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me heureux ceux qui foufrent, quand ils foufrent en Chrétiens. Enfin, il y a du plaifir de voir toutes les créatures aux pieds du Tribunal de la Foi, où elle décide fouverainement dé leur mérite ou de leur inutilité. Il est constant

que

qu'elles ne font ce que la Foi juge qu'elles font en éfet ; & le jugement qu'elle en porte fubfifte éternellement. Il n'y a rien qui par cette voïe ne puisse nous conduire à Dieu, & nous aprendre à prier. C'eft ce qui faifoit dire fort agréablement au grand faint Antoi ne dans fon défert, que le Ciel & la Terre étoient les deux feuillets du Livre, d'où il tiroit fes lumieres, & qui lui fournissoient le fujet de fes méditations.

La feconde priere eft celle que je nomme une prière d'efpérance, qui eft proprement une attention de l'ame que la vue des biens éternels remplit, & à qui il ne refte qu'un dégoût universel de toutes les créatures qui ne la peuvent remplir. L'ame en cet état fe répand en défirs; & elle dit avec faint Paul, que la vie lui eft à charge, que la mort feule peut faite fa confolation. Avec le Prophète Roi, mon cœur fourpire après vous, ô mon Dieu. Avet

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faint Philippe, Seigneur, faites-nous voir votre Pere, & nous fommes contens. Avec faint Pierre, qu'il fait bon là. Avec les Juifs captifs en Babylone les peuples de la terre nous ont invité à leur fête & preffé de chanter avec eux. Mais, ô chere Sion, ton fouvenir nous occupe, & nous ne nous confolons que par nos larmes. Nous avons dit adieu aux plaisirs, aux chants, à la mufique. Nous avons pendu aux faulx' nos inftrumens, pour ne nous occuper que de Sion.

cet→

Vous comprenez par-là que cette oraison eft proprement une oraifon de larmes : que les fecrets gémiffemens que le faint Efprit forme lui-même dans le fond de nos cœurs, font l'efprit de cette Priere que le mépris des créatures entre auffi-bien que le fentiment de nos maux : qu'enfin toutes les épines que nous trouvons ici fous nos mains, que tous les dégoûts que nous fentons quelquefois fur cette vie, & fur les maux qui Faccompagnent, font des fecrets que Dieu nous donne d'y entrer, & d'aller à lui. Le tems le plus propre à vous fervir de cette Oraison, eft lorfque yous vous trouverez dans un certain abattement & uncertain ennui, caufe

quelquefois par le dérangement de nos petites afaires , par le mauvais fuccès de nos deffeins, par la trahifon d'un ami, ou même quelquefois par un principe que nous ne connoiffons point affez dans ce tems-là. Je crois cette Oraifon d'efpérance tout-à-fait néceffaire; & fouvent même elle eft prefque la feule que nous puiffions faire utilement.

Je paffe à une troifiéme maniere d'Oraifon, que je nomme d'amour. Ici Dieu en veut à notre cœur. Voici proprement pourquoi il eft fait. Il n'eft formé que pour l'amour; & fon amour n'est innocent, que quand il fe repofe en Dieu. Pour pratiquer excellemment cette noble maniere de prier, il n'y a qu'à aimer. Tant que l'amour eft dans un cœur, cette heureuse maniere de prier s'y trouve. Là le cœur fe nourrit de tout ce que la Foi lui aprend de fon bien-aimé, & fait tout fon plaifir de

s'en occuper.

Cette Priere eft de tous les tems, de toutes les difpofitions, de tous nos emplois. Ainfi fon ufage va fort loin. Avec elle tout eft bon, fans elle rien n'eft bien recû. Elle feule renferme tous nos devoirs. Par elle feule nous les rempliffons tous, & fans elle nous femons

quel

quelquefois de la bonne femence ; mais nous ne recueillons gueres que de l'ivraïe & de la paille propres au feu.

Elle nous doit occuper dans la profpérité. Car comme tous les biens font un don de Dieu qui nous viennent de fon amour, il n'y a qu'une priere d'amour qui puiffe nous aquiter dans ces occafions, de ce que nous devons à la reconnoiffance. Aimer les dons de Dieu en foi, mais aimer encore plus fon adorable volonté qui les y met; c'eft offrir à Dieu la plus parfaite reconnoiffance, lui témoigner dans ces rencontres que nous ne l'oublions pas dans l'ufage de fes dons ; que les éfets de fa bonté ne font qu'accroître en nous le défir de le poffèder. C'eft prier par amour. C'est avoir pour les dons de Dieu une vraie gratitude, qui est pour nous une nouvelle fource de graces. Craindre fous une fituation heureufe que notre amour ne s'affoiblif fe, que nous ne nous repofions un peu trop dans ce qui nous flate, ou marquer à Dieu nos petites inquiétudes, & le prendre à témoin que nous ne voulons que lui; prêts à nous voir dépoüillerde tout, affez riches pourvû que nous foïons à lui: c'eft avec la G

pieuse Esther faire à Dieu une priere d'amour.

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&

Cette même maniere de priere fe pratique encore plus excellenment dans les croix; parce que l'amour dans ces occafions, eft bien plus fincere moins fujet à l'illufion. Pour prier dans ces tems de peine, il n'y a qu'à bien fentir fon mal; baifer la main qui nous le fait; aimer la volonté qui l'ordonne, & le cœur adorable qui l'a voulu. Cette priere d'amour dans ces triftes occafions, eft d'autant mieux reçûë, que c'est presque le feul Sacrifice dont le cœur foit capable, & le feul qu'on attend de fa fidélité. Se tenir en repos dans cet heureux renver fement, c'eft rendre à la fouveraineté de Dieu un glorieux témoignage ; c'eft confeffer devant lui le néant de la créature. Ainfi Job fur fon fumier prioit admirablement, & fon amour se répandoit tout entier devant fon Dieu; content quoiqu'affligé, riche, quoique dépouillé, & paifible fous l'agita tion la plus cruelle. Ce qui fait le calme & le repos de l'amour dans ces occafions, eft de voir Dieu content, quoi qu'il en coûte à la créature. Il fu fit que Dieu foit content pour con

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