'expliquer les propriétés de tous ces diférens fruits qui pendoient au bel arbre de la Charité car je croïois y voir des grenades, des olives, des dattes, des poires de bon chrétien, des figues, des pommes de paradis, & une infinité d'autres, dont je ne fçai pas bien les noms.

Très-volontiers, répondit mon guide; mais de quoi vous fervira de fçavoir, ce que vous fouhaitez d'apren dre, fi vous ne goûtez vous-même de tous ces fruits?

Il prit à même-tems une grande corbeille qu'il trouva fous l'arbre, & la remplit de tous les diférens fruits qui fe trouvoient dans le jardin. Puis me les montrant du doigt l'un après l'autre ; il me dit ; cette pomme d'or eft le plus excélent de tous ces fruits; ceux qui s'en nourriffent, perdent le goût de tou

tes leurs afections, & tous leurs défirs ne tendent qu'à Dieu; & ils n'aiment rien que par raport à cet unique objet de leur cœur. Cette orange chaffe la mélancolie & la trifteffe; fon jus réjouit tellement le cœur, qu'au milieu des plus grandes douleurs, on conferve toujours un vifage ferein, parce que la vertu propre de ce fruit eft de chaffer les méchantes humeurs.

L'olive que vous voïez auprès, eft excélente contre les convulfions & les inquiétudes : elle tempere fi bien toutes les humeurs, qu'elle entretient l'ame dans une fanté parfaite; elle lui procure un fommeil tranquille,malgré le bruit & les troubles du dehors. Cette datte eft le fruit du beau palmier que vous avez vû à l'entrée de ce jardin; il fortifie tellement l'eftomac,qu'il digere aifément les viandes les plus indigeftes; il donne du courage; if rend le corps ro bufte, & empêche l'ame de tomber dans l'abatement. Vous ferez peut-être furpris de ce que nous apellons cet excélent raifin, fruit de bénignité; c'est qu'outre qu'il est très-agréable au goût, il eft encore bon à toutes fortes de perfonnes, aux fains, aux malades. D'ail leurs, l'arbre qui le porte, se laisse plier

de quel côté qu'on veut, foit qu'on le leve en haut, ou qu'on le laiffe

ramper

à terre, fon fruit ne perd rien de sa

douceur.

Vous connoiffez fans doute ces poires; mais vous ne les connoiffez que de nom. Nous les apellons poires de bon. chrétien. Ce fruit eft rare chez vous, il communique une fi grande bonté à tous ceux qui en vivent, qu'il ne fonge qu'à faire plaifir à tout le monde. Ces grains odoriférans qui font comme une couronne, font comme une efpéce de poivre qui fert à conferver les autres fruits. Il les préferve des mouches de la vanité, du ver de l'amour propre, & de tous les autres accidens. C'est pour cela qu'on l'apelle fruit de perfévérance. Nourriffez-vous en durant le chemin qui vous refte, & vous arriverez à bon port. La douceur de ces figues n'eft point fade; goûtez-en ; elles ont une vertu admirable pour tempérer la bile & chaffer l'humeur âcre. De plus elles rendent la voix douce, & font oublier les injures.

Il paroît que ces prunes luifantes vous plaifent affez; fçavez-vous leur nom? Je répondis que je l'ignorois comme ceux de tous les autres fruits,dont il n'a

voit

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