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ble qui vous a outragé, parce que vous pouvez la remplir de votre amour; mais vous ne pouvez ceffer d'être contraire à l'ame qui raporte tous vos dons à elle-même, & qui refufe de se raporter elle-même par un fincere & & véritable amour à fon Créateur. Ne faire que vous craindre, ce n'eft pas fe raporter à vous ; c'est au contraire ne penfer à vous que par raport à foi. Vous aimer dans la feule vue des avantages qu'on trouve en vous, c'est vous raporter à foi, au lieu de fe raporter à vous. Que faut-il donc pour fe raporter entierement au Créateur? II faut fe renoncer, s'oublier, fe perdre, entrer dans vos intérêts, ô mon Dieu, contre les fiens propres; n'avoir plus ni volonté, ni gloire, ni paix que vôtre. En un mot, aimer Dieu comme il doit être aimé, c'est raporter à lui feul, tous les biens que nous en recevons; & à l'éxemple des Saints, ne défirer que ceux qui dureront toujours.

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O combien d'ames, qui fortant de cette vie chargées de vertus & de bonnes œuvres, n'auront point cette pureté entiere, fans laquelle on ne peut voir Dieu; & que faute d'être trouvées dans ce raport fimple & total

de la créature à fon Créateur, auront befoin d'être purifiées par ce feu jaloux, qui ne laiffe rien dans l'autre vie à l'ame de tout ce qui l'attachoit à elle-même ! Elles n'entreront en Dieu, ces ames, qu'après être pleinement forties d'elles-mêmes. Dans cette épreuve d'une inexorable juftice, ce qui eft encore à foi, eft du domaine du Purgatoire. Hélas, combien d'ames qui fe repofent fur leurs vertus, & qui ne veulent point entendre le renoncement parfait à elles-mêmes: cette parole leur eft dure, & les fcandalife mais qu'il leur en coûtera pour l'avoir négligée ! Elles païeront au centuple les retours défordonnés fur elles-mêmes, & les vaines confolations dont elles. n'auront pas eu le courage de fe déprendre.

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Revenons donc. Telle eft la grandeur de Dieu, qu'il ne peut rien faire que pour lui-même, & pour fa propre gloire; c'eft cette gloire incommunicable, dont il eft néceffairement jaloux, & qu'il ne peut donner à perfonne, comme il le dit lui-même; au contraire, telle eft la baffeffe de la créature, & fa dépendance, qu'elle ne peut fans s'ériger en fauffe divinité, & fans vio

ler la Loi immuable de la création, rien faire, dire, penfer, ni rien vouloir pour elle-même, & pour fa propre gloire, fans raporter tout à Dieu."

O néant, tu veux te glorifier; tu n'es qu'à condition de n'être jamais rien à tes propres yeux; tu n'es que pour celui qui t'a fait être. Il fe doit tout à lui-même, tu dois tout à lui; il ne peut en rien relâcher; tout ce qu'il te laifferoit à toi-même, fortiroit des Loix immuables de fa fageffe & de bonté. Un feul inftant, un feul foupir donné à ton amour propre, blefferoit effentiellement la fin du Créateur dans fa créature. Il n'a befoin de rien, mais il veut tout, parce que tout lui eft dû, & que tout n'eft pas trop pour lui lui, tant il eft grand : mais cette même grandeur fait qu'il ne peut rien produire hors de lui-même, qui ne foit tout pour lui. C'eft fon bon plaifir qu'il veut dans fa créature. Il a fait pour moi le Ciel & la terre; mais il ne peut fouffrir que je fafle volontairement & par choix, un feul pas pour une autre fin que d'accomplir fa volonté. Avant qu'il eût produit fes créatures, il n'y avoit point d'autre volonté que la fienne. Croïons-nous qu'il

ait créé des créatures raifonnables " pour vouloir autrement que lui? Non, c'eft fa raifon fouveraine qui doit les éclairer, & être leur raifon; c'est fa volonté, régle de tout bien, qui doit vouloir en nous; toutes nos volontés n'en doivent faire qu'une par la fienne; c'est pouquoi nous lui difons Que votre règne vienne, qué votre volonté foit faire.

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Pour mieux comprendre tout ceci, il faut fe représenter que Dieu qui nous a fait de rien, nous refait encore, pour ainsi dire, à chaque inftant. De ce que nous étions hier, il ne s'enfuit pas que nous devions être encore aujourd'hui. Nous pourrions ceffer d'être, & nous retomberions effectivement dans le néant dont nous fommes fortis, fi la même main toute-puiffante qui nous en a tirés, ne nous empêchoit d'y être replongés. Nous ne fommes rien par nous-mêmes. Nous ne fommes que ce que Dieu nous fait être, & feulement pour le tems qu'il lui plaît. Il n'a qu'à retirer fa main qui nous porte, pour nous r'enfoncer dans l'abîme de notre néant, comme une pierre que l'on tient en l'air, tombe dans fon propre poids des qu'on ne la tient plus. Nous n'avons

donc l'être & la vie que pour le don de Dieu.

De plus, il y a d'autres biens qui étant d'un ordre bien plus pur & plus élevé, viennent encore plus de lui. La bonne vie vaut encore mieux que la vie : la vertu eft d'un plus grand prix que la fanté : la droiture & l'amour de Dieu, font plus au - deffus des dons temporels, que le Ciel ne l'est au-deffus de la terre. Si donc nous fommes incapables de pofféder un feul moment ces dons vils & groffiers, fans le fecours de Dieu, à combien plus forte raifon faut-il qu'il nous donne les autres dons fublimes de fon amour, du détachement de nous-mêmes, & de toutes les vertus.

C'est donc, ô mon Dieu, ne vous point connoître parfaitement, que de vous regarder hors de nous, comme un Etre tout - puiffant, puiffant, qui donne des Loix à toute la nature, & qui a fait tout ce que nous voïons! C'est ne connoître encore qu'une partie de ce que vous êtes; c'eft ignorer ce qu'il y a de plus merveilleux & de plus touchant pour vos créatures raifonnables. Ce qui m'enleve, & ce qui m'attendrit, c'est que vous êtes le Dieu de mon cœur.

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